Aline et Valcour, tome II Roman philosophique

560 6 0
                                    

ALINE ET VALCOUR, TOME II ***

Produced by Marc D'Hooghe.

ALINE ET VALCOUR,

ou

LE ROMAN PHILOSOPHIQUE.

par

D.A.F. DE SADE

* * * * *

TOME II.

TROISIÈME PARTIE.

* * * * *

Écrit à la Bastille un an avant la Révolution de France.

ORNÉ DE SEIZE GRAVURES.

1795.

* * * * *

Nam veluti pueris absinthia tetra medentes, Cum dare conantur prius oras pocula circum Contingunt mellis dulci flavoque liquore, Ut puerum aetas improvida ludificetur Labrorum tenus; interea perpotet amarum Absinthy lathicem deceptaque non capiatur, Sed potius tali tacta recreata valescat.

Luc. Lib. 4.

* * * * *

LETTRE TRENTE-CINQUIÈME,

_Déterville à Valcour_.

Verfeuille, 16 Novembre.

HISTOIRE DE SAINVILLE ET DE LÉONORE[1].

C'est en présentant l'objet qui l'enchaîne, qu'un amant peut se flatter d'obtenir l'indulgence de ses fautes: daignez jeter les yeux sur Léonore, et vous y verrez à-la-fois la cause de mes torts, et la raison qui les excuse.

Né dans la même ville qu'elle, nos familles unies par les noeuds du sang et de l'amitié, il me fut difficile de la voir long-tems sans l'aimer; elle sortait à peine de l'enfance, que ses charmes faisaient déjà le plus grand bruit, et je joignis à l'orgueil d'être le premier à leur rendre hommage, le plaisir délicieux d'éprouver qu'aucun objet ne m'embrâsait avec autant d'ardeur.

Léonore dans l'âge de la vérité et de l'innocence, n'entendit pas l'aveu de mon amour sans me laisser voir qu'elle y était sensible, et l'instant où cette bouche charmante sourit pour m'apprendre que je n'étais point haï, fut, j'en conviens, le plus doux de mes jours. Nous suivîmes la marche ordinaire, celle qu'indique le coeur quand il est délicat et sensible, nous nous jurâmes de nous aimer, de nous le dire, et bientôt de n'être jamais l'un qu'à l'autre. Mais nous étions loin de prévoir les obstacles que le sort préparait à nos desseins.--Loin de penser que quand nous osions nous faire ces promesses, de cruels parens s'occupaient à les contrarier, l'orage se formait sur nos têtes, et la famille de Léonore travaillait à un établissement pour elle au même instant où la mienne allait me contraindre à en accepter un.

Léonore fut avertie la première; elle m'instruisit de nos malheurs; elle me jura que si je voulais être ferme, quels que fussent les inconvéniens que nous éprouvassions, nous serions pour toujours l'un à l'autre; je ne vous rends point la joie que m'inspira cet aveu, je ne vous peindrai que l'ivresse avec laquelle j'y répondis.

Léonore, née riche, fut présentée au Comte de Folange, dont l'état et les biens devaient la faire jouir à Paris du sort le plus heureux; et malgré ces avantages de la fortune, malgré tous ceux que la nature avait prodigués au Comte, Léonore n'accepta point: un couvent paya ses refus.

Je venais d'éprouver une partie des mêmes malheurs: on m'avait offert une des plus riches héritières de notre province, et je l'avais refusée avec une si grande dureté, avec une assurance si positive à mon père, qu'ou j'épouserais Léonore, ou que je ne me marierais jamais, qu'il obtint un ordre de me faire joindre mon corps, et de ne le quitter de deux ans.

Vous avez atteint le dernier des chapitres publiés.

⏰ Dernière mise à jour : Mar 16, 2008 ⏰

Ajoutez cette histoire à votre Bibliothèque pour être informé des nouveaux chapitres !

Aline et Valcour, tome II Roman philosophiqueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant