Je me souviens de cette jeune fille aux cheveux bruns, seule assise au fond de la classe. Cette fille si fragile, que l'humanité avait fini par détruire. Cette adolescente bercée par la solitude. Je me souviens de la tristesse que je pouvais lire dans ses prunelles d'un marron des plus intenses, lorsque mon regard croisait le sien. Cet appel à l'aide que personne ne comprenait, que personne n'écoutait. Elle était seule, perdue parmi la foule, attendant simplement que quelqu'un vienne la sauver de cet enfer quotidien qu'elle vivait. Elle longeait les couloirs d'une couleur orangé, en espérant que cette fois ci, aucun d'entre eux ne viendrait lui rappeler à quel point son existence n'était que stupidité, qu'ils ne viendraient pas lui rappeler à quel point son physique pouvait repousser. Elle espérait simplement éviter ces regards des plus meurtriers. Elle avait cette façon de tirer sur ses manches afin de dissimuler ces blessures qu'elle s'était une fois de plus infligée durant cette nuit, où elle ne cessait de cogiter, de chercher une réponse à ces questions qui la tourmentaient. Pourquoi avait-elle été prise pour cible ? Pourquoi s'acharnaient-ils ainsi ? Ces interrogations qui restaient finalement démunies de toutes réponses. Elle n'avait que pour seul échappatoire, cette lame qui lacérait son bras, un peu plus profondément à chaque fois. Une façon pour elle d'évacuer cette douleur qu'elle ne pouvait extériorisée. Elle ne pouvait en parler, les répercussions auraient été bien plus monstrueuses que ce qu'elle subissait à longueur de journées. Elle se contentait de baisser la tête sous l'entente des insultes qu'on lui proférait, afin de cacher ces larmes qu'elle aurait tant aimé laisser s'échapper. Ces perles salées qu'elle ne pouvait laisser couler, elle ne pouvait en aucun cas montrer sa fragilité. Son corps subissait, ces cris qu'elle retenait, ces cicatrices qui lui rappelleraient tout ce qu'elle avait pu traverser pour un physique un peu trop enrobé. Je me souviens de cette peur que je lisais sur son visage devenu trop blême, cette mine cernait par ces insomnies, qu'elle s'amusait à camoufler au petit matin sous son maquillage prononcé. Elle était terrifiée, le monde la terrifiée. Je pouvais apercevoir cette angoisse, qui l'habitait lorsqu'un groupe d'individu l'approchait. La crainte de subir une nouvelle fois des menaces ne faisait que la hanter. Elle se demandait, quel genre de méchanceté on allait encore lui projeter, quels coups lui seraient encore assénés. Elle ne savait, où trouver un peu de sécurité, ni à qui s'adresser pour être réconfortée. Elle se sentait perdue, désarçonné. Personne n'aurait pu la sauver. Prise au piège dans une société, qui ne cessait de lui rappeler qu'elle n'y appartiendrait jamais. Sa différence, faisait d'elle une personne qu'il ne fallait approcher. La persécution qu'elle subissait, renforçait son envie de tout envoyer valser, pour ne plus se sentir rejetée. Elle aurait tant aimé que quelqu'un lui tend la main, pour l'emmener loin, qu'on lui chuchote a l'oreille, que tout cela n'était qu'un stupide cauchemar. Elle aurait juste aimé que quelqu'un lui prouver son amour quel qu'il soit, qu'on lui murmure qu'elle est belle, qu'on est là pour elle. Mais personne n'était présent, personne ne l'entourait pour lui prouver que cette vie valait la peine d'être vécu, aucune lumière n'apparaissait pour l'éclairer, et pourtant avant son arrivée dans cet établissement, elle aimait la vie, plus que n'importe qui. Elle était cette jeune fille qui passait son temps à rire, à sourire. Ce sourire qu'elle avait perdu depuis quelques années déjà. Un rictus faux, voilà ce qui désormais régnait sur ses lèvres rosées. Toute joie de vivre l'avait abandonné, un corps sans âme voilà ce qu'elle devenait. La lueur d'espoir qui brillait en elle finissait lentement par se dissiper, laissant place au noir le plus complet. J'aurai tant aimé l'aider, lui montrer que sur moi elle pouvait compter, mais l'obscurité l'avait emporté. Le regard des gens à cet âge est si différent, et les mots tellement blessants. Pour ne plus être jugé, elle a préféré s'envoler. Rejoindre cet endroit où toutes différences seraient acceptées. Aux jours d'aujourd'hui, il m'arrive souvent de repenser à cette jeune fille, à ce qu'elle a pu traverser durant ses jeunes années, à la force qui l'habitait jusqu'au moment où ses yeux ce sont fermés, pour enfin être apaisée.