A la croisée du destin

Chapitre 2 - Kane

J'ignorais depuis combien de temps, je roulais. Tout ce que je savais, c'est que j'étais monté en voiture sans savoir où aller. J'avais pris l'I-5 en direction de San Francisco et je mangeais les kilomètres dans l'espoir de m'apaiser. J'avais dépassé Sacramento et la douleur dans ma poitrine était toujours aussi virulente. Trouvé Lila dans mon lit avec un autre homme que moi était comme si elle avait pris mon coeur pour le mettre dans un étau et le resserrer entre ces deux bouts de métal pour l'écraser complètement jusqu'à ce qu'il explose. J'aurais pu lui casser la gueule, j'aurais dû d'ailleurs! Puis je l'aurais regardé nettoyer les morceaux de cervelle appartenant à son amant répandu partout sur le sol. Au lieu de ça, j'avais quitté la pièce comme si la personne de trop dans cette chambre, c'était moi. J'étais monté dans une de mes voitures au hasard, peu importe du moment qu'elle m'emmenait loin de là, de cette maison qui autrefois avait abrité une histoire d'amour et qui aujourd'hui représentait la trahison. Que des conneries tout ça! Je devais appeler mon agent immobilier pour qu'il vende cette maison sur le champ! Elle pouvait bien se retrouver à la rue, j'en avais plus rien à foutre! La connaissant, elle retomberait rapidement sur ses pattes! La roue ne tournait jamais pour ce genre de personne! Comment en étais-je arrivé là? Ce n'est pas comme ça que ma vie devait se passer... Pourtant, j'avais tout pour être heureux. Ma belle gueule avait toujours été un avantage de taille, un bon moyen de se sortir de situation délicate... Puis ajouter à ça, l'argent, la notoriété et vous obtenez tout ce que tout le monde a toujours rêvé. Alors pourquoi en ayant toutes ces cartes dorées entre les mains, avais-je toujours ce vide dont j'avais tant de mal à combler? Epuisé mon american express n'était pas la solution, j'avais déjà essayé et j'avais lamentablement échoué. Les maisons, les voitures, les vêtements hors de prix... Si ça m'avait donné l'impression de compenser, tout ça n'était qu'une douce illusion qui s'envolait dès que j'étais sorti du magasin. Certains diraient que c'est le manque d'amour... Et pourtant l'amour, je l'ai connu sous toutes ses formes! Les filles d'un soir qui criaient à quel point j'étais le meilleur sans pudeur! Tous ces fans qui le scandaient à chacun de mes concerts et dès qu'ils pouvaient me toucher était aussi une forme d'amour à laquelle je m'étais voué sans retenue. Cherchant dans leurs bras quelque chose que je ne trouvais nulle part ailleurs. J'avais profité de tout ce que ma célébrité m'avait offerte, les excès faisaient partie du lot. Les filles qui dorment devant votre chambre d'hôtel, qu'il vous suffit de cueillir en ouvrant la porte. C'était un contrat tacite, certes... Je leurs vendais du rêve et je prenais mon pied, tout le monde était gagnant. Pour ceux qui pensent que je les ai utilisé, il suffit de réfléchir deux secondes : tout le monde se sert de tout le monde! Et puis c'était tellement bon! Bon... Pas toujours, je dois l'admettre. La fois où cette nana pleurnichait sur mon torse ça me l'avait coupé grave! Puis baiser à tout va avait fini par me lasser comme tout le reste d'ailleurs, ce n'était pas les mêmes filles mais c'était le même manège et ça ne m'excitait plus. Les années avaient passé et la maturité avait sans doute eu raison de moi. J'avais envie d'autre chose, chanter était ce que je savais faire de mieux. Dieu m'avait donné deux choses, ma gueule et ma voix. C'est ce que j'avais de plus cher parce que sans ça, je ne servais pas à grand chose en réalité. Planter un clou ou taper à l'ordinateur, j'en étais incapable mais surtout ça ne me disait rien du tout! J'avais fini par rencontrer Lila dans une de ces soirées où l'alcool coule à flot et où tout le gratin devait se montrer. Elle m'avait été présenter par mon agent, Kurt. Comment ne pas tomber amoureux d'elle? C'était une déesse moulée dans une robe de créateur qui s'avançait vers moi. Lila était comme ça, je l'avais appris avec le temps, tout le monde se retournait sur son passage et j'ai cru stupidement qu'elle n'avait d'yeux que pour moi. Ses cheveux châtains savamment bouclés lui tombés sur sa poitrine, ses yeux émeraudes c'étaient enfin posés sur moi et sa bouche pulpeuse me donnait envie que d'une seule chose, l'embrasser. A partir de ce soir là, nous nous étions plus jamais quittés enfin... Jusqu'à aujourd'hui! Nous avions tous deux des emplois du temps très chargé, pendant que je chantais un peu partout, elle courait les plateaux de cinéma. Elle était l'étoile montante du cinéma et j'étais au summum de ma carrière, un parfait combiné. Nous nous étions fiancés au Bahamas six mois plus tôt et avions décidé de nous unir sur la plage de Malibu à l'automne. Ca faisait deux ans que nous étions ensemble et je l'avais vu évolué sous les feux des projecteurs. Je la voyais changer au gré du temps et avait décidé que par amour, je devais la laisser profiter du moment. Même si moi aussi j'étais sur le devant de la scène, ça restait malgré tout, différent. Je vivais au travers de mes chansons quant à elle, elle vivait au travers de son image. Elle me traînait dans toutes ses soirées où d'après elle, il fallait absolument se montrer. J'avais hâte qu'elle soit lasser par tout ça parce qu'elle finirait par en arriver là, elle aussi. Je voulais qu'on continue à faire ce qu'on aimait mais une fois la porte fermée avoir une vie tout aussi tranquille comme deux personnes qui rentrent du boulot, s'affalent sur le canapé dans les bras l'un de l'autre devant un bon film ridicule à la télé. Et même si je venais de comprendre de manière assez brutale que la vie que je lui proposais ne lui convenait pas, ça ne m'empêchait pas d'avoir mal. Me concentrant sur la route, j'apercevais le panneau "Durham" que je dépassais rapidement. Mais où-est ce que je suis? Approchant dangereusement de la réserve, je décidais de m'arrêter faire le plein. Dieu sait à combien de bornes était la suivante! Je ne savais pas encore jusqu'où aller m'amener mon périple et j'étais parti depuis quoi? deux jours, trois tout au plus! L'odeur de transpiration provenant de mes vêtements indiquait que ça faisait déjà trop longtemps! Mais je pouvais tirer encore un peu.