Un Artichaut

- Elle est jolie...

- Oui.

Paul se racla la gorge, gêné. Il ne s'attendait clairement pas à tomber sur Arm à la gare de Lille. Encore moins alors qu'il se baladait main dans la main avec sa nouvelle petite amie. Il avait eu peur de se prendre une réflexion déplacée -après tout Célia l'avait quitté il y a peu- mais son ami s'était contenté de les observer alors qu'ils se disaient au revoir d'un baiser timide.

- Tu l'aimes ?

Il sursauta. Arm le regardait avec sérieux, presque suppliant.

- Je... J'aime sa présence, mais c'est trop tôt pour dire si je suis vraiment amoureux.

Après tout, il sortait de deux ans de relation. Ce n'était pas rien. Il avait encore ces petits pincements douloureux au cœur quand il pensait à Linkial, il ne pouvait pas oublier aussi facilement et retomber vraiment amoureux aussi rapidement... Mais Céline était importante pour lui. Sa présence aidait et il voulait vraiment être avec elle.

Il avait peut-être un vrai cœur d'artichaut.

- Je vois...

Arm détourna son regard et regarda ses pieds avec insistance, les joues rouges. Une annonce le fit sursauter. Le train à direction de Marseille allait bientôt partir. C'était son train, il allait devoir y aller.

- C'est quand même allé vite.

Paul fronça les sourcils. Il n'appréciait pas cette remarque. Beaucoup le lui avaient dit, sur un ton de reproche essentiellement, et ça commençait à le gaver sincèrement. Il s'était fait plaqué, merde. C'est pas comme s'il avait largué sa copine pour en prendre une autre dans la journée. Il avait le droit d'avancer, de continuer à vivre, de continuer à aimer.

- Et alors ?! Tu aurais préféré que je continue à me morfondre pendant des mois, à pleurer sur le fait que la nana que j'aimais à en crever m'a largué ?!

- ... Oui.

Il ne s'attendait pas à cette réponse. Halluciné, il fixa Arm dans les yeux, la bouche légèrement entrouverte sous le choc.

- Pardon ?

Il vit Arm inspirer profondément, le regard déterminé et déclarer à toute vitesse.

- J'aurais préféré que tu passes des mois célibataire, à pleurer ta rupture pour me laisser une chance de te consoler et de te séduire.

Sur ses mots, il se pencha et déposa un baiser papillon sur sa joue avant de partir à toute vitesse, pour ne pas rater son train.

Paul ne bougea pas quelques secondes. Puis, il porta doucement sa main à sa joue, là où les lèvres de son ami s'étaient posées, le cœur battant.

Oui. Il avait vraiment un putain de cœur d'artichaut.