2015-07-23

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Jeudi.
J'ai reçu aujourd'hui un courrier m'indiquant qu'après trois ans de sagesse routière, mon permis de conduire avait recouvré sa virginité : douze points.
Je me suis dit : c'est un signe, l'horizon s'éclaircit, la route est encore longue.

Comme presque tous les jours depuis ce jour, je suis allé à la médiathèque. J'aime fréquenter ce lieu. Il me rassure doublement : tant de livres pas encore lus, tant de livres à lire.
J'ai pris mes habitudes. Je commence par une visite à l'automate où j'enregistre les livres que je ramène. Je déposent ceux-ci sur le chariot prévu à cet effet. Et, systématiquement, je jette un œil sur les ouvrages qui s'y trouvent. La plupart me sont inconnus, d'autres indifférents, parfois les deux. Il m'arrive de reconnaître là une de mes anciennes lectures, plus ou moins oubliées. Je relis alors, pour me rafraîchir la mémoire, la quatrième de couverture et, si celle-ci me convainc, je me replonge dans l'ouvrage. Il n'est pas rare que ce chariot décide, pour ainsi dire à ma place, de mes prochaines lectures. J'ai alors l'impression de m'être laissé convaincre par un mouvement indépendant de moi, auquel pourtant je participe tout en le nourrissant. Comme il y a des micro-climats, la médiathèque du Tampon se crée peut-être ainsi ses micro-modes littéraires ! C'est sûrement le cas de toutes les médiathèques du monde. Chacune participant en tant qu'élément d'un tout, à l'élaboration d'un tropisme littéraire. De ce point de vue on pourrait penser que l'individu lecteur serait, par mimétisme, l'architecte de son environnement littéraire et culturel. En imitant il deviendrait créateur. Diantre ! Quid de l'industrie éditorialiste ? Des politiques culturelles ? Des Académies et autres lobbies artistiques... Bref est-ce moi qui ai inventé Nothomb, Foenkinos, Vargas et autres Marrieussecq ? Ou bien ceux-ci ne m'ont-ils pas été proposés, voire imposés sur le parcours de mes déambulations livresques par des volontés qui me dépassent. Ah le libre arbitre !
Après cette halte plus ou moins prolongée au chariot récepteur, je grimpe à l'étage où m'attend, plantée là en évidence l'étagère des "Nouveauté". J'ai vite remarqué que les livres montrés ici et estampillés "Nouveauté" n'étaient pas nécessairement nouveaux. Ni dans le monde de l'édition, même si cela n'est pas systématiquement exclu. Ni dans la médiathèque, ça arrive quand même de temps en temps. Ni même sur ladite étagère ! J'ai vu des nouveautés traîner longtemps leurs lettres avant de disparaître. On les rencontre d'ailleurs parfois, bien plus tard, au hasard d'une recherche, bien calées dans les rayonnages à la place décidée par un ordre parfois abscons. Toujours parées de leur bandeau "Nouveauté" ! Ceci s'explique par le fait que l'étiquette "Nouveauté" est emprisonnée par la couverture autocollante dont est emballé le bouquin. "Nouveauté" c'est emballé !
Je me laisse parfois tenter par les propositions de cette étagère passablement menteuse. Qu'importe, l'appellation "Nouveauté" n'est à ce moment là, au moins pour moi, pas usurpée !
Ma prochaine étape est souvent l'ordinateur mis à la disposition du public pour effectuer ses recherches dans le fonds de la médiathèque. Cela suppose évidemment que vous soyez arrivé avec quelqu'idée de lecture. Vous rentrez alors un nom d'auteur ou de livre et hop ! Vous savez tout de suite si l'ouvrage en question existe, s'il est disponible... Vous pouvez même le réserver. Dès que le livre sera rentré on vous avertira. L'ordinateur vous informe aussi des autres ouvrages du même auteur. Il vous indique aussi l'existence des auteurs homonymes.
L'étape suivante se situe dans les rayonnages. Au plus près de la matière ! Sauf à rechercher quelque chose de particulier, commence alors une longue, riche et mystérieuse promenade. Faite de tours, de détours, de haltes, d'étonnements, de découvertes, d'égarements, de retrouvailles, de promesses et souvent de renoncements. On n'en sort pas indemne. Seules de mauvaises raisons vous extraient de ces voyages : l'heure souvent.

