I. L'écho de la peur

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J'ai froid.

La porte automatique qui s'ouvre et se ferme m'angoisse à force de laisser passer ce courant d'air glacé. La chaise qui grince sous mon poids m'agace, j'ai envie de l'exploser  contre le mur, de la voir se fragmenter, se désagréger. Ils ont tous le regard vide, l'âme éteinte. Ils sont hantés par la confusion.
Le bip incessant du monitoring dans la petite pièce à ma gauche me donne envie de m'exploser la tête contre le sol. La course effrénée des médecins me donne l'impression de voir le temps s'accélérer autour de moi. J'ai une sorte de terreur glaçante en moi, quelque chose qui me congèle le corps et le coeur. J'attends, sans un mot que quelqu'un vienne à mon aide, qu'on me sorte de ce semblant d'enfer.
Elle arrive sans dire un mot et parcours la salle d'un regard neutre en disant mon nom.

- Mademoiselle  Lope Dorothée ?

- Oui.

Je me lève avec une sensation de malaise, comme si tout autour de moi tremblait et tournait sans vouloir s'arrêter. Je cherche mon père du regard, il est juste à côté de moi. Il veux paraître sûr de lui mais son regard trahit cette peur, cette angoisse de l'inconnu.

J'avance vers cette infirmière, très jolie, avec un visage doux et rassurant,  elle me conduit dans l'atroce pièce où le monitoring crache son son strident et angoissant. Elle me fait assoir sur une chaise dure comme la pierre et commence à me brancher à tout un tas de fils. J'entends les battement de mon coeur mort de peur. C'est angoissant cette sensation de ne plus rien contrôler. D'être enfermée dans une bulle de verre où vos cri de désespoir s'éclatent sur les parois sans parvenir à l'aide que vous désirez le plus au monde à cet instant.

Je suis perdue, comme une enfant égarée à la recherche d'une lueur qui pourrait m'indiquer le chemin. A ce moment là et pour la première fois de ma vie j'ai envie d'implorer Dieu. Intérieurement j'hurle son nom, je lui demande d'arrêter cette folie, de sortir cette peur dans laquelle je me noie, de faire de tout ça une mauvaise blague, je le supplie de m'aider.

Il n'a rien fait.

La belle infirmière reviens vers moi avec une étrange machine entre ses mains. C'est tout petit, insignifiant et c'est pourtant l'annonceur de ma sentence, le messie de ce démon.

Elle me pique le doigt, avec un mouvement de recul je regarde mon annulaire. Une petite perle rouge apparait en son bout. Je suis éblouie par mon propre sang, c'est grisant.
Elle approche sa petite machine de la perle de sang et l'a dépose sur une petite bandelette qui dépasse de ce qu'elle appelle un lecteur de glycémie, autant dire que je ne comprends rien, j'ai l'amer sensation d'être dans un mauvais film de science fiction. Le lecteur affiche un nombre que je ne comprends pas et elle jette un regard grave à mes parents avant de lancer :

- Il n'y a plus de doute à avoir je pense.

Je vois un éclair passer sur le visage de mes parents, une profonde douleur qui s'abat sur eux, une profonde démesure de la souffrance.

On m'installe sur un brancard et je part dans un couloir, vide, immense. Il y fait une chaleur étouffante comparé à la salle d'attente angoissante. Une nouvelle infirmière, avec le visage beaucoup plus fermé arrive et m'agrippe le bras. Sans aucune hésitation ou once de compassion elle plante une aiguille et prélève mon sang, ensuite elle retire sa sale pique métallique et elle m'insère un petit tube de plastique à l'intérieur de la veine. C'est magnifique et à la fois laid. Je vois mes veines qui se dessinent au pli de mon coude. Elle me branche une poche d'un liquide clair sans m'en dire la réelle signification et elle part. Elle me laisse au milieu de ce couloir avec mon père muet qui me tient la main et moi branché, soumise à mon nouvel avenir.


C'est à cet instant que ce terrible écho résonne en moi, il remonte au niveau de ma gorge, je le sent me serrer tellement fort le coeur. Il explose dans mon crâne, il me fait mal et de grosses larmes jaillissent de mes yeux. J'étouffe un nouveau sanglot et j'écoute cet écho en moi.

L'écho de la peur.



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