Invisible

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Nina s'ennuyait. Même si elle était une bonne élève, les maths ne la passionnaient pas. Heureusement, sa place se trouvait à côté d'une fenêtre. Celle-ci était entrouverte et le vent jouait avec ses cheveux roux.
Elle décida de tourner la tête et de regarder dehors, espérant ne pas se faire voir par la maîtresse. Une voix au fond de sa conscience lui disait : Pas de risques dessus !
La petite fille fut très surprise de voir un garçon planté au milieu de la cour, au milieu des feuilles mortes, droit devant elle. Le plus étrange, c'est que le garçon semblait la regarder. Oui ! La regarder ! Cela l'étonna car, depuis quelques temps, personne ne la remarquait. Mais il fallait admettre qu'elle était d'une timidité maladive. Ce qui lui avait valu le surnom de "petit coquelicot" auprès de ses parents.
Sauf que le garçon la regardait elle.
Il avait des cheveux bruns et bouclés et ses yeux étaient aussi sombres que la nuit. Cette impression de puit sans fond donnée par ses yeux était encore accentuée par les feuilles mortes qui virvoletaient autour de lui dans le vent frai de l'automne.
Des questions surgirent dans l'esprit de Nina.
Pourquoi n'était-il pas en classe ?
Que faisait-il dans la cour ?
Pourquoi la regardait-il avec autant d'insistance ?
Sa curiosité fut piquée et elle décida de le voir après la sonnerie. Soudain, elle entendit sa maîtresse parler plus fort et, de peur qu'elle ne l'ai repéré, elle décida d'écouter.
Seulement voilà : après la sonnerie, le garçon avait disparu.
Nina ne savait pas où, ni pourquoi, mais elle devait rentrer chez elle. De toute manière, tu n'aurais jamais pu lui parler ! Tu es trop timide pour ça ! Lui souffla sa voix intérieure.
Une fois chez elle, Nina vit son père derrière des tonnes de copies à corriger. Il avait l'air triste et fatigué.
Quant à sa mère, elle n'était pas là. Elle avait eu deux fois plus de travail à l'hôpital. Elle se levait tôt et se couchait tard. Le week end, elle dormait.
Nina savait qu'elle devait se conduire en grande fille autonome et faisait ses devoirs, se douchait et se couchait à 8h. En général, son père était si occupé qu'il n'entendait pas son "bonne nuit !" timide.
Comme ce soir là. Elle rentra dans sa chambre. Celle-ci ressemblait - du moins elle l'estimait - à n'importe quelle chambre de gamine de 10 ans : un bazar complet et absolu. Surtout depuis que sa mère n'y rentrait plus. Trop de travail.
Nina se coucha et serra Smaug, son doudou dragon, contre son cœur. Elle s'endormit en pensant au garçon aux yeux noirs.

Le lendemain, Nina se réveilla grâce à son réveil car ses parents ne venaient plus la sortir du lit.
Trop de travail.
La petite fille pris son petit déjeuner à la table de la cuisine pour ne pas déranger son père qui était assis à la table du salon. Elle mangea en vitesse, et alla à l'école. Depuis que ses parents travaillaient plus, Nina n'entendait plus les recommandations de sa mère sur le pas de la porte. Nina chemina, son cartable sur le dos, vers l'école.
Sans savoir pourquoi, elle voulait revoir le garçon de la veille. Une fois dans la cours, elle attendit.
Stupidement.
Mais elle ne le vit pas. Il n'est pas . Lui murmura sa conscience. Tu vas devoir rester toute seule. Sa conscience avait raison. Depuis que Naomie, la seule copine de Nina, s'était mise à pleurer fréquemment, Nina n'avait plus osé s'approcher. C'est donc morne qu'elle alla en classe. Mais, la petite fille n'arrivait pas à se concentrer. Elle regardait par la fenêtre tout le temps, dans l'espoir d'y voir le garçon. Seulement voilà : ce dernier ne se montra pas de la matinée. Ce fut l'après-midi qu'il fit son apparition. Contrairement à ses habitudes, dès que la cloche sonna, Nina se précipita dehors. Tu n'auras même pas le cran de lui dire bonjour ! Repris la voix dans son esprit. Mais le garçon vint vers elle lui même.
" Bonjour ! Comment tu t'appelle ? Demanda-t-il d'une voix étrangement grave.
- Je m'appelle Nina, répondit la petite fille en rougissant.
- Moi c'est Edouard. Mais Ed, c'est plus court. Tu sais pourquoi je te regardais, hier ?
- Non.
- Parce que tu est lumineuse,Repris Ed.
- Lumineuse ? Interrogea Nina, incrédule.
- Oui. Tu fais de la lumière ! Comme du feu.
- Mais pourquoi personne ne m'en a fait la remarque avant ?
- Tout les autres posent la même question. Mais d'un air amusé, fit le garçon.
- Il y en a d'autre qui sont lumineux ? Demanda Nina.
- Oui. Mais c'est la première fois que je vois quelqu'un de mon âge qui brille ! D'habitude, ce sont des grand-pères ou des grands-mères. D'ailleurs, personne ne les voit.
- C'est vrai ? Ils sont comme moi ? Interrogea la fillette rousse.
- Je pense. C'est toujours pareil avec les..."
La sonnerie le interrompit. Quand vint l'heure de rentrer chez elle, Nina réfléchit aux parole d'Ed. Toi, lumineuse ? N'importe quoi ! Il veut juste faire son malin ! Ça n'existe pas, les gens qui brillent ! Dit sa conscience. De toute manière, Nina se dit qu'elle demanderai des explications au garçon le lendemain.

