Le vent s’engouffrait dans les cheveux de Kimia, caressant son visage et emportant les échos d’un passé qu’elle n’arrivait pas à fuir. Elle se tenait là, sur le seuil de la porte d’entrée de la nouvelle maison, les bras croisés contre la froideur du vent. La maison était ancienne, avec ses murs en pierres grises et ses fenêtres surmontées de volets bleus. Tout semblait si… différent.
Un nouveau départ, avait dit sa mère, dans un de ces rares moments où elle semblait encore pleine d’espoir. Un changement d’air, une nouvelle chance. Mais Kimia n’était pas certaine que le simple fait de changer de ville allait suffire à changer qui elle était. Après tout, ses blessures ne portaient pas d’adresse. Elles l’accompagnaient partout où elle allait, comme des fantômes qu’on ne pouvait pas chasser.
Elle ferma les yeux un instant, laissant le bruit des arbres autour déchirer le silence de la rue. L’odeur du sel et de l’iode remplissait ses poumons, un parfum étranger, mais apaisant. Un murmure l’éveilla de sa torpeur.
— Kimia, tu viens m’aider à déballer ?
Sa mère se tenait dans l’encadrement de la porte, son visage fatigué marqué par des années de négligence et de non-dits. La femme qu’elle était devenue ne ressemblait en rien à celle que Kimia avait rêvé de devenir enfant. Il n’y avait plus de lumière dans ses yeux, seulement un voile d’épuisement constant, comme si elle portait le poids du monde sur ses épaules. Mais Kimia n’avait plus le temps d’être triste pour elle. Elle avait appris à se débrouiller seule, à se protéger de l’indifférence, à cacher ses propres souffrances derrière des sourires forcés.
— J’arrive, répondit la jeune fille, d’une voix plus froide qu’elle ne l’aurait voulu.
Elle entra dans la maison, laissant le vent claquer derrière elle. À l’intérieur, tout semblait encore plus vide, comme une coquille abandonnée. Les cartons empilés dans les coins étaient les témoins d’une vie en transition, de rêves fragiles encore à bâtir.
— C’est pas mal, tu ne trouves pas ? ajouta sa mère en fouillant dans l’un des cartons. Peut-être que ça nous apportera un peu de chance, ici.
Kimia acquiesça sans vraiment écouter. Sa mère semblait encore espérer, encore croire qu’un simple changement de décor pourrait réparer des années de dissonances familiales. Mais Kimia savait mieux que ça. Elle avait appris que les choses ne se réparaient pas avec de simples gestes. Tout était plus complexe que ça. Et elle ne savait pas si elle était prête à tout reconstruire.
Elle se dirigea vers les escaliers, ignorant les appels de sa mère, et monta dans sa chambre. La pièce était petite, simplement décorée. Elle s'assit près de la fenêtre, fixant les arbres qui dansaient au rythme du vent. Les rayons du soleil se couchaient lentement sur l’horizon, peignant le ciel de teintes orangées et violettes. Il y avait quelque chose de rassurant dans cette vue. Comme si le monde, malgré toutes les douleurs et toutes les pertes, continuait d’avancer.
Le bruit d’un moteur de voiture fit écho dans la rue, et Kimia tourna son regard vers l’extérieur. Une voiture rouge venait de s’arrêter devant la maison d’en face. Deux jeunes filles en sortirent. L’une d’elles, plus grande, aux cheveux bruns et lisses, souriait largement, tout en parlant à son amie.
Lilia se sentit soudainement observée. Elle détourna le regard, sentant son cœur s’accélérer. Pourquoi avait-elle toujours cette impression que les autres voyaient à travers elle ? Comme si chaque mouvement, chaque souffle, était une marque de sa différence. Une différence qu’elle n’arrivait pas à camoufler, peu importe à quel point elle essayait de se fondre dans la masse.
Les deux filles s’étaient arrêtées sur le trottoir, se parlant à voix basse. Kimia se tourna vers la fenêtre, se demandant si elle serait un jour capable d’aller vers elles, de se faire une place dans ce monde qu’elle percevait comme distant et insaisissable. Tout ce qu’elle savait, c’était qu’elle n’avait aucune idée de comment démarrer.
Elle ferma les yeux, se laissant envahir par un sentiment d’impuissance. Mais au fond d’elle, une petite voix chuchotait doucement : Peut-être que ce n’est pas si impossible. Peut-être qu’ici, elle pourrait trouver quelque chose de différent. Peut-être que ce serait le lieu où elle pourrait commencer à se reconstruire, à avancer sans avoir l’impression de traîner des boulets invisibles.
Elle posa son regard sur le ciel qui se teintait de plus en plus sombre. Ce soir-là, quelque chose naquit en elle, quelque chose d’étrange et d’incertain, mais d’irrésistible. Un tout petit pas vers l’avenir.
Kimia se leva lentement, puis se dirigea vers la porte. Avant de la franchir, elle prit une profonde inspiration. Le changement, elle le ressentait dans ses os. Il était là, tout près. Elle n’était pas encore prête, mais elle savait que, peut-être, il était enfin temps de s’autoriser à espérer.
Et ce soir-là, dans cette petite chambre, la jeune fille décida de commencer à écrire son propre récit, de chercher ce qu’il y avait à découvrir derrière le voile de ses peurs.
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Les ailes du changement
Teen FictionKimia, une adolescente de 18 ans, a grandi dans l'ombre de blessures invisibles. Depuis son enfance, elle a enduré des épreuves qui ont laissé des cicatrices profondes, des paroles cruelles, des moments de solitude et des rêves brisés. Son passé, ma...