5 - Nuit d'insomnie

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Karen fut totalement incapable de fermer l'œil. Ce n'était pas la première fois que Bastien dormait chez elle, depuis le temps, mais cette nuit-là, c'était différent.

A chaque fois qu'elle fermait les yeux, elle le revoyait tout contre elle. Il avait bu, oui, il n'avait sans doute pas été conscient de ce qu'il faisait... mais il avait posé la tête sur son épaule, tout contre sa nuque. Karen avait fait son possible pour se concentrer sur ce qu'elle lui disait, mais elle n'avait pu s'empêcher de sentir son souffle dans son cou et d'en ressentir...

Elle rouvrit les yeux. A quoi pensait-elle ? Bastien était un ami de longue date. Presque un frère. Il n'y avait pas, il n'y avait jamais eu entre eux la moindre équivoque.

Elle ferma les yeux, bien décidé à profiter des quelques heures qui lui restaient pour récupérer.

Bastien se trouvait derrière le mur au-dessus de sa tête. Dans la chambre d'ami qui avait au fil du temps tellement utilisée par lui qu'on pouvait presque dire qu'il s'agissait de sa propre chambre. Il était sur le lit deux-place, seul. Avec la chaleur qu'il faisait cette nuit, il devait comme elle être nu. Ou tout du moins très peu habillé.

Une nouvelle fois, elle rouvrit les yeux. Penser à Bastien nu de l'autre côté de la paroi, si proche d'elle, n'était certainement pas le meilleur moyen de s'endormir.

Elle roula sur le côté, comme si cela pouvait faire dévier le cours de ses pensées.

Elle ne voulait pas se rappeler ce que Jason lui avait dit dans la voiture, juste avant de la déposer. Elle ne voulait pas se souvenir qu'il la croyait amoureuse de Bastien.

Et que, au cœur de la nuit, elle-même commençait à douter de ses propres sentiments.

*

**

Malgré tout, elle dû parvenir à dormir un peu, car lorsqu'elle ouvrit les yeux de nouveaux, se fut parce que Bastien la réveilla.

La première chose qu'elle remarqua à travers ses yeux bouffis de fatigue, ce fut qu'il était à moitié nu. Il portait le même pantalon de costume que la veille, la ceinture défaite et déboutonné, aucune chemise. Les cheveux en bataille, l'air pas beaucoup plus réveillé qu'elle.

Immédiatement, ses pensées de la nuit furent ravivées, et elle enfouit le visage sous les draps pour cacher ses joues soudain rougies.

Elle sentit le matelas ployer sous le poids de Bastien lorsqu'il s'assit près d'elle. A travers le drap, il posa la main sur son épaule, et ce simple geste fit courir un frisson indéfinissable en elle.

-Tu as cours dans une heure, lui rappela-t-il d'une voix douce, où toute empreinte d'alcool avait disparu.

Cette simple parole parvint à la réveiller plus efficacement que n'importe quel café. Elle repoussa les draps et bondit hors du lit vers la douche, sans plus se soucier de la quasi-nudité de son ami. De la solidité de son torse musclé. Du boxer qu'elle voyait à travers l'échancrure de son pantalon...

Elle plongea sous la douche, ravie de sentir l'eau laver son corps, songeant dans un instant fugace qu'il était dommage qu'elle ne puisse emporter avec elle ses étranges pensées qui l'habitaient depuis la veille.

Elle retrouva Bastien roulé en boule, endormi dans son lit.

-Pousse-toi ! s'exclama-t-elle en donnant un coup de pied dans le matelas. Je n'ai pas beaucoup de temps pour me préparer !

Il marmonna des paroles incompréhensibles en se redressant. Dans l'entrebâillement de la porte, il s'arrêta pour la rassurer :

-Je t'emmène. Ça te laisse un peu plus de temps.

Quelques minutes plus tard, elle dévalait les escaliers, suivie par Bastien. Il s'était douché et avait enfilé sa chemise froissé, mais ne semblait pas beaucoup plus réveillé.

-Tu ne travaille pas aujourd'hui ? s'étonna Karen une fois qu'il eut démarré.

-Si.

-Tu ne va pas être en retard ?

-Je suis désolé pour hier soir, déclara-t-il plutôt que répondre à sa question.

-Ce n'est pas grave, marmonna-t-elle en réponse.

-Je n'aurais pas dû débarquer chez toi comme ça.

Il semblait réellement gêné. C'en était touchant. Elle saisit sa main qui tenait le levier de vitesse, avec tendresse.

-Nous nous connaissons depuis vingt ans. Quand ça ne va pas, je suis là pour toi. Au contraire, je pense que je t'en aurais voulu si tu n'étais pas venu hier.

Ces paroles semblèrent le toucher, car il sourit, même si c'était un peu tristement.

-Nous sommes arrivés, déclara-t-il en arrêtant la voiture devant l'université.

Elle hocha la tête en silence. Avant qu'il ne s'en aille, elle se pencha par la vitre ouverte :

-N'hésite jamais, Bastien... quoi qu'il arrive, je suis là si tu as besoin de moi.

-Ne t'en fais pas. Ça n'arrivera plus.

-Je suis sérieuse ! Je t'en voudrais si tu ne...

-Ca n'arrivera plus, la coupa-t-il un peu trop vigoureusement. Ça n'arrivera plus, répéta-t-il plus doucement.

Le visage tourné vers l'avant du véhicule, il expliqua :

-J'ai réfléchi cette nuit. Après avoir un peu repris mes esprits. Il n'y a aucune raisons pour que je me mette dans cet état pour elle. Elle m'a brisé le cœur, mais... la vie continue, et je ne dois pas me la gâcher à cause d'elle.

Il se retourna vers elle. Son regard avait changé... il était devenu dur, froid, comme s'il pensait réellement ce qu'il disait, comme si...

-Ca n'arrivera plus, Karen. Ni à cause de Sabine, ni à cause de personne d'autre.

Alors qu'il s'éloignait, elle suivit la voiture du regard, en se disant que oui, il valait la peine qu'elle le venge.


Sensuelle vengeanceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant