La nuit venait de tomber sur le petit bourg de Fharsik. Les rues désertes étaient calmes, troublées seulement par de petits animaux, se faufilant de maison en maison en quête d'un infime morceau de nourriture, la famine régnant dans la campagne les privant de tout moyen de subsister. Le faible éclairage public se résumant à quelques chandelles disposées aux croisements des principales artères, faisait reluire les pavés d'un éclat sinistre rappelant dans quelle misère avait été plongé le pays depuis que la liberté et la démocratie avaient été abolies par le Parti.
Soudain au détour d'une venelle, une silhouette sortit d'une trappe jouxtant un bâtiment. Se déplaçant sans bruit, telle une ombre, presque inexistante, elle se dirigea vers un bâtiment à la façade terne, ne se distinguant des autres que par l'enseigne clouée au-dessus de la porte et signalant que cet établissement était un restaurant de passage, une sorte d'auberge pour les voyageurs. La porte du bâtiment était poussiéreuse, comme si personne ne l'avait franchie depuis des années. La silhouette se faufila vers la porte puis y frappa, trois coups secs suivis de deux coups appuyés, comme un code convenu. Un judas s'ouvrit et des yeux suspects procédèrent à un rapide examen de l'homme attendant dans la rue. Ils échangèrent quelques mots puis le judas se referma laissant la porte s'entrouvrir. L'homme s'engouffra avec précipitation dans l'auberge visiblement heureux d'échapper à l'obscurité pesante de la nuit.
L'intérieur était aussi austère que l'aspect extérieur le suggérait. La salle, en grande partie vide, comportait une vielle télévision accrochée au mur mais qui n'avait pas servi depuis longtemps. Les murs vides étaient blancs et ornés d'affiches du Parti comme il se devait. En fait, ces affiches étaient la seule décoration visible dans tout l'espace s'ouvrant au rez-de-chaussée. Un chapelet de tables étaient éparpillées dans la salle, la plupart vides, le couvert retourné. Les quelques personnes présentes étaient de pauvres avinés cherchant à masquer leur misère derrière les verres d'alcool quitte à passer la nuit bloqués dans cette salle à ne pouvoir aligner quelque parole cohérente. Le tenancier de l'auberge, un homme fort, un peu plus grand que la moyenne, les traits tirés, usé par le temps et le souci, se faisait un devoir de servir à boire aux pauvres hères qui échouaient dans son auberge. Après tout, c'était la seule chose qu'il pouvait faire pour alléger un peu leur fardeau. Alors chaque soir il se résignait à permettre à de pauvres bougres de se saouler sachant très bien qu'il serait obligé, le matin venu, de les forcer à retourner travailler et affronter leur vie respective. Mais à ce moment et pour une fois, l'aubergiste avait un mince sourire sur ses lèvres.
En effet, il venait de reconnaître la silhouette qu'il avait fait entrer dans sa propriété... Khal... On entendait bien des rumeurs sur cet homme et ce depuis quelques mois, et même dans des endroits reculés comme ce petit village on connaissait ce nom... Khal... Ce nom faisait écho dans le cœur de chacun avec bien des rêves et des espoirs, mais ce n'était que des rumeurs et jusqu'à présent personne n'avait vu cet homme dont tout le monde parlait. John, car c'était ainsi que se nommait le tenancier se surprit à penser à des choses qu'il croyait avoir enfouies au plus profond de lui-même. Il s'avança vers l'homme, de taille moyenne, vêtu d'un treillis gris et beige qui patientait appuyé sur la porte. Il lui serra la main puissamment et l'homme lui adressa ces mots :
- Sont-ils là ?
- Oui bien sûr, je vous emmène.
John accompagna l'homme vers une petite porte placée derrière le bar, il s'apprêtait à ouvrir la porte puis se retourna vers Khal et lui demanda :- Êtes vous celui annoncé ?
Khal lui adressa un regard profond :
- Je ne suis personne mais je peux vous aider à vous relever. Il y a peu d'espoir mais ce peu ce n'est pas rien, continuez à espérer et vous vous sauverez vous mêmes.
Face à cette réponse pour le moins énigmatique, John resta perplexe mais après tout il n'était rien pour cet homme, il comprenait qu'un homme de la basse société telle que lui ne puisse saisir les affirmations et les voies d'un homme tel que Khal. Il s'effaça donc permettant à l'homme d'entrer dans la pièce qui venait de s'ouvrir.
La salle était ronde, feutrée, étrangement confortable par rapport à la salle principale. Une table d'ébène se trouvait en son centre et autour siégeaient quatre hommes dégageant une forte aura de puissance, d'importance, pourtant infirmée par leurs habits très humbles. Mais une inexplicable impression de force retenue émanait d'eux. Khal s'approcha, salua chaque membre en chuchotant quelque chose à son oreille, remercia John qui retourna à son bar, se retourna vers ses interlocuteurs et leur adressa un simple :
- J'apporte de bonnes nouvelles !
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Ligne Noire
ActionDans un monde sombrant dans le chaos, Khan lutte avec rage contre un obscurantisme venu du fond des âges. Ses alliés : des individus à la loyauté plus que douteuse, un gouvernement qui joue un double jeu, et la nuit, refuge des âmes résistant à la f...