Aujourd'hui j'ai cueilli : Un jour comme celui-ci de Peter STAMM.
Le livre commence par une citation de Georges Perec ( Un enfant qui dort ) : " C'est un jour comme celui-ci, un peu plus tard, un peu plus tôt, que tout recommence, que tout commence, que tout continue."

J'ai ouvert aujourd'hui le courrier de l'hôpital.

J'ai lu "Paris-Brest" de Tanguy Viel.

J'ai remarqué que lorsque j'avais une Golf Volkswagen, j'en voyais partout. Cette voiture semblait être le modèle le plus courant. Aujourd'hui que j'ai une Saxo Citroën, le phénomène est le même.
On dirait qu'il suffit d'être directement concerné par quelque chose pour que cette chose apparaisse à toutes les pages, à tous les coins de rue, à tous les moments. Depuis ce jour, le phénomène se répète. Dans tous les journaux, toutes les infos, tous les magasines toute les conversations jusqu'aux murmures et au rêves. Il n'est question que de ça.

La balance indique 60 Kg.

C'était le 30 juin à 16h30. J'avais rendez-vous avec le Docteur Chiong. Il avait l'air si jeune. D'une fine beauté asiatique.
16h30 : trop tôt, trop tard. Seul. Face à moi, face à ça. Face au jour qui finissait. Une réalité qui s'imposait. Brutalement, sans aucun recours.
Il s'est presque excusé de me l'avoir annoncé.
Je suis parti. Il a posé la main sur mon épaule.
Je suis rentré chez moi.
La journée n'était pas encore finie. Il faudra pourtant bien se coucher, dormir.
Désormais je n'étais plus seul. Je partageai mon vertige avec ça.

J'en avais vu d'autres : ceci et cela. Mais pas ça.

Comme d'habitude je n'ai pas appelé Maman depuis longtemps. Appeler et surtout ne pas dire. Il le faut. Je dois mentir, une dernière fois. À elle, pour elle.
Allez, ce n'est pas mentir, c'est juste maquiller la vérité . Une petite concession à l'impossible oubli.

Seules Françoise et Élodie savent. Pourquoi elles ?Je sais.
Pourtant il n'y a rien à parler. Rien à commenter. Rien à dire. N'était-ce une douce complicité.
Le lourd partage d'un secret.
Jusqu'à quand celé ?

Le supplice de la salle d'attente. Le retard est toujours au rendez-vous.
On appelle, quelqu'un se lève.
L'attente reprend. Entre résignation et impatience je reprends ma lecture. Les minutes s'étirent, m'offrant un nouveau répit. L'air est lourd, angoissant, menaçant. Un avant goût d'échaffaud. On m'appelle, je suis ce jeune homme gracile qui m'invite à m'asseoir. Je ne sais pas encore ce qu'il va m'annoncer. Sa voix est douce, apaisante. Pourtant il n'a pas le choix. Il va me dire.
Je suis ébranlé, abasourdi.
"Nous seront à vos côtés."

Passé, présent, avenir. Il faut tout reconsidérer. Tout embrasser.
Sans tricher.
Regretter, respirer, espérer.
Oublier, accepter, rejeter. Ne plus attendre.
Résumer. Nier. Accepter.
Ne pas abdiquer.
Se battre. Même à mains nues.
Reconnaître, dessiner.
Avancer.

Il est tard. Il faut quand même dormir.
S'endormir malgré tout.
S'abandonner pour continuer.

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⏰ Last updated: Aug 04, 2015 ⏰

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