"Un nécromancien ? C'est quoi ?
- C'est quelqu'un qui peut voir les gens lumineux.
- Alors je suis vraiment lumineuse ! Tu ne fais pas semblant ? Il y en a beaucoup, des nécromanciens ? S'enquit Nina.
- Non.
- Pourquoi je suis lumineuse ? Pourquoi tous les autres sont vieux ?
- J'ai pas le droit de te le dire ! Répondit Ed avant de s'éloigner vers le portail rouge de l'école.
En rentrant, la petite fille vit ses parents affalés dans le canapé, se faisant un gros câlin. Tout les deux pleuraient. Elle se demanda aussitôt se qui se passait. La rouquine s'approcha afin d'entendre ce que sa mère disait. Elle perçut juste un bout de phrase :
"Le carnilox n'était pas encore au point ! Comment j'ai pu les laisser faire ça ? Comment..."
Le reste des mots se perdit dans de sanglots puissants.
Nina était sous le choc. Elle n'avait jamais vu son père pleurer. Soudain, le voile qui recouvrait son passé se souleva :
Carnilox... Elle connaissait ce mot.
Carnilox... Elle en avait entendu parler tant de fois.
Carnilox... Un mot complexe, dur et étrange. Il faisait peur.
Plus le voile se soulevait, plus Nina était choquée. Ainsi donc...
Vlam ! Le voile retomba sur son passé. Oublies ça ! C'est impossible ! C'est absurde ! Tu ne dois pas y repenser ! Tu dois oublier ! Reprendre ta vie comme avant, faire comme si de rien n'était. Fit celle qui avait fais tomber le voile : sa conscience.
Non !
Ce n'était pas sa conscience !
Comment ? Qu'est-ce que tu pense ? Que je ne suis pas ta conscience ? Mais c'est faux ! Je suis ta conscience ! Je suis ta voix intérieur ! Je suis celle qui te dicte les bon choix !
Nina en avait marre de rester cachée, de ne rien pouvoir faire, d'être invisible.
" Non..." Murmura-t-elle. Un murmure, mais un murmure décidé.
Quoi ? Qu'as -tu dis ?
"Non. Tu ne me dicte pas les bons choix."
Bien sûr que si tu sais bien que...
"Non. Tout ce que tu m'a dicté c'est de rester terrée dans l'ombre !"
C'était pour ta sécurité ! Pour qu'on ne te fasse pas de mal !
" Non ! Tu es juste la mauvaise partie de moi ! "
Quoi ?! Tu ne peux pas ! Tu n'aurais pas du ! Tu... Tu...
La voix s'arrêta. Nina eu beau attendre, la voix de craisselle ne se fit pas entendre de nouveau.
La fillette réalisa qu'elle n'avait jamais dit autant de fois "non" de sa vie. Elle réalisa aussi qu'elle était toujours dans le salon et que ses parents n'avaient rien remarqué de son éclat de colère.
Elle monta dans sa chambre. Elle était assise sur son lit, avec le sentiment étrange de ne pas arriver à se souvenir de quelque chose d'important, quand soudain une voix, douce et posée lui souffla quelque chose de si absurde, si choquant, si incroyable que Nina refusa un instant de la croire. Pourtant...
TOUT le confirmait.
TOUT.
"Je veux voir Ed..." souffla la rouquine.
La petite fille descendit l'escalier, courut dans la rue, bondit devant l'école.
Ed.
Il était là, il attendait, un air grave sur la figure.
- Tu as compris ?
- Oui.
- Alors ?
- Je suis morte.
Trois mots.
Trois mots qu'elle aurai du prononcer depuis longtemps. Mais elle ne voulait pas se l'admettre.
- Je suis morte. C'est pour ça... C'est pour ça que je ne suis plus leur coquelicot...
Les sanglots la submergèrent. Elle pleurait. Mais elle continua. Elle voulait tout raconter.
- J'étais malade. Mais... Le médicament... Le Carnilox... Il m'a tué... Je... Ne veux pas ! Je ne veux pas partir !
Les larmes roulaient sur ses joues. Nina repensait à ses parents, à leurs mots gentils, à leur moment d'amusement, à ses anniversaires avec Naomie...
Nina regarda ses mains. Elles s'effaçaient ! Elle partait. La fillette sentit son corps se dissoudre, apartenir à un tout, à un ensemble immense, où chaque chose a un rôle bien défini.
Sauf sa main.
Retenue par une force plus forte que toutes les autres. Son corps réapparut. C'était Ed. Il tenait sa main et ses yeux noirs brillaient.
- Ne pars pas. 
- D'accord...

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