Ma Déclaration d'Amour - Cédrick

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Internat de Saint-....., le 22 mars 2014

Ma Petite Maman,

Tu le sais que je t'aime, hein ?

Je te le dis à chaque fois que je rentre de l'internat. Et à chaque fois, tu me prends dans tes bras et tu me glisses à l'oreille « Moi aussi je t'aime mon Bébé ». Je ne te l'ai jamais avoué mais j'aime ce câlin qui ne concerne que nous 2, cette bulle d'amour et de tendre réconfort dans laquelle je plonge avec bonheur, une à deux fois par mois.

Ma bouée de sauvetage...

J'arrive sur la quai de la gare et ton sourire illumine mon cœur de petit garçon (encore un peu amoureux de sa petite maman <3 ). Et puis lorsque je repars, ce sont tes larmes qui glissent dans mon cou, triste que tu es de me voir de nouveau m'exiler loin de toi. Mais c'est pour la bonne cause... que je te souris en retour. Mon visage ne laisse rien paraître de la détresse qui m'envahit alors que je monte dans le wagon. Deux petites marches qui m'emmènent vers mon enfer personnel. Je pense bien réussir à te cacher l'état de mon cœur déchiré, qui ne demande qu'à crier son désarroi et son sentiment d'abandon. C'est apparemment la seule chose que j'arrive à bien faire, te protéger de mes... problèmes.

Parce que pour rien au monde, je ne veux que tu t'inquiètes encore plus pour moi. Depuis que papa est parti, je sais que tu pleures plus que de raison et que tes sources d'inquiétudes sont multiples : Antonin et ses crises d'angoisses, moi et mon diabète si loin de toi, les frais de la maison, ton boulot, les impôts et tout le reste...

Je voudrais tant rester bien au chaud et en sécurité dans tes bras qui me maintiennent à l'écart du reste du monde pendant quelques merveilleux instants. Un bébé de 16 ans... Sauf que ce n'est pas possible. Je le sais mais ce n'est pas pour ça que je me sens mieux.

Tu me tannes pour que je te raconte ma vie au lycée, à l'internat. Et moi, je fuis ton regard, je détourne la conversation pour échapper à ton œil aiguisé. Ce regard qui a noté les quelques kilos que j'ai perdu et mon air si triste.

Tu sais, si je ne te parle pas de ce qui ce passe là-bas, c'est pas parce que je n'ai pas grand-chose à en dire, comme je veux que tu le crois. C'est justement l'inverse. Tout est amplifié dans ce monde clos et renfermé, ces chambres de 4 garçons dont les taux de testostérone sont en train d'exploser.

Si aujourd'hui je prends mon courage à deux mains pour t'écrire, c'est... que j'ai enfin réalisé ce que serait ma vie. La compréhension des choses aide à avancer paraît-il...

Je suis déjà différent des autres avec ma maladie, et ma timidité ne fait rien pour que je me sente à l'aise. Depuis le début, je ne suis qu'une coquille qui flotte sur le courant mouvementé de ma petite vie. Je n'arrive pas à m'intégrer dans leurs groupes. Trop malingre, trop malade, trop bon élève, c'est toujours trop... sauf en sport où je ne suis qu'une petite larve incapable de se muer en un athlète accompli comme mes camarades. Le prof et ses remarques désobligeantes attisent inconsciemment l'humeur des autres élèves à mon égard. Et il ne s'en rend même pas compte ce petit con. Pardon Maman, mais je te jure, celui-là c'est un véritable connard. D'ailleurs j'ai séché les derniers cours. Tu ne devrais pas tarder à recevoir un appel ou un coup de téléphone....

Je t'épargne les surnoms dont ils m'ont affublés, j'essaye de ne pas leur accorder d'importance... mais je n'y arrive plus Maman. Les mots glissent jusqu'à mon cœur et trouvent la brèche avant de s'y enfoncer gravant au fer rouge leurs moqueries et leurs brimades. Oh, les surveillants font leur boulot.... lorsqu'ils sont là... c'est-à-dire quasiment jamais.

Et depuis la reprise des cours, après les vacances de Noël, je ne sais toujours pas pourquoi, tout s'est amplifié : les remarques, les insultes, les coups et moi qui suis une éponge et qui encaisse sans broncher, comme un lâche qui n'ose pas défendre.... sa vie, son droit à exister.

Ma Déclaration d'AmourOù les histoires vivent. Découvrez maintenant