Le dimanche matin est le jour que je préfère dans chacune de mes semaines. C'est mon moment tant attendu après toutes ces heures à travailler à la pharmacie ou bien sur mes cours du cégep. Rose Dubois en est la raison. Elle est une femme avec un charmant sourire qui nous rappelle celui de notre grand-maman adorée, même que je lui ai attribué une signification ressemblante. Je la visite depuis trois ans maintenant, et elle n'a jamais cessé de rayonner avec toutes ses anecdotes aussi surprenantes l'une après l'autre et ses aventures loufoques vécues dans ses nombreuses années de vie. Avec un seul coup d'œil, ses cheveux blancs, ses rides cachant milles et une histoires, son physique alourdit par son manque d'exercice quotidien ainsi que son goût vestimentaire démodé laissent une fausse impression de la personne qui me permet d'avancer un peu plus loin vers la réussite chaque jour.
C'est en cinquième secondaire que j'ai rencontré Rose Dubois; lors d'une semaine dans un métier qui inspire notre choix pour plus tard. Je me souviens avoir choisis sans hésiter de venir travailler dans une résidence pour personnes âgées. Évidemment ce n'était pas la décision qu'aurait fait une adolescente de 17 ans, mais mon aspiration à aider les gens et à les faire sourire me poussait dans cette direction. Le premier jour avait été de toutes les couleurs. Il y a tant de personnes différentes, plusieurs sont exigeantes tandis que d'autres sont des plus aimables avec vous, l'un veut qu'on parle plus fort, alors qu'un autre souhaiterait qu'on lui apporte ses lunettes de lecture, et j'en passe..! Mais Rose Dubois était une dame dont le rire se faisait entendre régulièrement durant mes jours passés à la résidence. C'était comme si elle connaissait tout le monde, même les jeunes qui venaient tout juste d'arrivée d'une école secondaire. Elle ne manquait jamais l'occasion de dire "merci" et "s'il-vous-plaît" à chaque geste attentionné qu'un employé posait envers elle. C'est lors du deuxième jour de la semaine, mardi, que je suis venue la voir pour lui apporter son repas, dehors sur une table où elle était assise dans le jardin. Elle a tout bonnement insisté que je vienne m'asseoir un instant avec elle pour discuter et après une quinzaine de minutes, je ne pouvais plus me lever; j'étais obnubilée par notre conversation pleine de vie. Nous parlions de sa première aventure, où elle a parcourue l'Europe en 131 jours. L'argent, ce qui est certainement une question commune à vous tous, venait de sa famille qui était riche de génération en génération. Une compagnie familiale évoluait avec la lignée des Dubois en transmettant l'héritage aux futurs enfants. Même son argent n'arrivait pas à la définir. Elle valait bien mieux que ce montant avec un infini de zéros.Donc, un dimanche matin, le 4 mai 2014 pour être exacte, j'étais assise sur mon vélo rouge d'un style victorien plutôt bien, mis à part le banc blanc qui est beaucoup trop voyant selon moi, en train de pédaler pour venir rendre visite à Rose Dubois. Puisqu'ici la circulation est beaucoup trop achalandée, il est largement préférable de ne pas écouter de la musique avec des écouteurs si l'on souhaite sortir de ce fiasco en un morceau. Je profitais donc de la ballade en me laissant aller les cheveux dans le vent à la manière typique d'un film d'Hollywood. L'air n'est pas toujours aussi fraîche que l'on n'y dit au sujet de l'arrivé du printemps. En fait, le parfum des fleurs qui poussent se fait envahir la plupart du temps par du fumier. Ce qui est certainement moins agréable comme odeur. Enfin bref, la lumière piétonnière s'est allumée et j'ai remis mes pieds sur les pédales moins blanches que mon banc en me donnant un élan de départ pour terminer de rouler jusqu'à la fin du trottoir pour ensuite virer à droite sur la 24ème rue. Celle de la résidence Joliette.
Excitée de venir partagée mes préoccupations ces temps-ci, je suis descendue de ma bicyclette après l'avoir mis entre deux barres métalliques du support à vélos. En marchant sur le chemin de pierre bordé de marguerites qui s'ouvraient peu à peu, je regardais aux alentours en cherchant un manteau d'un vert émeraude, celui qu'elle porte toujours lorsqu'elle est dehors peu importe le temps qu'il fait. Je connaissais plusieurs gens depuis le premier jour que j'ai mis les pieds ici; M.Marco était assis à une table sur la verdure avec son vieil ami Paul et ces deux-là jouaient souvent aux cartes ensemble, bien qu'ils étaient plus préoccupés à se faire des farces, Olivia était en train de feuilleter son album photo qu'elle aime tant, celui dont elle a tendance à oublier en quelques minutes et Henri discutait avec sa femme qui venait lui rendre visite durant les fins de semaine. Avec le temps, je m'étais fais une petite idée des pensionnaires et ils avaient tous un quelque chose qui les rendaient uniques. Cet endroit possédait un charme grâce à eux.
- Rose ! ai-je dit en entrant dans la cour arrière.
Elle marchait tranquillement, habillée de son fameux manteau, au milieu des diverses plantes qui était toujours bien entretenues par des jardiniers. Rose Dubois était toujours dans le jardin arrière, c'est ce qu'elle préférait faire de ces journées. Au son de ma voix, elle s'était retourné avec son sourire chaleureux et ses bras grand ouverts vers moi, m'invitant à m'y blottir.
- Je t'attendais justement pour aller prendre un thé à l'intérieur, je suis contente de te voir ma belle grande fille, me dit-elle en me passant un bras sur les épaules pour m'emmener dans le salon de la résidence.
- Rose, je suis excitée à un tel point vous n'avez aucune idée !
- Enlève ta veste et viens t'asseoir, je vais aller à la cuisine nous chercher quelque chose à grignoter !
Juste à l'entendre on savait distinguer l'enthousiasme dans sa voix par ma présence, j'étais toujours choyée de me faire traiter de la sorte. Comme à l'habitude, je me suis assise sur la chaise rembourrée de velours rouge en attendant son retour. Cette place était la mieux décorée de toutes les places que j'ai pu visiter, il y avait des coussins qui s'agençait aux couleurs des peintures accrochés aux murs ainsi que des luminaires incroyables et la salle à manger dotée d'une longue table était si luxueuse qu'on si croirait dans un château d'Espagne. Les chambres des pensionnaires étaient également enrichies de draps impeccables et de rideaux ornant les grandes fenêtres bien nettoyées avec soin.
- Sarah, je te le dis, ce nouveau employé veut tout faire pour moi ! Il a un grand coeur, mais je ne commencerais pas à me faire servir telle une reine tout de même ! m'annonça Rose en riant lorsqu'elle entra dans la pièce avec un plateau de biscuits et de thé.
- Oh je n'en doute pas une seule seconde !
Rose, bien qu'elle aime être en bonne compagnie, n'apprécie pas avoir des gens à ses pieds pour la seule raison qu'elle est une personne âgée.
- Dis-moi, qu'est-ce qui pressait tant à dire tout à l'heure ?
- Élise a reçue sa lettre d'admission à l'université, je devrais avoir la mienne dans les jours qui suivent !
- Wow ! Je suis impatiente de savoir que tu vas être acceptée dans ce cas..!
- Avec tout ce que j'ai fais durant ces dernières années, je devrais certainement l'être. Je pense avoir fais tout ce qu'il y avait à faire pour écrire une demande d'admission qui a du sens.
- Pour l'amour du ciel ! Tu as fais plus que ce qu'il y avait à faire ma chère ! Ils n'ont pas de tête s'ils ne prennent pas une femme brillante comme toi, me rassura Rose avant de poser ses lèvres sur le bord de sa tasse à motifs fleuris.
Nous avons pris le thé durant la majeure partie du matin et j'ai proposé de retourner au jardin pour s'asseoir sur le banc où elle aimait tant discuter. En fait, je suis certaine que le parfum des Lilas en ait la raison principale. Le soleil commençait à nous réchauffer tranquillement au travers d'une légère brise de vent qui était agréable.
- Hier, j'ai fais croire à Olivia qu'elle venait d'une famille allemande et que sa sœur viendrait lui rendre visite en fin d'après-midi. La pauvre ! Elle s'est mis à apprendre l'allemand pendant un bon moment, c'était hilarant ! racontait Rose alors qu'elle essayait de contrôler son rire.
- Sacré Rose ..., ai-je dit au milieu de mes éclats de rire.
- Elle m'a déjà pardonné, et oubliée !
Elle est incorrigible cette dame, toujours en train de faire des farces chaque jour. Rose ferait tout pour rajouter un sourire dans ses journées.
En un bref coup d'œil, j'ai regardé l'heure sur mon téléphone et en conclut que je devais me remettre sur mon vélo si je veux être à la maison à temps pour le dîner. J'ai alors salué Rose d'une accolade et de deux baisers sur les joues avant de la laisser seule dans le jardin. Il me faut douze minutes pour me rendre chez moi. C'est quand même pas mal pour un trajet entre la haute-ville et la banlieue.