Pour Nolan, les autres étaient un concept étrange, incompréhensible et parfois idiot. Ces autres ne pensaient qu'à eux, se servant de leurs amis pour atteindre une certaine popularité ou pour se sentir exister. Ils se rangeaient dans des cases pour entrer dans les modalités de la manière d'être au lycée.
Nolan croyait, qu'au fond, il n'était pas si différent des autres, il restait plongé dans ses livres, il aimait bien s'isoler. Le faisait-il pour se donner un style ? Ou c'était vraiment ce qu'il voulait ? Était -ce simplement pour se protéger de ces autres, du mal qu'ils pourraient lui faire ? Toutes ces questions lui faisaient voir le monde sous un jour égocentrique et basé sur soi. Nolan savait bien qu'il ne pensait qu'à lui, qu'il essayait de ne pas le faire, mais pourtant rien que d'y penser faisait de lui ce qu'il détestait soi-disant chez les autres. Dure réalité. Alors, chaque jour, il faisait en sorte de ne pas penser qu'à lui et préférait s'oublier dans les livres, où ces héros étaient tous si gentils, si vaillants, si parfaits que l'illusion ne durait pas.
Évidement, Nolan était un adolescent comme les autres et s'intéressait principalement aux filles. Encore une autre constatation : s'il s'intéressait aux filles, c'était purement à cause de ses hormones, donc, une fois de plus, tout ce qui le touchait était purement égoïste vu que ses hormones parlaient d'elles-mêmes. Il aurait voulu s'intéresser à une fille pour ce qu'elle était et pas pour ce qu'elle pourrait lui apporter socialement ou personnellement.Ce fut pour ça que lorsque cette jolie fille nommée Lucie l'interpella, Nolan se promit qu'il ferait tout pour la connaître elle, ses envies, ses centres d'intérêt, et qu'il ne sortirait avec elle que s'il était amoureux et s'il était sûr de l'aimer pour ce qu'elle était elle.
Lorsqu'il fut de retour chez lui, Nolan ne put s'empêcher de se repasser leur conversation, pour être sûr d'avoir eu raison de lui donner son numéro.Lucie l'avait interpelé alors qu'il sortait de son cours de littérature, le nez perché au dessus du livre les Métamorphoses d'Ovide. Il avait posé ses yeux encore luisants de fatigue sur cette fille à la beauté classique. Elle avait baissé ses yeux sur leurs deux paires de chaussures, rouge de gêne. Elle avait ensuite relevé sa tête et l' avait fixé droit dans le blanc de l'oeil, avant de lui dire d'une voix légèrement trop aiguë :
–Salut... Ça va ?
Nolan ne comprenait pas vraiment ce qui la poussait à venir lui parler.
–Oui et toi?
–Oui, enfaite je suis venue te parler parce que je te vois chaque jours dans les couloirs et puis...tu m'intéresse...
Elle avait fortement rougis avant de s'excuser, parlant d'une voix rapide et plus grave que précédemment :
–Excuse-moi... C'était tellement gamin, je sais pas vraiment comment m'adresser à toi...
–Ne t'inquiète pas, Nolan lui avait souris gentiment, j'ai très bien compris et c'est l'important après tout non ?
Elle avait acquiescé, visiblement heureuse.
–Tu sors de quel cours ?...
Et ils avaient continué ainsi pendant plusieurs minutes, jusqu'à ce qu'il se souvienne que ses devoirs l'attendaient, confortablement installés sur son bureau.Nolan voulait connaître Lucie, ses goûts, ses centres d'intérêts, ses envies, tous. Il avait envie de la voir, de lui parler.
