Le Temps qui Tisse les Liens

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                                       Le Temps qui Tisse les Liens

Depuis que je me souviens, tout semblait si simple. C'était comme si le monde était plus petit quand on était enfants, comme si chaque journée pouvait durer une éternité. Nous, c'était Lina, Ilyes, Zyad et moi. On s'était connus à l'école maternelle, et, sans même savoir pourquoi, on était devenus inséparables. Les autres enfants avaient leurs groupes, leurs petites bandes, mais nous quatre, on n'était jamais séparés. On grandissait ensemble, à l'ombre des mêmes arbres, dans les rues du quartier où nos rires résonnaient sans fin.

Lina et moi, c'était une histoire de complicité. Elle avait ce côté effervescent, un peu sauvage, un peu folle, qui nous entraînait toujours dans ses aventures. Moi, je la suivais, ou plutôt, je l'accompagnais. Illyes, lui, c'était le calme incarné. Toujours un peu à l'écart, un peu plus réfléchi que les autres, il était notre ancre, celui qui remettait toujours un peu de logique dans nos projets les plus fous. Et puis il y avait Zyad. Zyad, c'était le plus mystérieux des quatre. Il avait un sourire qui pouvait éclairer une pièce, mais une profondeur dans le regard qui rendait parfois les autres un peu mal à l'aise. Tout le monde l'aimait, mais il restait toujours un peu à l'écart des discussions plus sérieuses. C'était comme si, à travers ses blagues, ses sourires et sa décontraction, il cachait quelque chose de plus intime, quelque chose qu'il n'était pas prêt à partager.

À six ans, on ne voyait pas le temps passer. On jouait à être adultes, à imaginer des vies parfaites, à se faire des promesses de toujours se soutenir. Mais à cette époque, l'amitié, pour nous, c'était une évidence, pas une question.

Les années ont défilé. On est passés du collège au lycée, et avec eux, tout a changé. Nos corps, nos regards, nos discussions. Surtout les discussions. Le monde semblait plus grand à mesure qu'on vieillissait. On commençait à comprendre les inégalités, les injustices, la société qui nous pressait dans des cases qu'on n'avait pas choisies. Et au fur et à mesure que nous découvrions qui nous étions dans ce monde complexe, les relations entre nous se sont transformées.

Lina et moi, on était toujours aussi proches, mais quelque chose commençait à changer. Elle, à 19 ans, devenait plus adulte, plus consciente des enjeux du monde autour de nous. Elle avait des rêves, de grands rêves, des projets d'avenir qu'elle savait vouloir suivre. Elle parlait souvent de ses idées, de son désir d'aider les autres, d'affronter la réalité sans détour. Elle ne laissait plus rien de côté, se battait pour ses convictions, et ça m'impressionnait toujours.

Ilyes, lui, restait l'ancre. Le plus calme, le plus stable. Il n'était pas du genre à se perdre dans les turbulences de l'adolescence, toujours très réfléchi, parfois même un peu trop pour qu'on puisse le suivre dans toutes ses pensées. Il était là quand on avait besoin de lui, prêt à nous faire voir les choses sous un autre angle. C'était un ami fidèle, de ceux qu'on appelle à n'importe quelle heure de la nuit et qui, sans hésiter, viennent nous écouter.

Mais Zyad... Zyad, c'était autre chose.

Je ne sais pas exactement quand cela a commencé. Peut-être que je l'ai toujours vu d'une manière différente, mais ce n'est que récemment que j'ai commencé à en prendre pleinement conscience. À l'époque, il avait 18 ans, et moi 17. Il avait grandi, mais d'une manière subtile. C'était comme si le garçon espiègle et un peu distant que j'avais toujours connu était devenu un jeune homme. Ses rires étaient plus rares, mais quand il riait, c'était un éclat qui faisait fondre tout le monde. Et surtout... surtout, il avait cette manière de poser ses yeux sur moi, de me regarder, comme si, à chaque regard, il me posait une question sans mots. Une question que je n'avais pas encore su répondre.

J'ai toujours été une personne assez calme, discrète. Je vivais dans un monde un peu à part, un peu à l'écart des préoccupations des autres. Mais avec Zyad, c'était différent. Au début, je pensais que c'était juste de l'amitié. Mais les moments passés avec lui étaient toujours différents. Nous parlions plus profondément, on se comprenait sans avoir besoin de beaucoup de mots. Parfois, une simple silhouette de lui dans une pièce suffisait à ce que mon cœur s'emballe. Et c'est là que j'ai compris.

Zyad et moi, on était un peu comme deux pièces d'un puzzle qui s'étaient trouvées. Mais ce n'était pas tout à fait clair tout de suite. Au début, ça me terrifiait. Je ne voulais pas gâcher ce qu'on avait. L'amitié, c'était une chose sacrée, et je ne voulais pas risquer de la perdre. Et puis, il y avait la peur de l'inconnu. Qu'est-ce que cela signifiait, être plus que des amis ?

Et un jour, après des mois de regards échangés, de rires et de silences partagés, il m'a dit, tout simplement :

"Tu sais, je pense qu'on est plus que des amis, toi et moi. Je crois qu'on l'a toujours été. Je ne veux pas passer à côté de ça."

C'était à la fin de l'été, un soir où il faisait encore chaud, et la brise nous apportait la promesse d'un changement. Et c'était tout. Pas de grandes déclarations, pas de gestes romantiques. Juste une vérité partagée.

Au début, on a été hésitants, incertains. On avait déjà tellement d'histoire entre nous, tellement de souvenirs. Et puis, peu à peu, tout est devenu plus évident. Il n'y avait plus de doute, plus de question. J'étais amoureuse de lui, et lui, de moi.

Ce n'était pas qu'une histoire de corps. C'était une histoire d'âme, de cœur, de confiance. C'était un respect profond de l'autre, un respect qui ne demandait aucune condition. On avait grandi ensemble, traversé les épreuves de la vie, les blessures et les moments de doute. Et maintenant, nous marchions sur ce chemin de l'amour, côte à côte.

Les mois passèrent et, tout naturellement, on se retrouva à planifier l'avenir ensemble. Et un soir, Zyad, avec son regard sérieux mais doux, m'a dit :

"Et si on construisait quelque chose de plus grand, quelque chose qui durerait au-delà de nous ?"

Je n'avais même pas besoin de réfléchir. La réponse était évidente. Je voulais me marier avec lui. Je voulais construire un foyer à deux. Pas juste un endroit physique, mais un espace où l'on pourrait se retrouver, se comprendre, s'aimer.

Le mariage, pour nous, n'était pas un grand événement, mais un acte symbolique, le début de quelque chose de nouveau. Nous avions déjà construit une vie ensemble, à travers toutes ces années. Le mariage serait la simple formalité qui officialisait ce que nous étions déjà.

Le jour de notre mariage arriva vite, mais ce n'était pas un jour comme les autres. C'était un jour où, entourés de nos amis et de notre famille, avec Lina et Illyes comme témoins, nous nous sommes dit « oui » à l'avenir. Pas seulement à l'amour, mais à ce chemin qu'on allait continuer à parcourir ensemble.

C'était le début d'un nouveau chapitre, mais pour moi, c'était aussi la fin d'un voyage qu'on avait commencé bien avant, il y a des années, quand on était simplement des enfants, insouciants, rêveurs.

Et tout ça, c'était grâce à ce fil invisible, tissé à travers le temps, qui nous reliait tous les quatre. Lina, Ilyes, Zyad et moi. Et ce fil, il ne se rompt jamais.

LE TEMPS QUI TISSE DES LIENSOù les histoires vivent. Découvrez maintenant