Chapitre 3

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Je m'éveillai aux premières lueurs du jour, l'esprit confus. La tenture inhabituelle qui me surplombait diffusait ses nuances écarlates à travers la tente, m'englobant dans une ambiance sanguine. Les volutes du sommeil agité dans lequel j'avais fini par tomber s'éclaircirent alors que les évènements de la veille se rejouaient, impitoyables, dans mon esprit ; une angoisse écrasante m'étreignit. Le camp fourmillait des allées et venues de ces créatures viles, dont la simple présence suffisait à vous maudire. À cette pensée, je repoussai vivement la couverture de fourrure qui me protégeait de la froideur matinale et inspectai mon corps.

Il n'y avait aucune trace de leur malédiction. Je soupirai.

— Personne ne t'a estropié cette nuit, lança Adrik, amusé, à l'entrée.

L'ilyoni entra et me tendit un bol et deux larges tranches de pain, surmonté d'un fromage odorant.

Je m'en emparai, la faim au ventre et reniflai l'épais bouillon ambré, dont les volutes de fumée réchauffaient mes joues glacées. Un riche parfum d'épices s'en dégageait, et sans une hésitation, j'y plongeai les lèvres. Son goût exotique frappa mes papilles et enflamma mon palais, avant que les graisses des morceaux de viande ne viennent l'apaiser.

Je vidai le bol en quelques gorgées voraces et me rabattit sur les denrées solides.

— Tu as bien dormi ? Me demanda Adrik en me couvrant du regard.

Je haussai les épaules et continuai de dévorer mon repas. D'humeur bavarde, il s'assit sur une malle en bois, pour me faire face.

— Maintenant que tu es reposé et que tu as l'estomac plein, il serait temps de discuter.

Je reposai la tranche de pain sur mes genoux et lui décochai un regard anxieux.

— Que voulez-vous savoir ?

— Ton prénom, pour commencer.

— Jeizah, confiai-je du bout des lèvres.

Il réfléchit un instant, mais au vu du tic nerveux de sa joue, il n'en tira aucune conclusion positive.

— De quelle famille viens-tu ?

Je l'observai avec circonspection.

— Pourquoi cette question ?

— Je ne peux pas te ramener chez toi, si je ne sais pas chez qui t'amener.

Je levai un sourcil et un gloussement ironique m'échappa.

— Vous voulez me raccompagner ?

— Bien sûr, affirma-t-il des plus sérieux. Je n'ai aucun intérêt à te garder plus longtemps que nécessaire et tes parents doivent être inquiets à l'heure actuelle.

L'effarement prit le pas sur l'inquiétude qui me taraudait, la colère m'emporta.

— Bien sûr, répondis-je en empruntant ses mots, vous avez plutôt tout intérêt à m'accompagner pour connaître l'emplacement du village et l'attaquer par la suite. Ne comptez pas sur moi. Même si les gardes, que vous avez tués, m'ont poursuivi dans la forêt, ils ne faisaient qu'obéir à nos lois et voulaient protéger le reste d'entre nous. Alors, ne croyez pas que je trahirai les miens aussi facilement !

— De quoi parles-tu ?

Le monstre, en face de moi, fronça les sourcils et feignit l'incompréhension.

— Je vois clair dans vos plans, inutile de jouer les philanthropes. Et, de toute façon, je ne peux plus rentrer. Les lois de Kesselt sont claires : si l'on sort de l'enceinte du village, seule la mort nous attendra au retour.

Sous les masques [Réécriture]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant