Préambule

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Yvrer est une petite ville universitaire de 20 000 habitants, nichée au cœur de vallées verdoyantes où les arbres centenaires côtoient les édifices modernes. Ses rues pavées, bordées de bâtiments à l'architecture ancienne, se mêlent harmonieusement aux infrastructures contemporaines de l'Université, créant un cadre où le patrimoine historique cohabite avec les avancées urbaines. Dans ce décor, où les parcs ouverts aux étudiants et aux familles respirent la tranquillité, une sombre nouvelle avait malheureusement ébranlé la communauté.





Un dimanche maussade, le corps sans vie de Hestia Walton avait été retrouvé. La jeune femme, brillante, pleine de vie, la fierté de sa famille et de sa ville, était partie dans des circonstances aussi inattendues que terrifiantes.


La cause de son décès, révélée par l'autopsie, laissa la communauté dans un état de stupeur et d'incompréhension : le thallium, un poison insidieux, s'était lentement infiltré dans son corps au cours des derniers jours. Inodore et insipide, le thallium ne provoquait pas de symptômes immédiats, ses effets s'accumulaient au fil des doses ingérées. Pendant plusieurs jours, Hestia avait souffert de douleurs intermittentes et de symptômes étranges : des maux de tête, des nausées, des douleurs abdominales. Elle préférait pourtant ignorer ces signes, repoussant l'idée de consulter un médecin. Son engagement social et académique restait au centre de ses priorités. Séminaires, rencontres avec des étudiants, responsabilités dans diverses associations... tout cela occupait son emploi du temps au point qu'elle négligeait sa propre santé. 

Son caractère perfectionniste et dévoué la poussait à se sacrifier pour les autres, et elle refusait de se montrer vulnérable. Elle se plongeait donc dans ses obligations, insensible aux alertes de son corps. Il n'était pas surprenant qu'elle ait fait passer ses engagements avant sa santé. Les signes étaient présents, mais invisibles pour ceux qui l'entouraient. Le poison avait lentement détruit son organisme, touchant ses muscles, ses nerfs, son système digestif... mais personne ne l'avait vu venir. Même elle ignorait la gravité de sa situation, engluée dans son quotidien exigeant.

Hestia incarnait les valeurs familiales, imprégnée des principes de bonté et de charité de son éducation catholique. Le maire, William Walton et son épouse, Rhéa Walton Walton étaient profondément bouleversés, confrontés à une perte aussi brutale qu'inexplicable. L'Université ferma ses portes le lundi suivant pour permettre à la communauté de se rassembler et de pleurer cette disparition tragique.


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Dans le salon d'une colocation estudiantine de la rue des Marolles, Éris regardait la télévision aux côtés de ses trois colocataires, Jean, Sébastien et Pâris. Assise en silence, elle scrutait l'écran d'un regard tranquille et absorbé tandis que le reportage relatait les circonstances de la mort d'Hestia Walton. La pièce était imprégnée d'une tension palpable ; chacun semblait immergé dans sa propre réflexion. Jean, les traits tirés, exprimait un murmure incrédule : « C'est inimaginable... Pourquoi Hestia ? Elle était si... gentille. » À ces mots, Éris hochait la tête, affichant une expression mesurée, que ses colocataires interprétaient comme de la compassion. Tout en écoutant, elle ajustait sa posture, laissant paraître une tristesse contenue.


Éris était une étudiante brillante en master de droit, boursière d'un programme d'excellence, et visait une spécialisation en droit de la famille. Depuis son adolescence, marquée par la perte de ses parents, elle avait appris à maîtriser ses émotions, à se construire une façade aussi séduisante qu'imperturbable. Sous cette apparence bienveillante et sociable, elle cultivait un détachement émotionnel et un calme implacable. Sa capacité à analyser son entourage avec une froideur presque clinique ne transparaissait jamais. Pour ses colocataires, elle était l'image de l'étudiante modèle, dévouée et disciplinée, une amie précieuse qui savait se montrer à l'écoute.


Parmi eux, Pâris semblait avoir un attachement particulier pour elle ; il la regardait souvent comme s'il cherchait en elle un repère. Il se tenait proche d'elle à ce moment précis, ses traits empreints de tristesse, et observait ses réactions avec une attention qu'il tentait de dissimuler maladroitement. Éris, consciente de son regard, lui adressait un sourire rassurant, modéré, parfaitement dosé pour montrer une solidarité discrète dans ce moment difficile.


Lorsque Sébastien demanda d'une voix tremblante : « Qui pourrait vouloir la mort de quelqu'un comme Hestia ? », Éris inspira calmement, réfléchissant avant de répondre d'une voix douce et posée. « Parfois, il est difficile de comprendre la noirceur de certains esprits... » Ses mots flottaient dans le silence du salon, et les autres acquiescèrent, visiblement touchés par sa réponse. Rien, dans son attitude, ne laissait entrevoir l'abîme d'indifférence qui sommeillait en elle. Elle les écoutait, mais elle ne les partageait pas ; elle observait, mais sans s'impliquer réellement.


Alors que le silence retombait, Éris posa son regard sur l'écran, où défilaient les images d'Hestia souriante aux côtés de ses proches. D'une main légère, elle serra le bras de Pâris, qui, dans un geste de gratitude sincère, lui rendit un sourire ému. Le lien qu'il ressentait pour elle était visible, mais Éris savait mieux que quiconque maîtriser chaque interaction. Son contrôle, invisible pour ses amis, était total.

Héritage mortelOù les histoires vivent. Découvrez maintenant