VENUS - TOME 1

Chapitre 4

Mia

Me voilà sur mon canapé, accompagné de mon verre de vin rouge, tel un cliché de film new-yorkais. Cela fait maintenant une demi-heure que j'essaie de me détendre, mais c'est impossible. L'image de Pete, avec cet air menaçant et sûr de lui, refuse de sortir de ma tête. Pourquoi les mecs les plus sexy sont-ils toujours les plus cons ? Sexy ? Ai-je vraiment utilisé ce mot pour le décrire ? Mia, Mia, Mia, arrête le vin, ma belle, tu commences sérieusement à délirer. Qui pourrait trouver ce connard sans charisme « sexy » ?

Je scroll depuis des heures sur Instagram, et une curiosité maladive me pousse à stalker le profil de mon rival. Au pire, il n'en saura rien, non ? Je pianote rapidement sur mon téléphone et tape son nom dans la barre de recherche. Combien de « Pete » existent dans ce monde ? Des millions, mais un seul possède une photo de profil aussi agaçante qu'enivrante. Lui. Ses cheveux bruns et ses yeux perçants brillent même à travers l'écran. Bordel, c'est énervant. Son profil est à son image : clean, parfaitement organisé, horriblement intéressant. Bien sûr, il ne se prive pas de montrer ses abdos. Ça ne m'étonne pas de lui. Il doit avoir un "body count" bien supérieur au mien. J'ai confiance en moi, mais je déteste que quelqu'un puisse avoir une emprise sur moi. J'ai toujours cette peur qu'en s'attachant à moi, quelqu'un finisse par se rendre compte à quel point je suis abîmée à l'intérieur.

Je ne suis pas heureuse, loin de là. Je suis détruite de l'intérieur, de toutes parts. La seule chose qui me garde en vie, c'est mon travail. Il occupe mon esprit, tout le temps, sans relâche. Je ne suis pas une rose, je suis les épines. Et quiconque m'approchera finira blessé.

Pete

De retour au bureau, j'ai déjà envie de rentrer pour m'enfermer chez moi et me refaire l'intégrale du Labyrinthe. Mais la pensée de voir le visage de Mia se décomposer quand j'obtiendrai le poste et pas elle me rend plus heureux que jamais. Ce que mon boss avait « oublié » de nous préciser, c'est que nous devrions partager le même bureau pendant ces deux semaines. Celui de la peste aux lèvres de sang, en face de moi, est pour l'instant vide, ce qui me laisse le temps de me concentrer et de prendre de l'avance sur cette campagne. Travailler sur un parfum, c'est à la fois simple et complexe. Ma présentation doit être parfaite en tout point.

Je suis déjà installé à mon bureau depuis une bonne demi-heure, les doigts frappant le clavier au rythme de mes pensées, quand je la vois arriver. Mia. En retard, évidemment. Elle traverse l'open space en silence, le regard rivé au sol, comme si elle espérait passer inaperçue. C'est peine perdue. Tout le monde l'a vue entrer dix minutes après l'heure officielle, sans un bonjour, sans un regard. Elle s'assoit à son bureau, se noie dans son écran comme si rien ne s'était passé. Et ça m'agace. Plus que ça, même. Elle m'exaspère.

Je n'ai jamais compris comment quelqu'un comme elle peut espérer gravir les échelons ici. Elle est toujours à moitié ailleurs, jamais vraiment concentrée. Et là, elle pense sérieusement qu'en accumulant les retards, elle a une chance contre moi pour cette promotion ? Ridicule.

Je la dévisage, un sourire en coin. C'est plus fort que moi, il faut que je l'attaque, que je lui rappelle où est sa place. D'un ton que je m'applique à rendre moqueur, presque nonchalant, je lance :

— Alors, ma douce, tu sais que ce n'est pas en arrivant en retard tous les matins que tu vas décrocher cette fameuse promotion, hein ?

Elle relève à peine les yeux de son écran, mais je perçois une crispation dans sa mâchoire. C'est léger, presque imperceptible, mais suffisant pour me donner envie de continuer.

— Enfin, je dis ça, je dis rien, mais... tu as remarqué que les gens sérieux arrivent à l'heure, en général ?

Elle ignore toujours mon regard. Elle s'obstine à fixer son écran, à taper sur son clavier comme si elle travaillait déjà, comme si elle essayait de se fondre dans le décor. C'est presque amusant de la voir lutter pour ne pas me répondre. Elle se croit peut-être au-dessus de ça, mais on sait tous les deux que mes remarques l'ont touchée.