Arriva un jour où Nolan proposa à Lucie d'avoir rendez-vous à la bibliothèque de la ville, son lieu préféré. Lorsqu'il la vit arriver de loin, il comprit qu'elle n'aurait jamais dû venir. Son regard hésitant passait sans cesse d'un visage à l'autre, ses jambes la portait mais elle semblait presque forcée, ses pieds la menant contre son gré à la table du jeune homme. Elle s'assit, visiblement mal à l'aise. La peur d'être vu dans ce lieu et la honte qu'elle ressentirait lui rosissaient les joues. Il se rendit compte que la jeune fille n'était pas comme il l'attendait, elle se souciait du regard des autres, de ce qu'ils pourraient dire sur sa venue à la bibliothèque. Nolan soupira, il espérait pouvoir lui trouver une excuse, sachant pertinemment qu'elle avait perdu une partie de son charme. Fatigué, depuis qu'il ne dormait plus la nuit, il cachait de son mieux ses cernes violettes. Il lui demanda pour la simple forme et pour commencer une discussion : –En ce moment, je lis un roman de Victor Hugo, tu connais ?
Lucie hocha distraitement la tête, Nolan voyait bien que cet auteur ne disait rien à Lucie, mais ne voulant pas la ridiculiser et sachant qu'elle faisait tout ça pour lui plaire.
Nolan, jouant le dupé, commença alors à parler : –ça s'appelle Les Misérables, l'histoire est poignante. J'ai été ému surtout à la mort de l'évêque. Et toi qu'en penses-tu?
Lucie tourna la tête de gauche à droite, cherchant probablement une aide quelconque mais se ravisa et dit, tremblant légèrement : –Tu sais, ça fait longtemps que je l'ai lu donc je ne m'en souviens plus vraiment...
Elle ria nerveusement en passant une de ses mèches de cheveux derrière l'oreille. Nolan fut sincèrement déçu. Elle ne s'y intéressait même pas, attendant que Nolan poursuive la conversation. Il avait l'impression qu'elle ne s'intéressait pas à ce qu'il aimait. Il secoua la tête, là encore il ne pensait qu'à lui. Peut-être que Lucie n'aimait simplement pas Victor Hugo. Peut-être qu'il n'avait pensé qu'à ce qu'il aimait lui, pas à ce qu'elle aimait elle. Alors il fit un grand sourire et lui demanda :
–Et toi ? Qu'est-ce que tu aimes faire en ce moment ? Tu lis quelque chose? Tu t'intéresse à quoi ?
Lucie ne sut pas quoi répondre. Elle resta interdite, le visage virant au cramoisi.Les yeux de Nolan la fixait, attendant de découvrir qui se cachait derrière ce visage d'ange, quelle personnalité caractérisait cette fille.
Lucie ne dit rien. Elle resta, les yeux dans le vide, silencieuse. Nolan attendit encore quelques secondes. Puis il regarda attentivement cette fille. Elle avait un beau visage, de jolies formes, mais elle était comment à l'intérieur ? Quelles étaient ses passions ? Elle n'en avait pas parlé. Elle passait son temps sur les réseaux sociaux, commérant sur d'autres filles. Elle était vide, creuse aux yeux de Nolan. Alors il comprit. Son beau visage d'adolescent presque adulte avait attiré la jeune fille, ce qu'aurait apporté l'âge de Nolan comme renommée à Lucie l'avait obsédée tel une lumière pour les papillons nocturnes. Il comprit également que Lucie ne l'aimait pas, en réalité, elle aimait l'enveloppe corporelle de Nolan, son âge, son statut, son visage mais pas la personne qu'était Nolan.
Ils n'avaient rien en commun, et cette constatation fut comme une claque pour les deux jeunes gens.
Nolan essaya désespérément de penser au couple qu'ils auraient formé, la réaction de ses amis face à cette bombe, mais cette fois, Lucie importait à Nolan uniquement aux yeux des autres. Lorsqu'ils aurait dû parler, que se seraient-ils raconté ? De quoi auraient-ils pu parler sans épuiser rapidement les sujets ? De rien. Ils n'auraient pas parler.
Nolan, déçu non pas par le fait d'avoir perdu une aussi jolie fille, mais par la superficialité qui était omniprésente chez cette belle brune, avait accepté cette dure réalité. Il se leva, et s'en alla sans un mot pour la jeune fille perdue.Ils n' auraient rien eu à se dire.
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Foutue MORALE
Short StoryOn avait tous peur d'être trop normal, trop moyen, enfaite, on avait peur de ne servir à rien. Et puis y a cette sadique de destiné qui avait décidé qu'on s'prendrait des claques dans la gueule à l'adolescence. À partir de là, ça a été le bordel.