Chapitre 2: "Rage inhumaine".

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Après m'être échappée du foyer au milieu de la nuit, j'avais marché longtemps sans savoir où j'allais ni où aller. Je ne connaissais pas très bien cette ville car je ne sortais jamais du foyer, et je ne l'avais traversé qu'une seule fois, lors de mon arrivée, regardant par la fenêtre de la voiture des services sociaux les bâtiments inconnus qui défilaient rapidement.

La nuit était noire le soir de ma fuite, les nuages cachaient la lune et les étoiles, et seuls les réverbères éclairaient mon passage dans les rues vides. Il faisait froid, bientôt l'hiver serait là, et je frissonnais sous mon blouson peu épais. Toutes les boutiques étaient fermées à cette heure-là, et quelques unes des vitrines étaient éclairées de néons colorés bleus, verts ou encore rouges. Soudain, des gouttes commencèrent à tomber, la pluie tombait en averses et pas un seul porche pour m'abriter. Tant pis, il fallait continuer de marcher.


Pour faire court, j'avais marché les deux jours suivants, en me nourrissant de biscuits, et de fruits volés sur les étalages de rues. Je n'aime pas le vol, mais je n'avais pas le choix à ce moment là. Je n'avais pas fait tout ça pour me laisser mourir de faim ensuite ! J'avais un peu d'argent, une vingtaine de dollars, mais j'avais préféré les économiser pour plus tard.

Après deux jours de marche, j'étais arrivée dans une grande ville, dont je tairai le nom pour m'éviter des ennuis.

Je ne savais pas comment faire pour survivre ici, je n'avais que 16 ans après tout, et je n'avais jamais vécu que dans une maison et dans un foyer, et bien que sachant faire à manger et tenir à peu près une maison, je n'avais aucune idée de comment trouver un logement, ni les moyens d'en louer un. Je n'avais plus le choix, je devais travailler pour gagner de quoi me débrouiller seule.

Ce ne fut pas chose facile !

J'avais trouvé un exemplaire du journal local sur un banc, en ville, oublié par quelqu'un ; j'avais alors regardé les petites annonces pour trouver une offre d'emploi, n'importe quoi qui soit à ma portée et qui me rapporterait un peu d'argent.

...
- "Chauffeur de taxis"
Je n'avais pas le permis.

- "Serveuse dans un fast-food"
Quelle horreur... J'espérais trouver mieux plus bas.

- "Livreur"

- "Garagiste"

... Il y en avait beaucoup, mais rien pour moi. Sauf peut-être...

- "Ménagère dans un hôtel"
Je n'aurais pas à voir beaucoup de monde, et je sais faire le ménage, c'est parfait. Enfin, dans ma situation, c'était parfait.

Je me rendis donc à l'adresse indiquée, et demandai le poste ;  je ne savais pas vraiment comment m'exprimer, je n'avais jamais demandé d'emploi auparavant.
La réceptionniste était une femme rondouillette, au visage rouge et ingrat, avec des cernes prononcées sous les yeux. Elle n'avait pas l'air très sympathique, et ne l'était pas.

J'avais dû mentir sur mon âge pour obtenir le job ; pour cette femme dégoûtante, et à partir de ce moment, j'avais 17 ans. En plus d'un emploi, l'annonce indiquait une chambre à la disposition de l'employé de ménage, ce qui m'arrangeait beaucoup. La grosse femme me montra ma chambre et s'éloigna d'un pas lourd.

« Tu commences demain à 7h40. Ne soit pas en retard ! » grogna-t-elle en s'éloignant.

En guise de chambre, j'avais plutôt un placard à balais, avec un lit et une table de chevet. Une porte menait à une minuscule salle de bain, dégoûtante. La "chambre" avait des murs blancs tachés de je-ne-sais-quoi, et je ne voulais pas vraiment savoir, en vérité.
Le sol en carrelage bleu ciel était fissuré ça et là, aussi dégoûtant que le reste de la pièce. Il n'y avait qu'une seule fenêtre au dessus du lit, aux carreaux sales.


J'ai très mal dormi la première nuit, et le lendemain, le travail était rude. Autant dire que le ménage n'était pas fait régulièrement dans ce taudis. Partout, de la poussière, des toiles d'araignées, des taches, et une odeur de renfermé.
Il y avait peu de clients, je n'avais donc pas beaucoup de travail par jour. Et pourtant, une épaisse couche de crasse se déposait entre chacun de mes passages.
La grosse femme de l'autre jour, c'était la femme du propriétaire, aussi gracieux et laid qu'elle, bedonnant et chauve. Je ne les aimait pas du tout, mais le salaire qu'ils me donnaient me permettait de me maintenir en vie.

