Chapitre 6

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« Nous n'avions mis que quelques minutes à raser le village. Nous n'avions épargné personne, ni les hommes, ni les femmes. D'ailleurs dans ce genre de travail, on ne faisait pas de distinction, ce sont tous des ennemis qui peuvent, s'ils survivent, se venger. Mais ce jour là je ne respectais pas la règle, je vis très bien cette femme sortir du camp, elle passa même juste à côté de moi, mais elle était enceinte, je ne pouvais me résoudre à abattre de sang froid cellequi portait la vie, cela m'aurait poursuivi toute ma vie. Evidement je n'en dis rien aux autres, à quoi bon ? Fury m'aurait encore crié dessus et Creed aurait éclaté de rire en me traitant de mauviette. Et puis que pouvait bien faire cette femme seule et prête à accoucher ? Je revois encore son ventre bien rond qui n'était même pas recouvert, le t-shirt qu'elle portait étant à moitié déchiré. Une peau bien lisse et tendue par la vie qu'elle portait. Je la laissais donc filer et disparaître dans la jungle en espérant que son futur enfant pourrait grandir en dehors de toutes ces horreurs.

Les autres finirent leur besogne, et me rejoignirent. Creed fut heureux de me donner deux cents dollars de prime pour disait-il un super carton qui avait abattu deux hommes avec la même balle en pleine tête. Je ne me souvenais même plus de ce tir, mais je pouvais faire confiance à mon instinct, dans ces moments-là, les influx nerveux ne passent plus par les encéphales m'avaient expliqué un Doc, mais restent dans le cerveau reptilien et on arrive au final à ne plus se servir que du système nerveux qui conditionne les réflexes. Ça devait être ça, je ne mettais pas en doute les dires du Doc ni ceux deCreed et ce n'était pas la première fois que je tiraisd'instinct. Creed, c'est lui qui m'avait appris ce style de tiravec Logan, il disait que c'est l'instinct de survie qui permet àun homme de survivre dans n'importe quelle situation, et qu'il nefallait jamais le brider, mais le laisser s'exprimer pleinement. Dece point de vue, c'était sûr qu'il avait le meilleur instinctde survie, Logan lui avait dit qu'il fallait tout de même êtrecapable de le contrôler, et que c'était ce contrôle quipermettait de différencier l'homme de l'animal. Un animal prisdans un piège se dévorera la patte pour s'en échapper, un humaindoué de raison attendra la meilleure occasion pour s'échapper etsera capable de résister à la douleur. J'appréciais plus Loganque Creed, et je savais en me souvenant de ses paroles que j'avaisbien agi tout à l'heure en laissant la femme filer. J'avaiscontrôlé mon instinct, je n'avais pas tiré. Une main ébouriffantmes cheveux me fit revenir à la réalité, mes compagnons étaientdéjà en marche, je remerciais Baltroc d'un sourire. Et nous lessuivîmes. Baltroc était français, il était un peu la maman pouledu groupe, toujours le mot pour rire en dehors des missions, carpendant les missions c'est lui qui, lorsqu'on en avait besoin,utilisait le « Dragon », et il ne rigolait plus, son visage sefermait et ne restait plus qu'une machine de mort implacable.J'avais du mal à comprendre comment un homme si gentil auquotidien, pouvait devenir aussi dur en combat. Une fois je lui avaisposé la question, il avait tourné la tête et m'avait répondu «je suis gémeau... », S'il m'avait répondu "je suisschizophrène" j'aurais mieux compris. Mais il était ainsi,très peu bavard sur lui-même, très fermé dès qu'on cherchait àsavoir d'où il venait exactement et ce qu'il avait faitauparavant. Cela ne nous regardait pas et il nous le faisaitcomprendre gentiment.

