Chapitre 1

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Le café de Frelighsburg était plein ce matin-là. Les habitués murmuraient autour de leurs tasses de café, les regards baissés vers la une du journal local : L'enquête sur Clara Dupont officiellement fermée. En noir et blanc, l'article montrai le même portrait souriant de Clara qu'ils avaient tous vu cent fois — les longs cheveux châtain et la rangée de dents parfaites. Lila, debout derrière le comptoir, attrapa le journal et sentit une pointe de rage sourde s'allumer en elle. Fermée, comme ça, sans réponses. C'était donc terminé.

La clochette de la porte tinta. Lila releva la tête et aperçut une fille qu'elle n'avait jamais vue ici. Elle avait les cheveux tirés en une queue-de-cheval, une veste en jean délavée, et un regard sombre qui balayait la salle. Elle ressemblait à quelqu'un qui ne se fondait pas dans le décor, quelqu'un qui ne semblait pas appartenir à ce petit village trop calme.

Lila la regarda s'installer à une table en coin, seule, avant de se diriger vers elle avec un carnet de commandes à la main.

— Salut. C'est quoi, la spécialité ici ? demanda la fille, un sourire espiègle aux lèvres.

— Un café filtre imbuvable, avec une touche de lait éventé, répondit Lila sans sourire.

La nouvelle cliente éclata de rire. Un rire franc, un peu rauque, qui tranchait dans le silence pesant du café. Un vieux monsieur au comptoir lui jeta un regard de travers.

— Je prends ça, alors, dit-elle.

Lila nota la commande, avant de jeter un œil autour de la salle. Tout le monde semblait avoir les yeux rivés sur ce fichu article, sans parler, sans même s'échanger de regard. Cela faisait un an que Clara avait disparu, et maintenant, l'affaire était officiellement close. Aucun coupable, aucune explication, rien que le silence.

Lila revint avec le café et le posa devant la fille.

— Ça fait longtemps que t'es dans le coin ? demanda Lila, en essayant de ne pas paraître trop curieuse.

— Trois jours, dit-elle en haussant les épaules. Je m'appelle Sarah.

— Lila.

Sarah avala une gorgée de café, grimaça, et posa la tasse.

— Tu connaissais Clara Dupont ?

Lila fut prise de court. C'était presque une question interdite ici, quelque chose que personne n'osait vraiment aborder, du moins pas de cette manière directe.

— Un peu, dit-elle finalement. Enfin, pas vraiment. Elle n'était pas dans mon groupe d'amis.

Elle hésita. Se lança.

— La dernière fois que je l'ai vue, c'était le soir de la fête du village, l'année dernière. Elle était là, puis... enfin, tu sais.

Sarah hocha la tête, attentive. Elle avait un regard un peu trop vif, un regard qui captait chaque détail.

— Et ça te dérange pas, toi, qu'ils ferment l'enquête ? Qu'on laisse tomber ?

Lila ne répondit pas. Ce n'était pas juste que ça la dérange. C'était pire. Ça l'obsédait. Mais elle ne savait même pas pourquoi. Clara était une inconnue, presque une étrangère dans sa vie. Pourtant, ce visage souriant dans le journal, cette promesse de justice jamais tenue, ça lui restait en travers de la gorge.

— Qu'est-ce que tu veux que je fasse ? lança-t-elle, un peu brusque, essayant de dissimuler son malaise. Le shérif a pris sa décision, on n'y peut rien.

Sarah haussa les épaules.

— Juste une question, répondit-elle. Moi, à ta place, je me contenterais pas de ça.

Lila la fixa, surprise. Il y avait dans les yeux de Sarah une lueur de défi. Et quelque chose d'autre, un petit éclat de curiosité mêlé à de la rébellion. Comme si elle était là pour une toute autre raison que simplement prendre un café. Lila sentit un frisson parcourir sa colonne vertébrale.

— Peut-être que je ne veux pas laisser tomber, répondit Lila, presque malgré elle. Mais où est-ce qu'on commence ?

— On commence, dit Sarah en s'accoudant à la table, par le début. Par ce qui ne colle pas dans cette histoire.

Lila regarda par la fenêtre, vers les rues paisibles de Frelighsburg où rien ne semblait jamais bouger. La vérité, c'est qu'elle n'avait jamais réellement pensé à investiguer elle-même. Mais maintenant que cette idée germait, elle sentait une drôle d'énergie l'envahir. Peut-être que c'était possible. Peut-être qu'avec Sarah, elle pouvait vraiment...

— OK, répondit Lila, d'un ton qui la surprit elle-même. 

Secrets mortelsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant