Elle s'éveilla, un poids dans la poitrine. Sa nuit ne lui avait pas permis de récupérer le sommeil en retard accumulé au cours des derniers jours. Cauchemars après cauchemars, elle essayait inlassablement de refermer ses yeux clairs en priant tous les dieux pour que la fatigue l'emporte sur son esprit rebelle.
5:12AM
Elle souffla, refermant ses paupières. Elle n'avait encore somnoler que trois courtes heures cette nuit là. Fatiguée, en colère et épuisée, elle laissa échapper une larme. S'en était trop cette fois-là. S'échappant de son lit d'un pas trainant, elle se réfugia sur le balcon de son appartement, une cigarette dans entre ses longs doigts fins. Le goût âcre de la nicotine chatouilla le fond de sa gorge et calma les battements affolés de son cœur. En cette nuit d'hiver, le ciel noir était dégagé : aucun nuage à l'horizon, seulement le doux scintillement des étoiles au loin. Elle frissonna et serra son gilet en laine contre son corps frêle. Ses yeux se perdirent alors dans le paysage face à elle. S'efforçant de ne penser à rien, elle tenta de décrisper ses muscles. La veille, sa journée avait été d'une longueur interminable, la forçant à puiser dans ses dernières forces et la laissant plus fatiguée que jamais.
Soudainement, la lumière de son salon s'alluma et une silhouette masculine s'échappa de l'embrassure de la porte. Il entrouvrit la porte fenêtre menant au balcon et s'approcha d'elle.
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Sentant la jeune fille se tendre, il s'arrêta dans son élan. Il observa son dos se mouvoir rapidement au rythme de sa respiration qui s'accélérait au fil des secondes. Il la connaissait, il savait parfaitement qu'il était nécessaire de la laisser seule ce soir-là. Qu'il fallait qu'il la laisse partir. Sa présence auprès d'elle ne devait durer que quelques jours, il était conscient qu'il était temps. Alors il déposa une main douce contre l'épaule de son amie, juste pour lui dire qu'il était présent malgré tout.
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Elle se décrispa lorsqu'elle entendit le son de la fenêtre se refermer. Il était là, comme toujours. Il était son meilleur ami, probablement le seul homme de sa vie. Mais ce soir là, elle avait besoin d'être seule, et encore une fois, il l'avait compris.
Elle se sentais plus seule que jamais, malgré la présence rassurante de son ami à quelques mètres. Elle ne pouvait lui dire ce qu'il se tramait dans sa tête, elle ne pouvait le dire à personne. Alors elle resta là encore quelques minutes de plus, peut être même une heure. Sa cigarette éteinte et son gilet noir lui tenant compagnie, elle laissa une larme couler. Chaude et délicieuse, cette dernière s'échoua contre le cou de la parisienne, la faisant frissonner. Elle n'avait plus aucune notion de l'heure, elle observait juste avec admiration le soleil se lever au coin d'un arbre. Il était peut être six heures, ou huit ; elle ralluma sa cigarette et la termina avant de tourner le dos à cette douce lumière et entrer à nouveau dans l'appartement.
11:02AM
Elle souffla la bougie déposée sur un croissant. "Joyeux anniversaire" murmura-t-elle alors, personne n'était là pour la voir ou l'entendre de toute manière. Il avait quitté l'appartement une demi-heure auparavant pour se rendre à l'université, contrairement à elle il avait continué ses études. Alors, seule et d'un pas lent, elle sortit de la cuisine, laissant la viennoiserie sur la table de sa cuisine exiguë. Aujourd'hui, elle avait vingt-deux ans. Sa journée planifiée dans sa tête, elle commença par prendre une longue douche. Son corps se détendit lentement sous la cascade d'eau chaude ; ses cheveux dégoulinants le long de ses maigres épaules. Lorsqu'elle s'échappa de ce paradis bouillant, elle enfila une serviette sur sa tête et en enroula une seconde autour de son corps. Elle se sentait un peu mieux, son esprit était détendu et ses muscles relâchés. Alors elle inspira une grande bouffée d'air, puis se dirigea vers son miroir. La parisienne observa son reflet : ses joues creuses et ses cernes prouvaient seulement à quel point la fatigue avait pris possession d'elle depuis un long moment déjà ; ses yeux clairs paraissaient ternes et vides de toute vie. Elle soupira et s'empara de son fond de teint. Elle devait avoir l'air jolie aujourd'hui.
1:42PM
Maquillée, coiffée et habillée, elle s'échappa enfin de sa salle de bain. Satisfaite de son apparence, il ne lui restait plus qu'une dernière étape avant d'être parfaitement présentable. Alors, avec toute la volonté qu'elle possédait, elle força un sourire sur ses douces lèvres rouges. Elle enfila son blouson de cuir, pris soin de vérifier si son paquet de cigarette et ses clés étaient dans ses poches, puis quitta enfin son domicile. Elle habitait Paris depuis toujours, mais la capitale lui semblait aujourd'hui plus belle et joyeuse que jamais. Ses pas la menèrent dans un parc à deux pas de son actuel appartement. Elle flâna entre les allées durant de longues heures, jusqu'à ce que la lumière du soleil finisse par décliner doucement. Ses pieds brulaient, elle ne s'en rendit compte qu'à l'instant où elle s'assit sur un banc froid. Comme toujours, elle avait perdu au fil des minutes la notion du temps et lorsqu'elle jeta un œil à sa montre, elle constata qu'il était temps qu'elle trouve un endroit calme pour dîner.
Dans un restaurant chic du centre de Paris, elle se paya un repas digne de ce jour si spécial. Elle demanda du saumon, son plat favori, et le dégusta en observant les couples dîner tranquillement, se regardant dans les yeux tout en s'échangeant des paroles basses. Surement des déclarations d'amour ou quelques demandes en mariages. Après tout, n'est ce pas ce qu'il se passe le jour de la Saint-Valentin ? Son dessert arriva aux alentours de neuf heures du soir, mais son estomac serré ne lui permettait pas de le manger. Elle demanda gentiment au serveur de lui emballer et s'échappa du restaurant, son sac sous le bras.
9:32PM
Sur le chemin de son appartement, elle croisa un homme assis contre le vitrine d'un magasin, une veste trouée négligemment posée sur son torse, l'air fatigué. Sa barbe blanche et ses cheveux en bataille lui donnaient un air plus vieux que l'âge réel qu'il devait avoir ; alors, prise d'une irrésistible envie de voir le sourire de cet homme, elle s'accroupi près de lui, s'appuyant contre la vitrine afin de ne pas chuter. Sans une parole, elle sourit doucement et tandis le sac en plastique qu'elle avait entre les doigts. Il l'observa une seconde puis déballa le papier aluminium, découvrant une part généreuse du gâteau au chocolat qu'elle avait commandé précédemment. L'homme hocha doucement la tête afin de la remercier, lui adressant le sourire le plus sincère qu'elle n'avait jamais vu. Son cœur s'emplit soudainement d'espoir. L'espoir que cet inconnu un jour possède une maison plus chaleureuse que ce coin de trottoir devant un magasin d'informatique probablement abandonné. Elle lui souhaita une bonne soirée et se releva, ajustant sa robe sous son blouson. Il faisait froid et le vent glacial qui lui fouettait le visage ne la fit que frissonner d'avantage.
10:29PM
Enfilant pour la seconde fois de la soirée son blouson, elle déposa cette fois ses cigarettes et ses clés sur la table de son salon. Elle était rentrée trois quarts d'heure plus tôt et avait regarder le nouvel épisode d'une quelconque série policière. Cette fois-ci, elle referma la porte et emprunta les escaliers délabrés pour monter à l'étage supérieur. Arrivée sur le toit de l'immeuble, la jeune fille s'assit doucement au sol, soulevant son visage vers le ciel. Les étoiles n'étaient plus visibles, les nuages accumulés dans la journées cachaient les astres brillants. Elle défit la fermeture de sa veste, se relava et enleva ses talons hauts. Respirant un grand coup, elle caressa le fin tatouage présent sur son poignet gauche. Elle s'arrêta longuement sur les ailes fines du papillon, et souleva son visage vers l'horizon.
12:00AM
Enfin libre, elle déploya ses ailes une dernière fois.
