Tout est si froid, et si impersonnel, je ne m'imagine pas dire un jour que cette chambre est la mienne. Le blanc des murs est éclatant, le parquet luit, chaque chose à sa place. Je regrette cette chambre où des vêtements s'amoncelaient sur le sol, où le lit n'était jamais fait, et où les murs étaient étouffés sous les photos.Les quelques cartons dans lesquels je suis parvenue à entasser toutes mes affaires trônent grossièrement sur le tapis en laine - qui recouvre la moitié de la surface de la chambre - et attendent sagement d'être déballés. La chambre ressemble à celles que je regardais dans les magazines de décoration d'intérieur, lorsque j'avais neuf ans, comme si elle avait été extirpée de cette page sur les chambres en vogue en 2016.
Par exemple, il y a cet immonde cadre où les mots "home is a good place to be" sont tissés, que j'ai envie de déchirer et qui me nargue, accroché à côté de cette armoire démesurée. Mis à part cette note de mauvais goût, ma mère n'a pas pris de risque sur la décoration. Les meubles ainsi que les draps sont blancs, avec quelques gros coussins roses pâles.
Un Mac est posé sur le bureau. J'imagine que le même est posé dans la chambre de mon frère. Un cadeau de bienvenue, grossier sûrement, mais je n'ai rien dit.
Si je ferme les yeux, j'entends seulement les bruits du voisinage, - une voiture qui démarre, un oiseau qui piaille, une tondeuse - et je me revois six ans auparavant. Le même quartier, les mêmes voisins, la même mère, pourtant rien n'est pareil. Ma porte s'ouvre et mon frère apparaît dans l'encadrement. Il affiche ce même air dépité que moi, et je me sens moins seule. Il vient s'asseoir sur le lit à côté de moi.
- Toi aussi t'as un Mac, plaisante-t-il.
- Malheureusement. C'est bizarre de passer d'une chambre pour deux à presque 20 mètres carrés pour moi seule, dis-je. Ça va me manquer de plus t'entendre ronfler comme un porc.
Il rit et me donne une tape dans l'épaule. S'il n'était pas là, je me serais déjà allongé sur les rails d'un train. Il est sûrement la personne que j'aime le plus au monde, je ne sais pas si c'est parce que nous sommes jumeaux, ou parce qu'il est le seul à ne m'avoir jamais abandonnée.
- En fait, je ne sais pas ce qui est le plus bizarre entre avoir une chambre pour moi et avoir Harry comme demi-frère, et Franck comme beau-père, ajoute-t-il.
Paul et moi sommes nés dans ce quartier, et nous avons grandi avec quatre personnes : Cherry, Harry, Hayden et Lana. Nos parents étaient tous voisins et amis, et je n'avais jamais imaginé ma vie sans eux, jusqu'à ce que nous déménagions. Après cela, nous avons perdu presque tout contact avec eux. Mais lorsque ma mère nous a abandonnés, elle est partie avec le père de Harry, veuf, et maintenant, ils sont mariés.
- Ça fait presque six ans qu'on ne les a pas vus, soufflé-je.
- Je sais, à chaque fois que je croise Harry c'est trop bizarre, alors qu'on a grandi ensemble.
J'ai peur de revoir Cherry et Lana. Leur ai-je manqué ? Je me demande si les quatre sont restés amis, malgré notre départ. Et si nous n'avions plus notre place ? Il n'y a qu'un seul moyen de le savoir.
Désormais, notre maison est voisine de celle des parents de Hayden. J'ai une étrange sensation dans l'estomac lorsque je pense à lui, parce que je n'en garde que le souvenir d'un visage juvénile. Les maisons de Lana et Cherry ne sont pas loin, il faut que je les trouve. Je sais que Lana ne m'a pas oublié, alors ce sera elle que j'irai voir en premier.
Ce soir, ma mère a prévu d'organiser une réunion autour d'un barbecue qui ferait office d'une soirée de bienvenue, acclamant les enfants qu'elle a abandonnés.
VOUS LISEZ
Seventeen
RomantikParce qu'à 17 ans, c'est terrible d'aimer les hommes, pour elle, comme pour lui. Et parce qu'à 17 ans, on est malheureux.