Je m'appelle Alice. Nous sommes nées à Paris en 1874, le 25 mai. Ce jour là il faisait sombre, la brume envahissait la ville et le pays. Aucune fleur ne pétillait, aucun rayon de soleil ne transperçait les nuages épais, tout était terne.
Notre mère n'a pas survécu à l'accouchement. Elle eut une crise cardiaque à la vue des deux petites têtes sortant de son petit corps frêle.
Elle s'appelle Astrid, ma soeur. Elle aimait s'habiller en blanc, j'aimais m'habiller en noir, ce qui ne nous facilita pas la vie. Du coup, pour nous mettre d'accord, nous portions notre couleur favorite dans nos cheveux.
Nous étions plutôt jolies, les cheveux noirs intense, le regard perçant et l'iris bleue claire. Nous étions mince, presque squelettique, mais pas pour autant repoussante, la minceur accentuait notre beauté.
Notre père était riche, nous vivions dans un énorme château au coeur de Paris. Il nous offrait tout ce dont on désirait, dentelle, bijoux, rubans, ombrelles et autres babioles qu'il ramenait des pays les plus lointains. Il ne nous emmenait jamais avec lui lors de ses voyages, il ne voulait pas nous exposé à la vue du monde. Mais nous ne nous en plaignions pas, les voyages ne nous interraissaient pas et nous ne voulions pas quitter Geneviève, le domestique du château qui nous donnait les leçons et s'occupait de nous comme une véritable mère.Nous avions 10 ans quand Astrid et moi prirent la décision d'annoncer à notre père notre envie de partir explorer la ville, la nature, parler avec d'autres personnes. Exceptés Geneviève et notre père nous ne connaissions personne et la solitude nous rongeait petit à petit.
Il accepta facilement.
Le lendemain matin, il nous prépara donc un cartable et notre plus belle tenue : une petite robe à jupons bordeaux, parée de dentelle. Il nous offrit même un petit collier de perle qui ornait notre cou à merveille.
Arrivées à l'école, nous observions les autres enfants, ils étaient tous très similaires, sauf un petit garçon, brunet, yeux vert, assez fin et tête en l'air, il avait le regard différent des autres, il me plu directement, je rêvais secrètement de devenir son amie.
La journée se passait bien, les gens nous posait milles questions et nous répondions du mieux qu'on pouvait.Jusqu'à nos 18 ans nous sommes restées dans cette petite école de village, nous nous y sentions bien. Le garçon aux yeux verts s'appelait Calu, il ne m'a jamais parlé mais nous nous regardions souvent.
À nos 19 ans, notre père mourut, Geneviève prit sa retraite et nous nous sommes retrouvées seules. Pendant un an nous avons voyagé à la recherche de petits boulots, cirques, freakshow, maisons de l'horreur, et même serveuse dans un bar de foire.
C'est alors qu'est arrivé ce qui devait arriver : nous ne nous supportions plus. Je rêvais de retrouver Calu, elle trouvait cette idée absurde et voulait faire carrière dans le cinéma.
Des centaines de médecins, tous aussi charlatans les uns que les autres ont alors défilés. Puis nous sommes tombées sur un certain Docteur Jack. Il était expérimenté disait il et avait déjà pratiqué ce genre d'intervention sur deux garçons : Andy et Ernest.Le jour de l'opération aurait lieu le 25 mai 1884. Une bonne date.
Nous étions couchées en blouse blanche. Un masque sur nos bouches, nous tombions dans le néant du sommeil petit à petit. Nous nous regardions tendrement dans les yeux en versant de petites larmes salées. "Je t'aime" est sorti à la même seconde de notre bouche. Puis les ténèbres nous ont englouties.
À mon réveil, j'avais deux bras, deux jambes, un corps à moi tout seule, j'étais magnifique et je m'extasiais devant mon miroir. Je voulu admirer ma soeur, je voulais qu'elle m'admire aussi. Le médecin m'amena un bocal. J'y vis un visage d'une beauté incroyable, j'y vis mon reflet.Je vis maintenant dans un château avec Calu. Nous sommes comme frère et soeur et chaque année nous visitons un pays différents chargés de nos bagages, une montre à gousset, nos livres et un bocal grand et lourd comme une tête.
~ END ~