Le Reflet d'une Nuit de Lune

 La lame de mon épée fendit l'air en arc de cercle. Un léger sourire apparut brièvement sur mes lèvres, alors que mon adversaire se redressa rapidement après avoir esquivé mon attaque.

Il devenait bien meilleur grâce aux entraînements et ce n'était pas pour me déplaire. Après tout, qui n'aimait pas un bon guerrier viking ? Mais surtout, qui n'aimait pas combattre contre un tel guerrier ?

Je positionnai mon large bouclier en avant, prête à recevoir son prochain coup.

Ses yeux bleus, qui trahissaient souvent son innocence, me scrutèrent avec intensité dans la nuit. Il resta attentif à mes moindres faits et gestes.

Il abattit sa hache dans ma direction et je plaçai aussitôt mon bouclier entre sa lame en fer et moi.

Malgré mes conseils, il continuait à s'obstiner sur son choix d'arme. Pour moi, ce n'était tout au plus qu'un outil. L'épée était bien plus utile en matière de combat, bien plus mortelle, et ce pour de multiples raisons. Seul Thor pouvait se vanter de posséder une bien meilleure arme qu'une épée. Mjöllnir était sans égal. Cependant, le viking qui me faisait face avait décidé que la hache lui convenait bien mieux, et ce pour de multiples raisons.

Une fois le coup reçu, je plaça d'un geste brusque mon bouclier près de mon flan gauche, puis précipita mon épée sur mon adversaire. Il fit un bon en arrière et évita ma lame de justesse, avant de contrer ma seconde attaque.

Le tintement du fer de sa hache contre la lame de mon épée retentit avec force aux alentours, mais seule la nuit fût attentive à notre combat. Les habitants de Kattegat dormaient déjà à point fermé et nous ne croisâmes que quelques vikings fortement alcoolisés auxquels nous ne prêtâmes aucune attention.

J'assena un coup de pieds à la rotule gauche de mon opposant, puis leva ma lame en diagonale afin lui faire lâcher son outil. La hache atterrit quelques mètres plus loin, dans le sable de la plage qui reflétait la beauté de la pleine lune. Je plaça mon épée entre nous, tandis qu'il fit quelques pas en direction de son arme sans ne jamais me tourner le dos.

— Ne t'avais pas prévenu quant à ce choix ?

Il recula un peu avec un sourire en coin. Ses yeux bleus ne me quittèrent pas un seul instant, alors qu'il se baissa légèrement afin de récupérer son arme.

Je feignis un pas brusque dans sa direction et il se redressa d'un bon en titubant en arrière, tandis que sa main se referma sur le manche en bois de sa hache. Sa courte natte brune s'agita à son geste et un sourire se dessina sur ses lèvres parfaites. Il n'était pas un viking à la manière dont nous l'étions. Il n'était pas né avec le même sang guerrier qui coulait dans les veines de mon peuple, mais sa façon de l'être m'enchantait un peu plus chaque jour. Son esprit, ses actions et son plaisir de faire partager tout autant que d'apprendre, faisaient de lui un être unique à mes yeux. Alors que de nombreux vikings ne s'accordaient toujours pas avec lui, j'étais, quant à moi, prête à tuer pour ne serait-ce qu'un seul sourire d'Athelstan.

Il serra fermement sa hache, avant de la lever et de l'abattre sur moi. Une nouvelle fois, j'interposa mon large bouclier entre son attaque et moi, puis le ramenait brusquement sur mon flan gauche. Je fendis l'air de mon épée en direction du minuscule viking qui contra mon coup. Il repoussa la lame de mon épée, avant d'attaquer à son tour.

Je reculai d'un pas, bloquai le fer de sa hache et le repoussai. Il assena ensuite coup sur coup jusqu'à même parvenir à transpercer mon bouclier fétiche. Je baissa les yeux et contempla un instant la fissure que sa hache avait creusé dans le bois, avant de reporter mon attention sur Athelstan.
Ce dernier souriait joyeusement, tandis que je plissai les yeux, mécontente.

Je détacha mon bras des lanières de mon bouclier, puis m'en sépara en l'envoyant non loin. Le viking qui me faisait face suivit du regard le bouclier qui atterrit lourdement dans le sable. Les vagues de l'eau effleurèrent le bois usé qui m'accompagnait dans chaque bataille, alors que la lune se reflétait sur le métal arrondis du centre.

Athelstan reporta son attention sur moi et un air sérieux s'afficha soudainement sur son merveilleux visage.

— Skjaldmö en colère. Je peux y faire face.

Je lui accordai un regard narquois, prêtre à remettre en doute ses paroles et à passer aux choses sérieuses, alors qu'il serra de ses deux mains son outil inutile. La seule chose qui était plus dangereuse qu'une guerrière, c'était une skjaldmö énervée. Après tout, nous n'étions pas assimilées aux Valkyries pour rien. Les Skjaldmös ont toujours su manier leurs épées tout aussi bien que leurs boucliers.

J'attaqua sans crier gare et usa de toute ma force dans mon attaque. À présent que mon bouclier était écarté, je pouvais m'en donner à cœur joie. Il contra mon attaque, puis la seconde et ensuite la troisième. Il recula d'un pas après la quatrième et resserra sa prise sur sa minuscule hache. Plus aucun sourire n'embellissait sont doux visage, mais une lueur bestiale brûlait dans ses yeux.

Il abattit sa hache dans ma direction, mais je fis un bond sur le côté, ce qui me plaça sur son flan droit, avant de le déséquilibrer. Ma jambe gauche passa sous ses pieds, tandis qu'il tomba à la renverse. Il ne lâcha toutefois pas sa hache pour autant. Je me redressa avec rapidité, puis me précipita sur mon adversaire avant qu'il n'eut le temps de se relever. Mes genoux s'enfoncèrent dans le sable de la plage, alors que la lame de mon épée et le fer de sa hache s'entrechoquèrent.

Athelstan utilisa toute sa force pour repousser nos deux lames, mais elles continuèrent lentement de se rapprocher de son cou, puisque pour ma part, j'utilisais tout autant la totalité de mon poids que ma force.

Il dévia soudainement nos deux armes sur le côté, ce qui me surprit. Il lâcha sa hache, puis plaça ses mains sur mes hanches, avant de me faire basculer sur le côté.

Deux infimes secondes suffirent pour qu'il échange nos places et il me plaqua aussitôt les poignets au sol afin d'asseoir cette prise de pouvoir.

Il afficha un large sourire et je me figea un instant pour contempler son visage qui était baigné dans les rayons de la lune.

— Je n'aurais jamais dû t'apprendre ce mouvement.

Son sourire s'élargit un peu plus à ma déclaration, ce qui me fit sourire à mon tour. La joie qui transparaissait dans ses yeux fit accélérer les battements de mon cœur.

— Le but d'un entraînement n'est-il pas de mettre en pratique ce que l'on a appris ?

Un nouveau sourire me gagna, alors qu'il prononça ces mots, et mon cœur fit un bond dans ma poitrine. Athelstan se pencha ensuite plus près, puis m'embrassa. Le goût de ses lèvres m'embrasa toute entière et je plaça ma main derrière sa nuque avant de lui rendre son baiser. Sa main glissa le long de mes côtes avant de s'emparer de ma hanche avec délicatesse. Son odeur de musc m'enivra et je plongea toute entière dans cet océan de plaisir.

Plus mon cœur enflait, plus ma respiration se saccadait. Si tout s'était soudainement figé, le temps aurait gardé cet instant merveilleux pour l'éternité. Le monde aurait bien pu s'écrouler, les astres tomber et l'océan nous avaler. Plus rien ne compta, excepté nous. Son cœur battait à l'unisson avec le mien, la mer dansait au rythme du vent et la lune illuminait la nuit. Plus rien n'eut d'importance, excepté cet instant. Cette sensation était tellement puissante que s'en était presque douloureux. Le son des vaguelettes qui dansaient au bord de la plage berçait mes oreilles, alors que la lune surplombait ce spectacle.

Je me perdis au sein d'un tourbillon de délice et me laissa porter par cette sensation brûlante qu'il déclenchait en moi. L'amour pouvait être tout aussi dévastateur que florissant. À la fois doux et puissant. Si tumultueux et pourtant tellement apaisant. Il était désormais impossible pour moi d'imaginer un monde où il ne serait pas là. Il était devenu une partie de moi dont je ne voulais jamais plus me détacher.

Freyja, dans sa grande bonté, avait béni nos vies.