Ils avaient un fils, qui devait avoir entre 18 et 25 ans, mais il n'était là que rarement, et il avait l'air aussi con que ses parents, avec sa tête joufflue, ses cheveux roux et son corps en surpoids latent. Répugnant.
Les jours qui suivaient étaient fatigants, et les coups d'œil pervers du proprio attisaient la haine encore présente en moi. Quel odieux personnage ! Quand il passait près de moi, il posait à chaque fois sa grosse main graisseuse sur mon épaule ou mon bras, avec un rictus malsain.


Je suis restée un mois au service de ces gens dégoûtants, mais c'en était trop. Un soir, avant de monter me coucher, je suis sorti de l'hôtel pour respirer l'air frais, qui manquait cruellement dans ce taudis. En passant devant l'accueil au retour, je constatai que la grosse femme n'y était pas, mais son mari oui. Il me regardait encore avec ces yeux pervers et ce rictus horrible. Il se plaça devant moi avant que je n'aie eu le temps de quitter la pièce, et me barrait le passage.

«Alors ma belle, tu n'es pas encore couchée ? Les petites filles doivent dormir à cette heure

Je lui demandai donc de se décaler, pour que je puisse, effectivement, aller me coucher ! Il n'avait pas l'air satisfait de ma réponse, mais il se décala assez pour que je me faufile. En passant, il laissa sa main glisser sur mes fesses. Enragée, j'allais en direction de ma chambre pour couper cours à la discussion, mais je me rendis compte qu'il me suivait. Je n'en pouvais plus, la colère grandissait en moi. Je me retournai alors que j'arrivais à la porte. Toujours sur mes talons, il s'arrêtera en silence et m'indiqua d'ouvrir la porte. Je lui obéis, j'entrai, lui après. Il referma la porte derrière lui et resta debout devant mon lit.

« Allez, vas te coucher ! Déshabilles-toi donc, je regarde. »

Quel gros porc ! Non mais pour qui il se prenait ? Je m'approchai de lui, la lame — que je venais de prendre dans mon sac — bien cachée dans ma manche. Il n'eut pas le temps de réagir que déjà le métal froid perforait sa peau grasse. Dans l'estomac, puis dans le ventre, et dans le cœur. J'étais déchaînée, animée par une rage inhumaine. Il s'effondra enfin sur le sol carrelé, dans une marre de sang. Je baissai son pantalon et pris le vase qui se trouvait sur la table de chevet. Cette fois, plus une trace de peur, je n'hésitais pas une seconde. Je lui enfonçais violemment le vase dans l'orifice postérieur, jusqu'à entendre des bruits de craquements. Beurk. J'essayai ensuite de retourner son lourd cadavre, afin d'y laisser une marque semblable à celle d'Andrew. J'inscrivis sur son ventre mou "PIG" en lettres rouges sanglantes.

Les murs étaient éclaboussés de sang, une véritable boucherie, je n'aurais pas aimé devoir nettoyer cette pièce. J'essuyai la lame dans sa chemise auréolée de sang et de transpiration malodorante, avant de la ranger dans mon sac. Je devais partir en vitesse, avant que quelqu'un ne s'en aperçoive. Je rangeai mes quelques affaires et mes menues économies dans mon sac — j'avais réussit à mettre 643 dollars de côté — et quittai la pièce silencieusement. En passant devant l'accueil, je vis dans l'arrière boutique leur gros roux de fils qui me regardait, l'air bête. Je détournai le regard en quittant l'hôtel.


Il devait être environ 23h, et les rues se vidaient petit à petit de leurs fêtards, chacun rentrait chez soi ou allait faire la fête chez d'autres. Je marchais dans la ville, à la recherche d'un endroit où me détendre. Je passai alors devant un bar à thème style "Irish Pub", qui affichait des consommations peu chères. J'entrai, et m'assis sur une banquette molletonnée au fond de la salle, près du chauffage. Je remarquais qu'ils vendaient des cigarettes ici, et quand la serveuse est venu prendre ma commande, j'ai pris des Camel et un Irish Coffee.

Le pub restait ouvert toute la nuit, je suis donc restée assise ici à griffonner sur un cahier, boire et fumer, puis je me suis assoupie.
La serveuse, gentille, me laissa dormir.

Psycøpath | [ÉDITÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant