Ascia : la naissance d'un don

Chapitre 1

Son cauchemar se réalisait. Mais cette fois, Ascia ne pouvait pas simplement se réveiller. Elle n'avait d'autre choix que de fuir pour sauver sa peau. Fuir malgré la faim qui lui tenaillait le ventre. Fuir, en dépit de la maigreur de son corps et de la faiblesse de ses muscles.

L'hiver avait été rude et elle n'avait rien avalé de consistant depuis des jours. Sa tête tournerait de plus en plus fréquemment. Elle vacilla et se rattrapa de justesse à une souche pourrie qui manqua de s'écrouler sous son poids. Le sol, irrégulier, ne lui facilitait pas la tâche et les racines jaillissaient sans cesse, telles des mains de démon sorties tout droit de terre pour lui enserrer les chevilles.

La bête à ses trousses gagnait du terrain et il n'était plus temps de réfléchir dans quelle direction fuir. Elle se contentait de courir aussi vite que ses jambes flageolantes le lui permettaient. Droit devant elle. Le souffle court. La vision brouillée.

Les grands feuillus qui l'encerclaient jusqu'alors laissèrent place à une clairière, dévoilant face à elle, une falaise abrupte. La jeune fille n'hésita pas une seule seconde et posa ses mains sur la roche rouge. Ses doigts se mouvaient avec ardeur à la recherche d'aspérités. Ses bottes de cuir glissant sur la paroi humide. Malgré ses talents de grimpeuse, son ascension était lente et laborieuse. La fatigue accumulée depuis des jours lui faisant perdre ses moyens.

Une douleur intense irradia de son mollet jusqu'au bas de son dos lorsque des crocs puissants s'enfoncèrent dans sa chair. Elle lâcha prise et atterrit brutalement sur le sol, le souffle coupé. Elle tenta de dégainer son épée, mais déjà les voiles de l'inconscience s'emparaient de son âme. Sa dernière image fut une immense mâchoire.

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Les premiers rayons du jour n'avaient pas encore dissipé la brume matinale qui recouvrait Culmen. Calca tournait pourtant en rond depuis des heures déjà. Il n'avait pas dormi de la nuit, rongé d'impatience. La fille n'avait pas ouvert les yeux une seule fois depuis son arrivée hier dans l'après-midi. Ils avaient pourtant soigné sa morsure à la jambe et appliqué un cataplasme sur sa tête endolorie. Quand allait-il enfin pouvoir lui parler ?

Il devait avouer qu'elle l'avait impressionné. Après une course effrénée pendant de longues minutes, elle ne s'était pas démontée devant cet escarpement abrupt et avant de s'évanouir, elle avait même eu le courage de tirer son épée. Qui était-elle ? Que faisait-elle dans ce bois toute seule ? Et d'où sortait cette abomination qui l'avait attaquée ? Trop de questions se bousculaient dans sa tête, mais il n'aurait pas de réponse si elle ne se réveillait pas. Il harcelait donc, l'Hyoïde du clan être totalement sûr que tout allait bien. Peut-être aurait-elle faim à son réveil. Plutôt que de rester là à ne rien faire, il partit pour tenter de voler un peu de nourriture.

Cela faisait des semaines qu'ils ne trouvaient rien à manger et voyant leurs stocks diminuer à vue d'œil, ils étaient à présent rationnés.

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Ascia ouvrit péniblement les yeux. Sa tête lui faisait mal, ses oreilles sifflaient. Elle avait l'impression de s'être faite piétiner par un troupeau de sangliers. Ses yeux balayèrent mécaniquement les lieux qui l'entouraient. Un tipi de toile trônait, loin au-dessus de sa tête. Elle était allongée sur une paillasse en hauteur et emmitouflée dans une peau d'ours. Ses blessures avaient été soignées et pourtant un étrange pressentiment l'oppressait.

Elle prit son temps pour se redresser et s'asseoir au bord de son couchage. Des étoiles passèrent devant ses yeux et elle eut un haut-le-cœur. Allez courage ma vieille, il faut que tu te sauves d'ici avant que quelqu'un ne vienne. Tu auras tout le temps plus tard pour te lamenter.