- 1916 -Minuit. La pièce était sombre malgré les quelques bougies. Le papier peint était déchiré. Ses fleurs avaient jauni, celles dans le vase avaient fané. Une silhouette, fine et frêle, avait l'air d'une ombre abandonnée au milieu de la chambre. La pendule, tic, tac, se balançait de droite à gauche. La lueur des bougies était immuable. Il n'y avait pas de fenêtre, pas de vie. Un regard sur le côté. Le jeune homme assis au sol balança la tête. Les deux mains sur le torse, il laissait son regard vaguer au rythme de son cœur. Lent. Irrégulier.
Tic... Tac.
Les tableaux sur les murs semblaient l'observer. Les portraits, les regards posés sur lui. Vulnérable. Ses yeux avaient quelque chose d'une poupée en porcelaine. Des yeux de verres, translucides et laiteux. Un regard, vide, se baladant dans la pièce au rythme de son cœur. Les épaules haussées, les jambes renfermées sur lui-même. Son visage était blême, d'une extrême pâleur. Ses joues étaient creusées et sa peau fine laissait découvrir ses veines. Il tourna le visage sur la gauche. Ses phalanges saillaient. Les mains semblaient étrangères. Le cœur n'était pas apaisé par leur contact. Froid. Tranchant.
Tic... Tac.
Son cœur frêle se redressa, cessa ce balancement incessant. La couverture de laine semblait l'engloutir sous sa maille. Les fibres démangeaient, urticant sa peau sensible. Il faisait froid, très froid. Dans son cœur, c'était l'hiver. Et le froid se répandait jusqu'au bout de ses doigts maigres. Il fit un pas dans la pièce. L'horloge affichait minuit cinq. Sa gourmette tinta. Il leva son poignet, tira sur la chainette. Le bijou ne cassa pas. Il laissa simplement une trace rouge sur sa peau. Blessée.
Tic... Tac.
Il s'avança vers la porte. Le vieux parquet en bois grinça sous ses pieds nus. La lueur des bougies fut dérangée. Le silence était maître des lieux. La silhouette s'immobilisa devant la lourde porte. Elle posa une main fragile sur sa poignée. La porte s'ouvrit en un long grincement. Le jeune garçon fit un pas. Il enjamba lentement le couloir. La porte se referma derrière lui. Le couloir était plongé dans l'obscurité. Sa main tâta le mur, s'arrêta au niveau d'une commode. D'un léger mouvement, il alluma une petite lampe. La lueur respira. Le froid grésilla. Le téléphone sonna. Une fois. Deux fois. La silhouette décrocha.
- Quand reviendras-tu ?
Le téléphone émit un son long et régulier. Il le reposa sur son chandelier. Son visage se déforma. Les joues maigres s'étirèrent en un sanglot. Quelque chose en lui s'émiettait. Il se retourna. Le couloir était vide. Poussiéreux. Le tapis au sol étouffait ses pas. La fenêtre, au fond, avait un carreau brisé. Elle laissait entrer le froid dans son cœur. Le vent s'y faufilait. Il posa son regard sur ses mains. Les os ressortaient, la peau était sèche et abîmée. Il secoua la tête.
- Je veux te voir...
Ses mains s'évaporaient devant ses yeux. C'était flou. Il avança dans le couloir sombre. Il laissa ses mains glisser le long du mur. Ses ongles griffaient le papier peint. Il chancela, se rattrapa à un meuble. Il s'arrêta et passa une main sur les poignées des tiroirs. Il tira sur l'une d'entre elles. Le tiroir était rempli d'enveloppes.
- Je me sens vide... Si vide...
Sa main dégagea quelques enveloppes, s'arrêta sur une seule. Il la prit entre ses doigts et observa l'écriture, l'ouvrit. Le papier était déchiré. Son cœur aussi. Chaque geste reflétait cette chose qui battait en lui. Faiblement. Fatigué. Il prit la lettre entre les mains. Il fut un jour, il savait encore la lire. Désormais, il se la remémorait. Chaque mot, chaque ponctuation. Il la connaissait par cœur.
- Ils m'ont oublié... Ils ne m'ont pas pris...
Il passa le pouce sur la fibre du papier. Les grains chatouillaient sa peau.
- Je suis seul...
Son visage se déformait toujours sous ses émotions. La lettre tremblait entre ses mains. L'encre avait jauni. Presque illisible. Autour de lui, l'obscurité était restée la même. Dehors, il pleuvait. L'eau frappait sur le toit de la maison. L'eau coulait jusque dans ses veines. Il agrippa la laine de la couverture, la serra entre dans ses poings. Les mots étaient gravés en lui.
« Septembre 1914
Mon cher et tendre Baekhyun »Les premiers mots. Les premiers mots d'une lettre qu'il n'oubliait pas. Son cœur, peu importait à quel point il y fut habitué, se givrait un peu plus.
« Je t'écris pour la première fois depuis que je suis parti. Ici, le froid est rude. »
Il était glacial. Il s'était immiscé dans son corps et occupait chaque partie de lui.
« Il m'a fallu ruser pour arriver à t'envoyer cette lettre. Il n'y pas de mot qui puisse décrire à quel point tu me manques. Le temps passe, mais je ne peux m'empêcher de penser à toi et la chaleur de notre maison. Te serrer dans mes bras, t'embrasser, voilà les choses auxquelles je ne cesse de penser. »
Il frissonna, balança la tête.
« Deux mois se sont écoulés depuis que je t'ai dit au revoir. Je me rappelle tes larmes et ton sourire quand nous nous sommes salués. Tu m'as dit de prendre soin de moi. Voir ton beau visage me manque. J'espère que tu vas bien et que tu ne souffres pas trop de mon absence. Je fais de mon mieux, et il est de mon devoir, c'est vrai. Mais les temps sont durs. Je ne suis pas confiant. Les autres sont optimistes. J'espère que cela terminera bientôt. La chaleur de ton corps me manque, tes mots et tes regards. Il ne tardera guère avant que je ne puisse plus t'écrire. Ici, le téléphone n'est pas en état de marche. J'espère que tu te soignes bien. Je sais que je ne devrais pas, mais je suis heureux que tu n'aies pas eu à m'accompagner. Même si la maladie ne t'avait pas accablé, je n'aurais pas voulu que tu viennes.
Sache qu'aucune parole ne sera à la hauteur pour décrire l'amour que j'éprouve pour toi. Porte-toi bien, je reviendrai bientôt,
Je t'aime,Chanyeol. »
Le couloir s'était tu. Dehors, l'orage s'état abattu sur la maison. Une maison vide. Froide. Poussiéreuse. Abandonnée comme le cœur qui l'habitait. La silhouette s'avança dans le couloir, atteignit une autre porte grinçante. Elle menait sur une autre pièce. La porte s'ouvrit, se referma derrière lui. Les mains maigres se posèrent la toile posée sur un chevalet. C'était le seul objet qui occupait la pièce. Il jeta les pinceaux et la toile au sol. La peinture coula comme ses larmes coulaient. La toile se déchira et le sourire peint s'effaça. Tout geste reflétait les siens. Toutes choses reflétaient l'état de son cœur. Le parquet grinça et la gourmette tinta.
- Nous sommes en 1916... Et voilà deux ans que tu es parti.
.
.
.
Donnez-moi vos avis!
VOUS LISEZ
1916
Fanfiction« Sa main tâta le mur, s'arrêta au niveau d'une commode. D'un léger mouvement, il alluma une petite lampe. La lueur respira. Le froid grésilla. Le téléphone sonna. Une fois. Deux fois. La silhouette décrocha. - Quand reviendras-tu ? »