Le problème, c'est tout ce petit monde...

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PDV d'Anita:

J'ouvris doucement la porte d'entrée et soupirais. Il pleuvait, comme d'habitude. Je mis mes mains au-dessus de ma tête et me dépêchais de rejoindre ma voiture. Une fois à l'intérieur, j'essuyais rapidement mes lunettes tout en profitant de ce mouvement pour me gratter l'arête de mon nez. Je démarrais ma Ford et me mis en route pour le lycée. Ma sœur était encore en train de se peindre le visage dans la salle de bain, et j'ai dû pleurer à la porte pour pouvoir me laver. Je me garais sur le parking de l'établissement et me dépêchais de rentrer. Mickaël m'attendait à l'entrée. C'était mon meilleur ami, mais aussi le seul. Il s'approcha de moi en faisant son sourire d'idiot qui laissait apparaître son affreux appareil dentaire.

- Salut Anita, dit-il, j'ai croisé Toasty et elle avait vraiment pas la forme. Elle m'a même pas regardé quand je lui ai fait une grimace de cinglé.

Je levais les yeux au ciel. Madame Toty était une des profs de philosophie qui était plus que sévère. Mickaël adorait l'embêter et moi, j'aimais par dessus tout lui ressortir encore et encore la phrase "qui aime bien châtie bien".

- C'est qu'elle en a marre de toi. Dis-je en lui faisant des yeux espiègles.

Il sourit la bouche fermée. C'était ce qu'il voulait, après tout. Mickaël était sûrement le garçon le plus moche de tout le lycée, mais je m'en fichais. Je supposais que moi aussi. Il était le seul qui n'était pas amoureux de ma sœur, et je le respectais.
Ma stupide sœur était tout ce qu'il y avait de plus sophistiqué en ce monde, elle avait même demandé à mes parents si elle pouvait se refaire entièrement le visage car elle ne voulait absolument pas me ressembler. C'était ma jumelle, mais rien ne le trahissait. Je m'approchais de mon casier et pris les livres dont j'avais besoin. Aujourd'hui, j'avais maths, anglais, philo, SVT, chant et... Je fermais les yeux pour avaler convenablement ma salive.
Français. En français, j'étais juste à côté de Stanley Bro, le garçon le plus populaire et le plus beau de tout le lycée. Ma prof de français m'avait placée à sa table pour me récompenser de mes merveilleux résultats. Et oui, ça allait loin. Sauf que je n'appréciais pas du tout ce changement, et je ne pouvais pas voir ce garçon qui était le petit copain de ma sœur jumelle, Brenda. À mon grand soulagement, il ne me parlait pas. Il restait concentré à chaque heure de français, et je le chérissais rien que pour ça.
J'avais juste peur de trembler sous ses yeux, ou même de le fixer trop longtemps. J'avais trop peur de faire une gaffe quand j'étais avec lui. Bien sûr, il ne se doutait sûrement pas que j'existais. Peut être un peu grâce à cette matière mais sinon, il n'y avait que ma sœur et ses amies qui connaissaient sa vie sur le bout de leurs ongles vernis.

- Ma pauvre, tu as français ! La matière fatale, je me trompe ?

Je tournais la tête vers Mickaël qui me regardait de ses yeux bouffis. Je baissais les yeux en soupirant de tristesse.

- Oui, dis-je, pourquoi suis-je tombée dans la même malédiction que toutes ses filles ? Je suis différente, pourtant.

Mais peut être pas assez. Il fallait être un extraterrestre pour ne pas tomber amoureuse de Stanley. Il était blond aux yeux verts, avait des traits excessivement fins, une peau mate, une carrure svelte... Un être d'une telle perfection que même la plus belle personne sur terre pourrait envier.

- Différente... Dit Mickaël en réfléchissant. Une fille quoi. Bon, j'y vais j'ai bio. À plus pépette !

Je souris en le voyant s'éloigner. Voici le surnom le plus recherché de tout les temps. Un silence plombant me tira de mes rêveries. Tous les lycéens regardaient l'entrée en chuchotant. Je jetais un léger regard intrigué, et vis sans surprise, Stanley et Mike sortir de la foule. Agacée par leur popularité, je fus la seule à continuer de fouiller dans mon casier. Je vis que Stanley m'avait regardé avec un étonnement non dissimulé. Et oui, je n'en ai strictement rien à faire de vous. Enfin, au sens figuré... Je mis quelques mèches rebelles qui dépassaient de ma queue de cheval sur mon visage pour le cacher un minimum.
Je me rendais en français. Je marchais lentement car je ne voulais par me retrouver à quelques centimètres de cette beauté inhumaine. J'entrouvris la porte de la salle et le vis. Il était calme et silencieux, assit à la même place que d'habitude. Je le rejoignis en prenant soin de ne pas le fixer. Je m'installais sur la chaise et essayais de me distraire en sortant mes affaires. Madame Sipiar entra alors dans la pièce et le silence retomba.
Pendant l'heure de cours, je faisais tout pour ne pas penser à celui qui était à côté de moi en faisant tomber mon stylo ou en écoutant très attentivement la professeur. Je ne pus m'empêcher de jeter un léger regard dans sa direction. Je rougis instantanément et détournais vivement la tête. Quelle idiote!
La sonnerie avertie enfin la fin des cours, et je fis rapidement mon sac pour quitter cette ambiance de chaleur abominable. Une fois sortie, je rejoignis ma voiture pour rentrer chez moi.

