Je m'appelle Hugues

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Je m'appelle Hugues. J'ai 95 ans. Je me sens mal, très mal. Je suis, à cette heure, allongé sur un lit d'hôpital, les yeux révulsés. Ma famille est auprès de moi. Ils me disent au revoir, je crois bien qu'aujourd'hui, en ce 15 mai 2015, je suis en train de mourir. Les médecins m'auscultent d'un œil critique, ils chuchotent des mots compliqués et longs à ma femme. Ils ne me disent rien, mais je sens que c'est la fin. Je le sais. Je crois en Dieu comme en personne, et j'espère avoir été un bon pieu durant ma vie, j'espère de tout cœur aller au paradis. J'ai fait tout ce que je voulais faire dans ma vie. J'ai eu une enfance paisible, dans de beaux quartiers, des parents cadres, un bon collège, un bon lycée. J'ai fait de longues études de neurologie, dans une fac réputée de Versailles. A mes 40 ans, je menais une vie parfaite, j'étais posé.
J'avais une femme et d'beaux enfants, un crédit à payer, un épagneul anglais et un coupé-cabriolet. J'ai aussi eu une bonne retraite, de quoi me faire plaisir, à moi et aux autres. J'ai acheté une résidence secondaire dans le Var, j'ai voyagé et passé des années mémorables. Mais maintenant, tout cela est terminé, j'en ai déjà bien profité. J'suis là, avec mes cheveux blancs qui tombent par poignées au cours des années, avec mes rides creusés comme à la pelle par le temps, avec mes petits yeux vitreux et mon ventre bedonnant visible sous ce drap d'hôpital. J'ai des perfusions dans les bras et un écran noir ou une ligne ondulée verte indique les battements de mon coeur. J'entend ce bip continu, régulier. Je vais rejoindre Dieu, je suis en train de mourir.
Je m'appelle toujours Hugues, cette fois, j'ai 60 ans. Aujourd'hui, nous sommes le 30 juin 1980 et je prend ma retraite. Je délaisse mon cher cabinet de neurologie qui était le mien. Maintenant, je rend les clés,comme on dit. J'ai travailler d'arrache pied toute ma vie. A présent, je vais enfin pouvoir profiter de ma femme, de mes enfants, de mes amis, que j'ai très peu vus ces derniers temps. Je vais profiter de la vie. J'ai une retraite convenable, je pense vouloir acheter une maison dans le sud de la France, nous habitons dans la maison de mes parents, où j'ai passer toute mon enfance, jusqu'à mes 20 ans. Après la mort de mes parents, nous y avons emménager. On s'y plaît bien avec ma femme et mes gosses, mais cette deuxième maison dans le Var serai parfaite pour ma retraite. Pour les week-end, les vacances, ma nouvelle vie de retraité.
Je m'appelle encore Hugues, j'ai 40 ans maintenant, et en ce 05 septembre 1960, en ce jour de reprise, en ce lundi de rentrée, je pars au travail. J'ai hâte d'être à la retraite, je pourrais bénéficier de beaucoup plus de temps libre, je pourrais profiter. Après avoir travailler toute ma vie, je l'aurais bien mérité. J'ai eu une carrière brillante jusqu'à maintenant, et je suis en train de me faire un nom dans tout Paris et tout Versailles. Des clients viennent dans mon cabinet, certains proviennent de toute la France, pour que moi, Hugues Montez, je m'occupe de leur cas. C'est très flatteur. Je travail beaucoup, certes, je ne vois pas beaucoup ma famille mais c'est pour la bonne cause. J'aime mon travail, et, j'espère pouvoir faire ce que bon me semble une fois à la retraite.
Je m'appelles toujours Hugues. J'ai 20 ans à présent. Nous sommes le 24 décembre 1940, il est 20h00. Je sors de l'épicerie qui jouxte la rue, je suis allée faire mes courses de Noel, ce soir mes amis de la fac viennent fêter noël chez moi. C'est la première année ou je ne fêterais pas noel avec mes parents. Notre maison familiale est au sud de Versailles, je me suis installé à l'est. Ma fac n'est pas très loin, environ 10 minutes à vélo. Je sors de l'épicerie déserte, les bras chargés de sacs plastiques, remplis à craquer. Ce contraste me fait réfléchir. Financement, je m'en sort très bien. Mes parents m'aident dès que j'en ai besoin. C'est eux qui me payent le loyer du studio, le week end, quand j'y retourne, j'invite souvent mes amis, je dors à la fac la semaine. A l'allure où je suis maintenant, j'en ai pour au moins 10 ans d'études. Mais je sais que c'est ce que je veux faire depuis toujours: Neurologue.
Encore une fois, je m'appelle Hugues. Cette fois la, j'ai 10 ans. Je suis assis dans ma classe, je suis en Cm2. Sur le tableau noir, ma maîtresse écrit la date à la craie blanche, celle qui fait du bruit, qui grince et qui écorche les tympans: 11 Février 1930. Mon institutrice s'appelle Sophie, elle est belle, elle a de grands yeux verts et des cheveux courts tout frisés. Elle est très gentille avec tout le monde. Je suis à l'école primaire privée catholique de St François, au sud de Versailles. Je crois en Dieu, j'ai fait ma communion le mois dernier, et je suis baptiser depuis mes deux ans. Plus tard, je souhaiterais etre neurologue. Je souhaiterais aussi aller au paradis. J'aime mes amis, j'aime ma famille, j'aime mon école, j'aime ma ville, j'aime ma maîtresse, j'aime ma vie.
Je m'appelle Hugues, on ne m'a jamais appelé comme ça, je vais devoir m'y habituer. Je suis recroquevillé sur moi meme, dans un liquide chaud qui m'enveloppe entièrement. Je suis bien. J'entends les bruits sourds des battements du cœur de ma mere. Mes petits points sont contractés, je bouge beaucoup. J'aimerais sortir d'ici, alors, je donne des coups de pieds contre les parois de ce ventre, de ces murs qui me retiennent. Ils m'attendent. J'aimerais les rejoindre. J'ai hâte de sortir de la, il y fait chaud et humide. Après 09 mois passés ici, j'ai grandi et grossi, je m'y sens quelque peu à l'étroit maintenant. Parfois, j'ouvre les yeux, mais avec tout ce liquide. Je vois trouble. Je suis la tête en bas, je tourne la tête. Dehors, je les entend crier et s'agiter. Je descend par la tête, je traverse le bassin de ma mere. Tous ces os qui pointent en ma direction, je les voit comme des montagnes menaçantes. J'ai l'impression de traverser l'Himalaya. Je sors la tête, enfin. Mes cheveux sont les premiers veinards à voir la lumière. Cette lumière artificielle d'hôpital qui couvre ma mere, comme une couverture de lait, dans sa position si caractéristique. Ils crient tous comme des animaux. Mes poumons de déploient comme les ailes d'un oiseau. Je hurle pour la première fois. Des mains bienveillantes me tirent vers le haut, ils ont brisés les murs de ce ventre gonflé. On me passe sous l'eau et on m'essuie frénétiquement a l'aide d'une serviette bleue layette.
Je m'appelle Hugues, et aujourd'hui, en ce 02 octobre 1920, Dieu m'offrit la vie.

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⏰ Dernière mise à jour : Nov 22, 2015 ⏰

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