Un 24 décembre au soir, les falaise d'Etretat sont presque désertes, quelques couples et quelques familles sont là, souriants, heureux en ce réveillon de Noël. Les enfants respirent l'insouciance, ils courent, crient, rient, ne lâchant pas le ciel du regard en espérant apercevoir le Père-Noël et ses rênes sur son traineau. Leurs parents les surveillent attentivement, "ne vous approchez pas trop du bord, et puis faites attention à ne pas vous tordre la cheville dans les pierres, ce serait dommage d'aller à l'hôpital un soir du réveillon de Noël quand même."
Un peu plus loin, observant ces scènes qui s'offraient à elle, une jeune femme, seule, ne pouvait s'empêcher d'esquisser un sourire. Elle n'avait jamais connu ça, elle, les Noël heureux. Elle n'avait jamais connu ça, elle, d'avoir une famille unie. Son père était parti très tôt, les laissant avec son frère jumeau à leur mère, droguée. La jeune femme se souvenait du Noël de ses 5 ans, sa mère était partie, encore sûrement pour se droguer. Elle n'était pas rentrée le soir, laissant les jumeaux seuls. La petite pleurait, son frère essayait de la consoler, tant bien que mal. Ils avaient été retrouvés dans un parc pendant la nuit. Il avaient ensuite été placés en famille d'accueil, séparément, ce fut, sans aucun doute, son plus gros déchirement. Son frère avait eu la chance d'être placé directement dans la bonne famille. Mais elle, était passée d'une famille raciste à cause de son teint métissé à une famille violente. Elle avait été placée dans six familles différentes avant d'arriver dans la bonne. Elle allait pouvoir être adoptée, mais à ses 18 ans elle avait fugué et quitté le système des familles d'accueil. Elle s'était retrouvé seule, et avait habité quelques temps dans la rue. Un jour, alors qu'elle mendiait, un jeune homme s'était arrêté devant elle et lui faisait face. Elle l'avait reconnu au premier regard. C'était son frère, il refusait de la laisser dans la rue, alors maintenant qu'il était adopté il demanda à sa famille d'héberger sa sœur quelques temps. Elle réussit à trouver du travail dans un fast-food, et grâce à ses revenus elle put louer un deux pièces, tout en gardant contact avec son frère.
Une légère brise la fit revenir à la réalité. Il n'y avait plus personne aux alentours, il doit sûrement être minuit passé. Un léger frisson la traverse. Elle se lèvre et s'assoit plus loin, au bord de la falaise, les jambes dans le vide. La mer est agitée et se jette de toute sa force contre les rochers. Au bout d'un certain temps elle se lève encore une fois et embrasse d'un regard la mer, à ce moment, elle se rend compte de sa solitude. Qui la retiendrait ici? Alors, dans un souffle, elle se laisse porter par le vent.
