5

8.9K 914 26
                                    

CELIA

Eh voilà, je suis encore en retard ! J'arrive pas vraiment réveillée et vraiment pas motivée, au boulot. À 11 h 05, je guette la porte à la façon d'un chien chez le toiletteur qui attend son maître avec impatience. Mon visage s'illumine dès que je vois un homme en costard entrer. Si j'avais une queue, elle remuerait dans mon dos. Et j'affiche une mine déconfite quand je me rends compte qu'aucun de ces types n'est monsieur Trucmuche, comme dit Mona. Peut-être que c'est un hasard, qu'il n'est plus disponible. Ou peut-être que Max et ses mains baladeuses l'ont vraiment fait fuir...

Gen et moi mettons les bouchées doubles pour finir plus tôt. Max est ravi et m'envoie un petit clin d'œil en nous laissant partir quinze minutes plus tôt.

— Waouh... Je ne l'ai jamais vu d'aussi bonne humeur, le Max, s'étonne ma collègue alors que nous nous mettons en route dans la fiente mobile qui me sert de moyen de transport.

Je ne relève pas sa remarque. On va dire qu'il est de meilleure humeur parce qu'on a bien bossé, et pas parce que j'ai accepté de passer une soirée avec lui.

— Ne fais pas attention au bordel, je n'ai pas vraiment le temps de faire le ménage, avec ces horaires de malade, elle me dit en ouvrant la porte de son appartement.

— T'inquiète pas, moi, c'est par... Oh merde, Gen, quand même, là !

Je n'ai jamais vu un merdier pareil ! Elle hausse les épaules et pousse du pied une pile de sacs à main pour pouvoir ouvrir la porte en grand. Il y en a partout. Cette nana vit dans un dressing géant désorganisé.

— Tu veux boire quoi ? elle me demande gentiment.

— Surtout pas de café ni de chocolat chaud, j'envoie en levant les mains au ciel.

Elle explose de son rire si communicatif en allant ouvrir le réfrigérateur.

— Hmm... Vin blanc ou lait périmé ?

— Oh mon Dieu, j'hésite vraiment...

***

Deux heures plus tard, nous sommes descendues à l'épicerie pour acheter une nouvelle bouteille de vin blanc, et l'ascenseur a mis des plombes à arriver avant qu'on se rende compte que personne n'avait appuyé sur le bouton pour l'appeler.

— Bon, il serait peut-être temps de passer aux essayages ! s'exclame Gen en se levant d'un bond du canapé.

Elle titube jusqu'à la chambre et revient avec les bras chargés de plusieurs robes.

— Alors, nous avons la robe classique : noire, pas trop moulante, pour faire classe mais super coincée !

Elle jette le vêtement toujours sur son cintre sur le fauteuil derrière moi.

— Hmm...

Une robe noire, c'est bien, non ? Gen en attrape une autre.

— Ensuite, nous avons la robe noire mais bien plus moulante et qui saura parfaitement mettre en valeur tes nibards et ton boule !

J'explose de rire en prenant mon verre. Allez, une grande gorgée, Celia !

— C'est une soirée mondaine, Gen, pas un truc échangiste, je lance.

— Mais qu'est-ce que t'es coincée parfois ! Donc celle-là, next, celle-ci aussi et celle-ci, elle soupire en jetant des robes au fur et à mesure.

Il lui en reste une sur chaque bras. On avance.

— Alors, il nous reste : une robe bleu foncé, qui rappelle la profondeur de la nuit. Elle tombera avec élégance jusqu'à vos pieds et sublimera vos épaules avec ce col en V. Et la surprise, c'est la pleine lune !

elle termine en tournant la robe pour laisser apparaître le dos de celle-ci. Merde, le dos est complètement ouvert et finit en pointe juste à la limite de la chute de reins. C'est pas sexy, c'est pire.

— Waouh ! C'est mondain devant mais le dos appelle au cul, indéniablement, j'envoie.

Gen est déjà loin de cette discussion.

— Double-face, bébé, je suis double-face, elle répète en boucle en faisant tourner la robe devant, derrière.

— Je ne sais pas si j'assumerais de porter une robe aussi...

C'est évident que non, je n'assumerais jamais une tenue comme celle-ci !

— Cette robe est parfaite pour toi ! Devant, elle dit « Bonsoir, monsieur, je suis vierge » et dès qu'on te voit de dos, elle crie « Hey ! beau gosse pas aimable, nous avons à parler, toi et moi ! ».

— Bon, et l'autre robe ?

Elle hausse les sourcils, désespérée par mon attitude.

— L'autre robe ? Quelle autre robe ? elle demande, mine de rien.

— Celle que tu viens de jeter derrière le canapé...

— T'es chiante, elle râle. Je n'aurais même pas dû la prendre dans mon armoire !

Elle va la ramasser et manque de la rejoindre par terre, mais elle se rattrape miraculeusement.

— Robe. Beige. Moche, elle m'explique comme à une enfant de cinq ans.

— Elle sera parfaite, celle-ci, je dis en observant la robe à bretelles.

Des petites paillettes ornent le col rond, et sa simplicité me plaît. Elle est beaucoup moins osée que la bleue et tout de suite plus « moi ».

— Oui, si tu veux faire passer le message « Bonsoir, je suis pauvre et ma voiture est une fiente géante, donnez-moi de l'argent, s'il vous plaît ! » elle s'exclame en jetant la robe sur le fauteuil. L'autre laisse passer un message bien plus profond ! Elle est classe et distinguée, mais laisse aussi place au mystère. En plus, tu es bien foutue ! Moi, je ne rentre plus dedans, elle se désole en se laissant tomber dans le canapé.

Elle attrape son verre et le descend d'une traite.

— Je sais que tu as raison, mais la petite beige me paraît plus appropriée. Si un jour j'ai un rencard avec monsieur Super-Beau-Gosse-Pas-Aimable, je mettrai l'autre. Et, toi et moi, on sait que ça n'arrivera jamais. Max et ses grosses paluches ont tout gâché.

Gen ronchonne, me montre la bouteille pour que je la resserve, puis abdique avec une moue mécontente.

— Comme tu veux ! L'important, c'est que tu sois à l'aise... Et si être moche, c'est être à l'aise chez toi, why not ! Bon, les chaussures maintenant !

***

Je viens de me jeter dans mon lit glacial. Nous avons commandé des pizzas pour éponger les litres de vin ingérés, puis nous avons essayé des chaussures pendant un temps interminable avec Gen. J'ai dû attendre de pouvoir de nouveau marcher droit pour oser rentrer chez moi, et le retour m'a paru interminable.

Je jette un œil sur mon portable qui vient de vibrer. C'est un SMS de Gen.

** Fuck ! Max m'a envoyé un message, je bosse à ta place demain ! Je ne te remercie pas... Mais j'ai tellement envie que tu ailles à cette foutue soirée mondaine... Au fait, tu as oublié la robe moche et les chaussures ! T'as décidément, pas de cerveau. Passe au boulot demain, je te la rangerai dans ton casier. Xoxo PS : envois un SMS quand t'es arrivée **

Je réponds aussitôt :

** Merde... mais merci ! Tu assures. Je suis dans mon lit. Xoxo **


FIN DE L'EXTRAIT

Baby Random est disponible chez votre libraire en version poche, audio ou numérique.

Retrouvez Gaïa Alexia sur Instagram pour suivre son actualité littéraire :)

Vous avez atteint le dernier des chapitres publiés.

⏰ Dernière mise à jour : Dec 16, 2023 ⏰

Ajoutez cette histoire à votre Bibliothèque pour être informé des nouveaux chapitres !

Baby RANDOM 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant