Chapitre 1

9 0 0
                                    

                    L'homme, emmitouflé dans sa chaude pelisse de trappeur, marchait d'un pas vif et décidé dans le froid sec et agressif

Oops! This image does not follow our content guidelines. To continue publishing, please remove it or upload a different image.

                    L'homme, emmitouflé dans sa chaude pelisse de trappeur, marchait d'un pas vif et décidé dans le froid sec et agressif. Un fusil de chasse était passé en bandoulière dans son dos. Un bonnet en fourrure, des moufles et un pantalon en peau de renne complétaient l'accoutrement typique des peuplades du Grand Nord. Il portait également de grosses bottes : accrochées à de lourdes raquettes, elles lui permettaient de ne pas s'enfoncer dans la neige molle et collante tombée la nuit même.

          « Saloperie de neige, pestait-il dans sa barbe. »

          Sa pilosité faciale, épaisse et brune, avait l'avantage de protéger ses joues et le bas de son visage du froid – terrible dans cette partie de l'hémisphère Nord, la température descendant parfois jusqu'à cinquante degrés en dessous de zéro. Son abondante chevelure descendait jusqu'à ses épaules. La toison brune était étonnamment bien entretenue et coiffée, le trappeur respirait une propreté et une tenue irréprochable.

          « Saloperie de neige, répéta-t-il. Ça fait deux heures que je suis là ! »

          Cela faisait deux longues heures qu'il chassait et jusqu'à présent, les seules proies que l'homme avait trouvées, étaient de rares oiseaux qui s'envolaient trop vite pour que l'homme puisse les abattre. La neige, très collante, rendait sa marche pénible, et ses raquettes produisaient des bruits de succion qui affolaient le moindre être vivant des alentours.

          Soudain, le chasseur s'arrêta et plissa les yeux vers l'étendue glacée. Il lui avait semblé voir une ombre au loin.
D'une main, il prit son fusil tout en continuant à scruter l'horizon. Il attendit quelques instants que sa vue se précise avant d'apercevoir une minuscule tache sombre, à une centaine de mètres devant lui. Presque invisible à cause du contraste et de la luminosité en baisse, mais bien là.

          L'heure étant déjà avancée – le soleil n'allait pas tarder à se coucher –, le trappeur hésita à s'approcher. Il ne voulait pas se retrouver bloqué dans la neige, au milieu du blizzard qui commençait à souffler dès que l'astre du jour disparaissait à l'horizon ; il risquait d'y laisser la vie. De plus, il se trouvait déjà à une heure de marche de sa cabane ; il était plus que temps de rentrer.
Mais d'un autre côté, la tentation était trop forte. Cela faisait une semaine qu'il se nourrissait de viande séchée, ne pouvant sortir à cause de l'énorme tempête de neige qui avait fait rage pendant des jours, sans interruption et ne s'était qu'arrêter depuis le matin même. Le garde-manger allait bientôt être à sec, et il avait besoin de chair plus nourrissante. Il fallait qu'il trouve une proie, sous peine de ne plus rien avoir à se mettre sous la dent. Et cette proie – un jeune animal malade, jugea-t-il, du fait de son immobilité et de sa petite taille – était une aubaine pour son estomac criant famine, mais surtout une chance qui ne se représenterait peut-être pas avant des jours.

          Mettant en joue la proie, dans le cas où elle serait encore vivante et capable de s'enfuir, le trappeur se décida finalement à avancer calmement, essayant de produire le moins de bruit possible, faisant attention à ne pas s'emmêler les pieds. Il jubilait intérieurement d'avoir trouvé ce gibier facile et remercia en silence tous les dieux qu'il connaissait pour avoir placé l'animal sur son chemin. Il songeait à la chair savoureuse et au goût merveilleux de son futur repas, au son des os craquant afin d'en aspirer la moelle, à l'odeur de la viande cuisant sur un bon feu de bois... et il se régalait par avance.
En transe, il marchait de manière assurée, concentré sur son but, oubliant tout ce qui se déroulait autour de lui, allant même jusqu'à faire abstraction de la neige qui tombait sans discontinuer. Pas après pas, mètre après mètre, il s'approchait de sa cible déformée par l'épais rideau de flocons. La tourmente blanche diminuait la portée de sa vue, mais il ne s'était pas trompé : l'animal était allongé sur la neige, immobile.

          Il ne se trouvait plus qu'à une cinquantaine de mètres de l'objet de sa convoitise lorsqu'une poignée de bêtes noires, rendues floues par la vitesse surgirent, arrivant du côté opposé. Rapides et souples, elles se déplaçaient sans aucun bruit et à une vitesse redoutable, fonçant sur la proie. Elles semblaient agir en équipe, commandées par le plus gros individu de la bande.

          « Merde, des loups ! jura l'homme. »

          Face à ces redoutables adversaires, il pouvait dire adieu à toute possibilité de capturer sa cible. A la vue de leur corps efflanqué et de leur proximité avec l'homme – habituellement, les loups ne s'approchent pas des humains, les craignant – on devinait que ces prédateurs n'avaient pas mangé depuis longtemps. Ils en étaient d'autant plus féroces et prêts à tout pour obtenir une quelconque substance comestible – alors que dire d'une proie isolée et affaiblie ? C'était une véritable aubaine pour eux et ils ne laisseraient certainement pas laisser passer une occasion pareille.
Cependant, le trappeur, également affamé, n'allait pas lâcher l'affaire.
« De toute façon, pensa-t-il, si ce ne sont pas les loups qui m'auront, ce sera la faim. Quitte à mourir, autant périr en me battant plutôt qu'en attendant la mort au coin du feu ! »

         Mais pendant que le chasseur se donnait du courage, les loups avaient déjà formé un cercle autour de leur proie : ils se préparaient à attaquer.
Alors le trappeur n'hésita plus et se mit à courir en direction des prédateurs, hurlant, dans le but de les effrayer. Déroutés, les loups se figèrent un instant ; instant qui leur fut fatal. L'homme eut le temps d'abattre une bête, puis une deuxième qui n'eut pas le temps de réfléchir. Voyant que tous ses compagnons avaient été tués, le dernier s'enfuit, ne faisant pas le poids face à cette étrange bête qui avait abattu – trop – rapidement les deux autres.

          Jubilant, le trappeur retint un cri de joie et se précipita vers la forme étendue au sol. La tempête n'allait pas tarder à recommencer, il ne pouvait se permettre de traîner.

          Lorsqu'il put identifier l'espèce de l'animal allongé dans la neige, il se figea, surpris.

          « Une gosse... C'est qu'une gosse putain... murmura-t-il, ébahi. »


                                                                                         *

                                                                                *                *


                    Agenouillé devant le feu, le trappeur plaçait une bûche dans la cheminée de sa cabane. De la viande cuisait lentement au-dessus des flammes. Le jus gouttait dans un récipient posé sur les braises, tandis qu'une délicieuse odeur de gibier rôti se répandait dans la pièce. Une peau de loup séchait, suspendue dans un coin de la cabane. L'habitation était sommaire : composée d'une unique salle, elle faisait à la fois office de cuisine, de foyer et de chambre à coucher. De par sa taille, elle ne pouvait accueillir qu'une seule personne, deux en se serrant bien.
Par ailleurs, le seul lit était occupé par un enfant : une petite fille d'environ cinq ans, ensevelie sous plusieurs couches de couvertures et de fourrures remontées jusqu'au cou. Elle semblait se réchauffer après ces heures passées dans la neige, inconsciente, mais n'avait toujours pas ouvert les yeux. Elle dormait, paisiblement, épuisé par ces événements. Son visage était rond et ses joues pleines et roses – elle ne paraissait souffrir ni du froid ni de la faim. Son petit nez se plissait de temps en temps, et ses mouvements brusques trahissaient la présence d'un cauchemar.

          Devant l'âtre, le trappeur observait l'enfant du coin de l'œil, tout en vaquant aux occupations diverses qui composaient sa vie de chasseur : balayer sommairement le sol, repriser un pantalon menaçant de partir en loques, faire sécher ses vêtements trempés de la veille, astiquer son fusil... Il vérifia que la petite fille n'ait besoin de rien et se réchauffe. Lorsqu'il eut fini ses tâches, il s'assit sur un tabouret – de fait, un simple rondin –, face à l'enfant et guetta le moment où elle se réveillerait. Parfois, il se levait pour attiser le feu ou vérifier que la viande cuise bien.
Après plus d'une heure, l'enfant commença à s'agiter de manière significative – son subconscient émergeait d'un sommeil profond. L'homme se leva alors et s'éloigna du lit de quelques pas, afin de ne pas effrayer la petite fille. Cette dernière finit par ouvrir les yeux et regarda tout autour de lui. Elle aperçut l'homme et fit mine de se lever. Mais, encore trop faible, elle retomba sur sa couche ; le trappeur accourut et vérifia que l'enfant ne s'était pas fait mal.
La petite fille regarda l'homme et demanda d'une voix fluette et ensommeillée :

          « Qui êtes-vous ?
          — Je m'appelle Niall, répondit le trappeur. Et toi ? demanda-t-il après une brève pause.
          — Rebekah. Merci de m'avoir sauvée, monsieur. »

You've reached the end of published parts.

⏰ Last updated: Feb 23, 2016 ⏰

Add this story to your Library to get notified about new parts!

Parmi les LoupsWhere stories live. Discover now