《 Cette scène prend place bien avant que la chronique n'ait commencé. Pour vous repérez un peu, Kyle était vers la fin de son année Sophomore (deuxième année de lycée où les américains passent quatre ans) ce qui veut donc dire qu'il ne connaissait pas encore ni Roman ni Eliza.Personnages présents : Kyle, Baylie (ft. Skylar). 》
Les yeux rougis de Kyle balaient scrupuleusement le taudis dans lequel sa copine le noie depuis plus de deux bonnes heures — auprès d'au moins cinq junkies, d'un alcoolique et d'un gars louche à l'accent russe prononcé. Ce n'est pas qu'il fait sa princesse mais cet endroit se rapproche beaucoup d'une vieille déchetterie où personne n'a envie de s'aventurer. Et c'est dire de sa part ! Tout ici cherche à le rendre cinglé ! Le sol crasseux est parsemé d'objets inidentifiables à cause de ce dense brouillard de fumée qui recouvre toute la pièce, intoxiquant le moindre centimètre carré de son cerveau. Sous ses fesses, il peut sentir une myriade de mégots cramés et, très probablement, deux ou trois sachets de chips vides vu le bruit horripilant que ça provoque lorsqu'il change de position sur le canapé clic-clac défoncé.Il n'est pas dans son élément.
À l'exception de Baylie, l'unique personne qu'il apprécie un tant soit peu dans ce trou s'avère ne plus être branché sur la même planète, ses traits étrangement soulignés par des tubes fluorescents colorés. Ça donne l'impression au blondinet d'être piégé dans une autre dimension, loin de ce qu'il affectionne. Son regard dur se fixe sur le frère de sa petite-amie. Skylar se retrouve étalé de tout son long par terre, inconscient — dans une mare de son propre vomi. Il fait pitié à voir. Au beau milieu de tous ces détritus, il semble à sa place. Mais on ne peut pas en attendre moins de la part d'un alcoolique. C'est plus facile de céder à son vice que d'y résister. Kyle s'imagine que ça ne doit pas aider à vouloir aller mieux que de devoir supporter de regarder sa sœur s'auto-détruire non loin de lui.
Excédé par les minutes passées ici, le jeune homme voudrait soupirer assez fort pour qu'elle se souvienne que son copain n'est qu'à quelques mètres. Mais peut-être qu'elle en est consciente. Peut-être que ça ne fait juste aucune différence et, silencieusement, il encaisse l'uppercut invisible qu'il vient de recevoir en plein ventre. Il est si fatigué, pourtant, il n'a pas la force nécessaire pour renoncer à elle. C'en est terrifiant la vitesse avec laquelle elle est devenue à la fois son tout et son rien.
❛ Retrousse ta manche. ❜
Dépourvue de précaution, Baylie s'arme d'une seringue crade laissée sur la table basse – encore plus crade ! – et prélève l'héroïne allongée au sein d'une cuillère à soupe, concluant le tout par une pichenette. Il l'observe faire comme si l'ange de la mort s'était matérialisé sous ses yeux hagards. Du talon de sa paume, la brune à la mèche violette frotte un coin de la peau du mec à côté d'elle tandis qu'il déplie et replie plusieurs fois ses doigts. Sans crier gare, la pointe s'enfonce rudement dans l'avant-bras du junkie en manque, plongeant tête la première dans sa veine bleue. Qu'il crève ! Cette pensée sournoise est motivée par la manière dont le gars libère un grognement vulgaire en calant sa paume sur la cuisse de sa petite-amie. Mais le corps de Kyle se raidit davantage encore lorsque la dite main remonte vers une zone que seul lui a le droit de toucher.
Au moment où la jeune femme débraillée lui file la seringue pour qu'il la pique à son tour, le blondinet met trop de pression sur les ressorts du clic-clac et se propulse hors du canapé pourri — l'air fou. Il est dingue de jalousie, dingue de peur. Le mouvement brusque l'amène à enfin braquer ses yeux charbonneux sur lui comme s'il venait de perdre les pédales. C'est de sa faute, c'est de sa faute ! Il veut lui hurler dessus qu'elle n'est qu'un poison et qu'il redoute d'en avoir trop avalé. Mais ses cordes vocales se trompent de refrain.