Chapitre 1

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TW- scarifications; drogue.

Hurts Like Hell -  Fleurie, Tommee Profitt
Tragic- Tommee Profitt , Fleur

Je rentre chez moi en trombe. Je balance toutes mes affaires sur le sol, je me déshabille le plus vite possible et entre sous la douche.
Je me mets à frotter frénétiquement, encore et encore, presque jusqu'au sang. Mes plaies se confondent avec le rouge de ma peau mais je ne peux pas m'arrêter, je ne veux pas m'arrêter. Pas avant d'avoir effacer toutes les marques, tous les touchers, les mains, les lèvres, tout, même ce qui s'est passé ce soir. Je sors un instant et récupère mon couteau Bowy. Pour finir ce que j'ai commencé.
Je taille dans le lard du haut de ma cuisse, profondément, et grave DAD juste à côté. Je m'attaque ensuite à mon mollet. Une entaille de plus, abyssale.
J'en ai fini pour aujourd'hui. Je suis... apaisée. Comme si le sang qui coulait de ma jambe emportait avec lui toute la douleur, la souffrance intenable que je ressens. Seulement, maintenant je ne ressens plus rien. Le vide, le néant. Et la seule chose qui pourrait m'apaiser serait de jouer à une autre que moi.
Je sors de la douche, vivante, laissant le sang couler à sur le parquet, et vais chercher mon kit de couture. Je me pose à même le sol, dans la salle de bain et commence. Je ne veux pas mourir pensais-je. Un. Deux. Trois. Quatre point. Bien, à la suivante: quatre points également. Je m'en sors bien, au final.
Sauf que cette fermeture n'est pas assez. Je n'en ai pas assez. Toujours ce vide au fond de mon âme. Alors une fois mettre nettoyée de fond en comble, je vais prendre ma trousse de cigarettes améliorées. Rien qu'un, et je dormirai me dis-je, rien qu'un.
Après l'avoir roulé, plutôt bien même, je tire deux ou trois taffes . Mon téléphone sonne, me tirant de mon bien-être. Vive le shit et merde au mode avion.
C'est... ma psychologue, Éléanore. C'est ma psychologue qui m'envoie un message pour me demander comment je vais. J'hésite un instant à lui répondre, me disant qu'elle mérite de passer une bonne fin de semaine, elle, pas de ce prendre la tête avec une énième patiente en détresse.
Hésitante et groggy, je lui répond maladroitement, lui avouant ce que j'ai fait, ce qui s'est passé, lui parlant de ma séance défonce.
Elle me propose une énième séance en visio, que je refuse, comme à mon habitude. Je ne pourrirai pas sa vie en plus de la mienne. Je m'endors avant de recevoir sa réponse.

-Trois jours après-

Je me réveille aux alentours de huit heures, heureuse d'être en vacances. Heureuse... bonjour la phase haute plutôt ! Une semaine d'affilée en phase dépressive, pour moi, signifie toujours une remontée des plus mémorable. Nous verrons bien ce qu'il adviendra. Je me prépare un grand café, et mets ma playlist « joyeux » en route. Dojo Cat en fond, le résultat est presque terrifiant: une Ana qui saute partout, danse n'importe comment et chante à tu-tête. Effarant. Amusant. Je me sens bien. Mieux que bien. Je me sens... comme si le monde était à mes pieds.

Je me prépare ensuite, pendant ce qui me semble être des heures pour paraître en bonne santé lors de mon rendez-vous avec ma psychologue. Oui, c'est carrément important. Bien que ce ne soit qu'une façade et qu'elle soit parfaitement au courant. Borderline, you know, she knows, we know.
Puis, comme il me reste un peu de temps à tuer -le temps et pas moi pour une fois- je décide de divaguer complètement. Perte du contrôle de la conscience. Je le fais. J'ose checker les réseaux de ce fameux Ash.
Et rien. Il n'y a rien. Pas la moindre miette d'information viable. J'abandonne. Ce mec est trop, de toute façon.
Déçue de ma non trouvaille, je range mes affaires et sors. J'ai certes plus d'une heure à tuer avant mon rendez-vous avec ma psychologue, mais j'ai envie de passer dans une libraire, et, surtout, de profiter du soleil. Des arbres. De la vie.

Je m'installe sur un banc ombragé, mes écouteurs enfoncés à fond dans mes oreilles et allume ma clope.
Mais cet instant de paix disparaît.
Un homme d'une cinquantaine d'année au moins s'installe à mes côtés et engage la conversation.
Je me mets à dissocier.

Flashback-

« Tu es belle, vraiment belle. Tu ne voudrais pas m'envoyer une petite photo de toi ? Tu sais... tu me plais. »

Fin du flashback-

J'ai fini ma clope. Mon moment de paix est terminé. Je me lève et dis que j'ai un rendez-vous. Je fuis. Le plus vite possible. Je regarde s'il me suit. J'entre dans la cour intérieure.
Angoisse, angoisse, angoisse.
Je me mets à utiliser toutes les techniques que je connais pour me calmer. Bordel, il me reste une demie heure avant ce foutu rendez-vous.
Inspire. Je fixe la porte de la cour. Bloque. Je me mets à sauter, sauter, toujours plus haut, plus fort, les yeux fermés, les bras ballants. Je saute. Expire. Je m'arrête. Je me mets à compter, dans ma tête, sur mes doigts, à voix haute. Tout pour rester ancrée dans le présent. Je suis en sécurité. Musique à fond dans mes oreilles.
Je me calme petit à petit, mais sent les larmes monter. Je les laisse faire, pourquoi lutter ? Au final, ça fait toujours du bien de pleurer.

Ma psychologue est là. Je lui souris, mes larmes presque sèches. J'entre dans son cabinet : c'est le début de la séance.

— Comment allez-vous ?
— Eh bien... je crois que je devrais commencer par vous dire ce qu'il vient de se passer, commençais-je. Tout allait bien ce matin. Je suis même arrivée en avance pour m'acheter des tarots et profiter du soleil.
— C'est très bien !
— Mais. Il y a visiblement toujours un mais dans mes histoires. J'étais posée sur un banc, un homme âgé, la cinquantaine ou soixantaine je pense m'a demandé s'il pouvait s'asseoir également. J'aurais dû refuser. Au début il était... amical. Ensuite... il- il a dit que comme je fumais, il allait m'enfermer chez lui et que je n'aurai que la liberté de crier et de frapper sa foutue porte d'entrée. Il m'a dit qu'il plaisantait, que c'était quelqu'un de bien, qu'il était incapable de faire ça. J'en étais presque sûre moi aussi. Je veux dire, qui est assez dérangé pour imaginer ça et le dire à voix haute ? Enfin bon. Il... a continué. Il m'a parlé de sexe, avec des travailleuses du sexe ou non à qui il a proposé de l'argent contre un peu de tendresse. Il me touchait le bras. Me disait qu'il tenait toujours ses promesses, lui, toujours.
— Avez-vous réussi à vous sortir de cette situation sans vous mettre en danger ?
— Je lui ai simplement dit que je devais partir. Il ne m'a pas suivie. Heureusement... enfin bref.
— Ça vous a fortement touchée. Ça se voit. Serait-il possible que ça vous ait rappelé d'autres traumatismes ?

Je dissocie un instant, une fois de plus, puis reprends le contrôle et ferme les yeux.

— Cet homme. Quand j'étais en cinquième. Ça m'a fait pensé à cette putain d'histoire. Et... mon géniteur.

***

Burning rosesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant