Je levais les yeux vers l'horizon, à l'endroit où le soleil se couchait. J'étais assis dans mon fauteuil, sur le balcon attenant à ma chambre. Une fine brise de fin du mois d'août rafraichissait quelque peu mon visage. Il avait fait encore très chaud aujourd'hui. J'en avais d'ailleurs profiter pour aller me baigner avec mon petit frère dans les calanques situées à seulement quelques centaines de mètres de notre modeste maison.
Je ne sais pas si modeste est le mot exact pour qualifier ma maison. C'est une belle demeure, assez spacieuse pour quatre personnes et qui comporte deux salles d'eau. Je crois que mes parents se sont sûrement endettés jusqu'à la fin de leurs jours pour pouvoir la payer.
Et tout ça, c'est à cause de moi. Moi et cette fichue maladie qui me ronge de l'intérieur. Je sais que je n'aurai jamais d'adolescence normale car ma vie est ponctuée de rendez vous et de contrôles incessants à l'hôpital.
Je vis dans la peur. Une simple quinte de toux et mon pauvre petit corps s'emballe douloureusement. Je suis atteint de la mucoviscidose. Et les gens me traitent différemment à cause de cette maladie.
Je les déteste tous autant qu'ils sont de me faire sentir encore plus différent de la normale. Jamais je ne pourrais me réjouir de tomber malade pour louper des cours. J'ai bien trop peur des conséquences que cette simple maladie pourraient engendrer.
Je sais que je suis condamner à mourir plutôt que des personnes au corps sain. Et cette fatalité me détruit, comme elle détruit ma famille. Jamais je ne me pardonnerais de leur faire autant de mal. Jamais je ne me pardonnerais de voir ma mère pleurer parce qu'elle a peur que je les quitte définitivement. Jamais.
Cela faisait maintenant plus d'une heure que j'étais perdu dans mes pensées. Le soleil avait achevé sa descente quotidienne pour laisser la place à une nuit sereine, troublée seulement par quelques nuages.
Je me retournais et jetais un coup d'oeil à ma chambre. Elle était simple, sans fioritures. Meublée seulement d'un lit, d'un bureau et d'une armoire. Je ne faisais pas l'effort de la décorer ou du moins la rendre un peu plus chaleureuse. Je n'en avais pas envie. A vrai dire, je passais presque autant de temps dans ma piaule que dans les chambres au vert sordide de l'hôpital St Jean.
J'en avais marre de toutes ces visites, de cette odeur qui flottait dans l'air et qui me rappelait constamment que j'étais atteint d'une maladie terrible.
Je me rends tellement souvent à l'hôpital que j'ai réussi à me lier d'amitié avec certains infirmiers et même avec mon médecin. Je connais presque tout le personnel médical et tout le monde me connaît. C'est pour vous dire que j'y suis vraiment très, très souvent. Un peu trop souvent à mon goût.
Car je voulais vivre, sans me préoccuper de tous ces problèmes, sans avoir à prendre tous ces médicaments, sauf faire ces putain de crises d'angoisse. Je voulais une vie remplie de bonheur, de joie et d'amour, loin de tous ces hôpitaux de malheur. Je voulais une petite vie tranquille mais remplie d'aventure. Et je voulais faire le tour du monde avec ma future compagne.
Oh non je rêvais. Jamais une fille ne s'est encore intéressée à moi. Elles ont bien raison. Je risque irrémédiablement de les faire souffrir.
Oh oui je sais je me plains. Souvent, presque tout le temps. Mais bordel j'ai encore tellement de choses à vivre, à faire et à découvrir. Je veux vivre dans l'innocence, l'ignorance et la naïveté de la jeunesse. Je veux croire que tout est encore possible, qu'il y a un remède, un moyen de lutter contre cette spirale de problèmes.
Je portais attention aux affaires déposées aux pieds de mon lit. Il s'agissait de mes affaires scolaires, pour ma rentrée au lycée qui s'effectuerait le lendemain. J'espère que tout ira bien. Je suis d'un naturel très stressé et cet endroit me fout les jetons.