Nous rattrapâmesles autres, et il se mit à entonner d'une voix bien grave, unechanson militaire de chez lui. »


Kaori avait laisséRyo se mettre à une table avec vue sur la rue, elle savait qu'ilvoulait encore profiter de la soirée pour regarder passer les jeuneset surtout jolies filles. Elle s'installa confortablement sur letabouret qui lui semblait être le sien, tellement elle s'y sentaitbien. Sans même attendre sa commande, Falcon lui apporta un cafécomme elle les aimait, et il lui ajouta une petite part de tarte auxcerises. « Merci », lui repondit-elle, et elle se mittranquillement à boire son café et manger sa pâtisserie tout enécoutant à la radio le dernier tube d'une « idol »quelconque se trémoussant sur un air latino. Elle trouvait que cellequi chantait ne valait pas Ay ou Hiki, mais elle se laissa entrainerpar l'air venu d'Amérique du sud, et trouva à son café unpetit goût particulièrement exotique.

Elle se rappelaitses envie de petite fille comme auparavant, chanter sur des chansonsd' « idol », et vouloir en devenir une.Maintenant elle regardait ce qu'elle était devenue et se disaitencore une fois que son rêve de petite fille était vraiment trèsloin, ou alors elle aurait pu devenir actrice de film d'action.Cette pensée la fit sourire, elle se voyait bien dans un film deguerre, avec pour partenaire Jet Li ou Chow Youn Fat ou encore cetacteur international Marc Dacascos, elle habillée en grande robe debal, cachant dans son porte-jartelles des armes de poing et despoignards...

« Le bal bat sonplein, l'orchestre joue une valse et le réalisateur demande àKaori de faire son entrée. La caméra fait un travelling traversantla foule des danseurs et arrive en bas de l'escalier géant d'oùdoit descendre mademoiselle Hisaishi. Elle avait répété son rôledans les moindres détails avec sa répétiteuse, une pauvre fille dunom de Nogami, une petite campagnarde qui espérait un jour pouvoirne serait ce qu'une fois lui donner la réplique à elle la plusbelle et la plus séduisante actrice du Japon, Kaori Hisaishi. Elleétait passait prendre sa robe, une sublime création des studiosDior, un fourreau de moire écarlate fendu jusqu'en haut descuisses et laissant ses épaules nues ainsi que son dos, leschaussures à talon n'étaient pas son fort mais elle lui donnait,disait le producteur, une cambrure à faire damner un saint. Elle lesavait, mais préférait quand même les chaussures plus stables, carpour les scènes de poursuite ou de combat, il était préférable dene pas porter de talons. Sa maquilleuse lui avait fais commed'habitude de prodigieuses remarques sur le teint de sa peau et labeauté de ses yeux. Bref elle était sublime comme à son habitude.

Elle attendaittranquillement derrière le technicien « clap » l'ordre qu'ellepréférait, « attention silence, ON TOURNE ! ».

La scène est sommetoute très classique, elle doit descendre l'escalier et vers lemilieu de celui-ci l'un des méchants de l'histoire lui tiredessus. Un mécanisme caché dans une des marches la propulse alorsau-dessus de la foule des danseurs, et elle atterrit juste à côtéde son adversaire. Frappe de pied au niveau du ventre, esquive del'ennemi, frappe de poing au visage, l'adversaire tombe à terreet se relève avec un poignard, elle en sort un de sous sa robe, grosplan de ce mouvement, les fans adorent, puis chorégraphie de combatqui doit durer environ trois minutes. Toutes ces cascades et combatne lui font pas peur, elle a un ami qui est chef d'une équipe decascadeurs, et lui a appris les ficelles du métier, quant au combatelle est sortie plusieurs fois championne de son lycée entae-kwon-do, karaté et ju-jitsu. Bref encore une fois la routinepour elle. Elle commença à descendre les marches, et enchaina toutce que le script prévoyait jusqu'au fameux C'EST BON COUPEZ !

Kaori ma chérie tuas été merveilleuse ... ».


... mais ton caféva être tout froid.... Pourquoi le réalisateur parlait tout d'uncoup avec la voix de falcon ? Elle releva la tête et s'aperçutque tout ceci n'avait été qu'un beau rêve, elle regardal'heure décida qu'il était temps de rentrer. Elle avala soncafé froid sous les yeux de Umi, et alla vers Ryô pour lui direqu'il fallait qu'ils rentrent. Il parut l'écouter sansl'entendre et agacé par son retour à la réalité, Kaori leplanta là et repartit chez eux.

El Sendero LuminosoOù les histoires vivent. Découvrez maintenant