Je me regardais dans une glace, cherchant un signe de beauté. J'avais des yeux bleus dissimulés sous des lunettes carrés, une peau affreusement pale et des cheveux bruns courts rattachés en une minuscule queue de cheval. J'étais toujours mal habillée car je ne savais pas du tout la définition du mot "mode" et je n'étais jamais maquillée. Je n'étais vraiment pas une perle rare, et j'étais tous sauf séduisante. Le dernier garçon qui était amoureux de moi n'a malheureusement jamais existé, enfin, de ce que j'en sais.
Je m'affalais sur mon lit. Si seulement je pouvais avoir quelques conseils... Rien que pour m'habiller autrement, ou pour une coiffure potable... Je ne voulais pas ressembler à ma sœur qui était sûrement la définition de "magnifique". Je relevais brusquement la tête. Pourquoi n'y avais-je pas pensé avant ? Elle pourrait peut être me donner un ou deux conseils... Non un c'est mieux... Quoi que zéro, elle en serait capable. Je soupirais. Jamais elle n'accepterait. J'étais comme une traînée pour elle et m'aider serait comme la pire corvée de sa vie. Déjà toute petite, elle refusait de m'accompagner à l'école ou au cinéma... J'étais toujours seule. Elle avait 10 minutes de plus que moi et elle devait jouer le rôle de l'aînée, ce qu'elle ferait à merveille si je n'étais pas sa jumelle et si je serait plus jolie qu'elle.
Je pouvais quand même lui demander cette faveur. Je pourrais lui faire ses devoirs en échange. Soudain, j'entendis la porte d'entrée claquer si fort que les murs de ma chambre tremblèrent. En parlant du loup... Convaincue que mon plan marchera, je dévalais les escalier jusqu'à la salle à manger où Brenda croquait dans une pomme. Elle avait l'air en furie. Sans me décourager, je me lançais.

- Coucou grande sœur, dis-je en lui souriant.

Elle posa un regard bougon sur moi. Ses yeux bleus avaient perdus tout leurs éclats. Mon sourire disparut.

- Qu'est ce qui va pas? Demandais-je en m'approchant pour lui prendre l'épaule.

Elle se dégagea et laissa tomber sa pomme quelques secondes après pour fondre en larme. Elle se blottit contre moi. Mon plan marchait à merveille.

- Sta... Sta... Stanley... I... Il... M... M... M....

- Chut, voilà.

Je la consolais rapidement puis elle reprit ses esprits.

- Ce n'est pas drôle... Dit-elle en essuyant son mascara qui coulait laborieusement.

Étonnée, je lui fis face.

- Mais je n'ai jamais dis que ça l'était.

Elle se redressa sur sa chaise puis plaça quelques cheveux bruns derrière son oreille. Elle avait teint ses mèches en bleu, ce qui lui allait parfaitement bien. Pour la première fois, j'avais pitié d'elle. Je remettais à plus tard ce que j'avais à lui demander.

- Qu'est ce que tu as Brenda?

Elle leva ses yeux noirs vers moi.

- J'ai vu ma meilleure amie embrasser Stanley sur le parking. Ils ne m'ont pas remarquée mais je jure de me venger.

Elle serra le poing. Ce n'était donc que cela ? Enfin, je n'y connaissais rien et je ne l'avais jamais vécue alors je ne pouvais pas juger sa soif de vengeance. Je lui fis un sourire forcé et Brenda décida ensuite de monter dans sa chambre pour arracher toutes les photos qu'elle avait de lui. Je lui avais même proposé mon aide. Cela me ferait beaucoup de bien. J'avais beau être amoureuse de lui, je le haïssais de me perturber à ce point. Elle avait refusé en prétextant qu'elle n'aurait pas assez de photos pour elle. Je fus surprise par son attitude envers moi. C'était la première fois qu'elle m'avait parlé avec autant de gentillesse.

Perdu d'avanceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant