Seconde lame (Leïla)

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Il caillait sur le quai de cette gare, n'empêche. T'as pas pu résister à fumer une cigarette alors que tu savais déjà que j'aimais pas ça. Tu faisais la même chose au ciné et je pestais. T'en crèveras, de la drogue et de tous ces bouts de paradis.

Alcool.

Tabac.

Beuh.

MD.

Tu feras une overdose de ces merdes, tu t'exploseras la gueule sur les pavés. Et ce jour-là, je serai plus là pour te ramener. Tu pourriras là, sans que personne ne soit au courant ou ne s'inquiète, surtout si y'a un after de prévu !

J'ai hésité à te prendre dans mes bras quand on s'est vus pour la première fois. Je voulais pas paraître déplacé ou un truc du genre, on venait de se rencontrer. Tu te serais dit : " Bizarre le mec ", et je comprends. Mais bon, je sais pas, dès que je t'ai vue, j'ai eu envie de te parler. Comme ça, par plaisir. Heureusement qu'on avait des potes en commun, on se serait jamais rencontrés sinon.

Le Bad.

J'aurais dû te serrer contre moi, après tout. Car là je sais pas quand je pourrais de nouveau. Et puis imagine : en te serrant fort, quelques gouttes de ton parfum tomberont peut-être sur mon caban décousu.

Du parfum ou du sang... J'ai vu que tu en avais qui te coulait un peu des bras. Ou des yeux, parfois.

Mais avec cette odeur, il y aura aussi ces relans de tabac froid, beurk. Je serais obligé de laver mon manteau au whisky !

Je regrette. J'avais une excuse de te prendre dans mes bras. J'aurais fait ça dans le but que tu cailles pas, tu vois. Malin le gars. Je trouve toujours des subterfuges pour pas qu'on me repère. Je suis sûr que tu y aurais vu que du feu. Je dis pas que t'es conne, hein, mais je sais que les filles, elles aiment bien toutes ces petites attentions. Alors y'a pas de raisons que ça te fasse pas plaisir ce genre de trucs. Tu me diras, on sait jamais, t'es pas comme les autres, comme celles que je connais. T''as pas mal de charme. Direct ça t'a fait marquer des points avec moi, ça c'est clair !

Tu me sidérais n'empêche avant le ciné. Il faisait un froid... un froid de canard en rut ! Et toi, toi, tu gelais pas. Tu tremblais pas, et pourtant j'avais jamais vu une jupe aussi courte. Putain elle était sexy, d'ailleurs.

Je te juge pas, tu fais ce que tu veux.

Je t'ai pas fait de remarques. Je te respecte un minimum mais je suis persuadé que si ton paquet de clopes était tombé, j'aurais su si tu portais un string ou une culotte en te regardant le ramasser. Je me marre, je fantasme et je bande rien que d'y penser.

Il fait toujours aussi froid aujourd'hui, c'est pour ça que je suis vite rentré dans le train, pas parce que ta présence me faisait chier, bien au contraire. Je voulais aussi m'empresser d'être derrière la vitre pour faire comme dans les films. Tu sais, quand le mec fait de la buée et qu'il dessine un coeur avec son doigt, c'est marrant. Enfin moi ça me rend joyeux, je sais pas toi. Sur le coup, je pense que j'aurais plutôt dessiné une bite. Bah ouais je veux pas tomber dans le cliché du mec romantique de mes deux. Je l'ai toujours été, et au final je me rends compte que ça sert à rien, les filles c'est pas ça qu'elles veulent. J'allais pas me trahir au dès le " au revoir "

On n'a pas encore commencé la partie, ce serait con que tu gagnes au premier tour.

T'aurais même pas ris en voyant ça. Car là, tu as définitivement arrêté de me regarder. Je m'acharne pour rien, en fait. T'es comme toutes les autres. Tu pompes ce qu'il y à pomper et une fois que tu as réussi, hop, tu passes au suivant.

Qu'est-ce qu'il fait froid.

C'est comme si je m'étais téléporté en Laponie. Y'a de la neige et du verglas partout. Viens avec moi. On ferait du patin à glace, ça pourrait être cool. Y'a pire comme au revoir. Imagine, on tomberait sur le cul une ou deux fois, on se marrerait, je relèverais. On ferait chier le père Noël aussi ! Bon, on est en décembre, il doit avoir plein de taf mais ça me ferait marrer d'aller toquer à sa maison avec toi. Comme un gosse.

Non, c'est trop tard. La porte est fermée et je pars loin, pas en Laponie, t'inquiètes. Mais quand même, c'est pas la porte à côté. Je serai à deux heures à peine de train, c'est pas la mort, si ?

Je remercie la SNCF pour le prix des billets. Les salauds. Quitte à se faire enculer, autant être bien assis.

Ça me saoule de te laisser seule, surtout que tu m'as dit qu'avec tes parents c'était pas la joie en ce moment. J'ai pas trop compris ce qui se passait, mais ils te laissent un peu tomber, non ? Dommage. Bon après t'as tes potes. Tu m'as pas dit que tu avais une sœurette aussi ?

Et puis maintenant tu m'as moi.

Tu t'es élevée seule ? On pourrait penser que grâce à ça tu connais la vie mais pas du tout. Tu passes ton temps à t'enfuir dans des paradis qui n'existent pas. Conclusion : tu te bats chaque jour contre toi-même, c'est ça le problème.

Tu as pas fait la connerie de me filer un faux numéro pour que je te rappelle pas, hein ? Je te fais confiance, t'aurais pas fait ça. D'une, c'est pas sympa et de deux, je pense que toi aussi tu veux me reparler, vrai ? Enfin j'espère.

Si jamais t'as vraiment un coup de blues, je peux te recueillir, moi. Par contre, je sais pas si mes parents seront ok pour que tu dormes avec moi. C'est un peu tôt, mais dans la chambre d'amis ça peut se tenter, enfin je pense, enfin je sais pas. Je demanderai.

J'ai envie de t'apprendre des trucs. Je dis pas que je vais t'apprendre la vie. Mais tu vois, t'y connais rien en amour, et moi non plus. On révise tous les deux ? On pourrait être mutuellement des bons profs, non ? A voir.

T'en penses quoi ?

T'as vraiment pas l'air de savoir ce que c'est, vu ce que j'ai pu deviner. T'as pas que le look d'une baroudeuse : t'en es une ! Une vraie, et ça c'est cool, vraiment. T'es froide, mais c'est sans doute parce qu'on se connaît pas beaucoup. Je sais pas, à vrai dire. T'es peut-être comme ça aussi avec les autres gars et les autres filles.

Je dis pas que t'es pas sympa hein, non, c'est juste que... je sais pas, ça pourrait pas te faire mal de sourire un peu. Bah ouais... En plus, c'est pas comme pas si t'étais pas jolie, t'es franchement mignonne, et j'en ai vu des filles avant toi pour dire ça ! Et surtout je le dis pas à tout le monde ! Mais je sais pas, t'es restée glaciale quand je t'ai dit au revoir. Peut-être parce qu'on avait froid ? Ouais... je sais... ma vanne était nulle... mais j'aime bien me marrer avec les mots, moi.

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JuneWhere stories live. Discover now