Acouphènes

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On entendait seulement le bruit des feuilles de papier que l'on tourne, le grattement du stylo et un léger tapotement. Cela faisait presque une minute que Simon pianotait contre son pantalon tout en fixant d'un regard vide la plaque qui indiquait :

Valerian BOUCHER
Responsable des Ressources Humaines

De l'autre côté du bureau, Valerian se retenait de sourire. Il était persuadé que le jeune informaticien assis en face de lui se retenait de taper carrément du pied. Et cela lui plaisait.

— Vous voulez une tasse de café, en attendant ? questionna-t-il sans lever les yeux des documents qu'il terminait de compulser.

Simon se redressa, faisant craquer le cuir noir de son siège et prit une grande inspiration.

— Je... J'ai arrêté le café, merci. Mais je vois que vous avez une bouilloire... Si vous avez du thé, je ne dis pas non, se risqua le jeune homme avec un petit sourire.

Valerian observa son collaborateur en fronçant les sourcils et suivit son regard vers la bouilloire.

— Oui, bien sûr, finit-il par répondre.

Il se leva. Le bruit de ses pas sur la moquette bleue se mêla au frottement de ses vêtements alors qu'il se dirigeait vers le meuble où se tenait la bouilloire. Il la saisit et sentit sous ses doigts la poussière qui s'y était accumulée : Valerian ne buvait jamais de thé.

Il sortit de la pièce, laissant l'informaticien seul. Il referma la porte et plissa les paupières. Ses yeux n'étaient pas habitués à la lumière froide de la baie vitrée. Il s'avança dans le couloir et le claquement de ses pas sur le carrelage ricocha contre les portes closes qui se noyaient dans le contre-jour aveuglant.

Une note aiguë fulgura soudain sous son crâne. Il se figea, grimaçant. Instinctivement, il leva ses mains vers ses oreilles, manquant de lâcher la bouilloire. Mais la douleur avait cessé. Le crissement s'était tu aussi vite qu'il était apparu. Valerian secoua la tête, prit une inspiration et entra dans les toilettes en maudissant Simon.

***

Le robinet d'eau froide grinça légèrement lorsque Valerian l'ouvrit. Il y eu un crachotement puis un mince filet de liquide coula du bec. L'homme fit la moue et, résigné, croisa les bras. La bouilloire se remplit en clapotant pendant qu'il observait son reflet dans le miroir.

Quelle idée de boire du thé. Personne ne lui en avait jamais demandé. D'ailleurs, la plupart déclinait même la tasse de café. Plus il y pensait, plus Valerian trouvait qu'il y avait quelque chose de déplaisant chez Simon. Mais il n'arrivait à mettre le doigt dessus. Peut-être était-ce sa manière de parler ? Son regard ? Ou peut-être son sourire ? Oui, c'était ça. Son sourire le mettait mal à l'aise.

Quelque chose tomba soudain sur le lavabo. Valerian se pencha. C'était une fourmi. L'insecte découvrait les lieux avec curiosité, tâtant chaque recoin de ses antennes. L'homme sourit, il aimait bien les fourmis. Petit, il s'amusait souvent à les martyriser. C'était si simple avec les fourmis. Pas besoin de leur demander leur la permission de jouer, ni de leur plaire. Lui seul décidait.

Il coupa l'eau sans quitter l'insecte des yeux. Deux dernières gouttes d'eau tombèrent dans la bouilloire pleine alors que son doigt écrasait la fourmi. Oui, cela faisait toujours autant de bien de décider du sort d'une fourmi.

***

De retour dans son bureau, Valerian posa la bouilloire sur son socle et reprit sa place en face de Simon.

— Commençons notre entretien pendant que l'eau chauffe, je vous prie. Je finirai de traiter ces documents plus tard.

Il saisit le dossier du jeune homme, puis continua :

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⏰ Last updated: Jul 23, 2017 ⏰

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