Nerfs à vif

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*Freshdazzle*

Avancer, encore et encore. Garder les yeux rivés sur le marquage au sol, cette foutue ligne blanche en pointillés, ignorer les grains de sable, possiblement assez gros pour me crever un œil si le vent les lançait avec le bon angle. Cette route devait être la bonne, absolument. Les deux autres qui m'avaient été assignées revenaient au point de départ ; celle-ci avait plutôt intérêt à mener quelque part. C'était la dernière, de toute façon... sinon, je n'aurais plus qu'à revenir, à 18 heures, la queue entre les jambes, pour annoncer que les routes de mon quartier ne menaient nulle part. Et, par pure fierté personnelle, je détestais cette idée.

Pas après pas, obstinément, je combattis la tempête tourbillonnante. Je ne voulais pas m'abaisser à prier pour que cette route soit la bonne... mais presque, quand même.

Aussi poussai-je un hurlement de frustration lorsque le vent tomba, me dévoilant la même foutue ville, encore une fois. Avisant une pauvre canette qui traînait par là, je l'envoyai valdinguer contre un mur d'un grand coup de pied. Avant d'aller la récupérer et la balancer par terre. Et puis re-shooter dedans, avec l'impression d'évacuer toute la tension des derniers jours.

Quoique, ce qui me ferait vraiment décompresser, ce serait de jouer au foot avec la tête de ces dingues de scientifiques à la c*n.

Rien que d'y penser, je ne pus retenir un petit ricanement sec. La violence, c'est mal, mais qu'est-ce que ça ferait du bien par moments...

Me désintéressant de mon jouet tout cabossé, je regardai ma montre. Encore une bonne heure à tuer avant le rendez-vous à la place... mine de rien, ça bouffait un temps fou d'explorer ces routes qui ne menaient nulle part. Un sentiment d'inquiétude monta en moi, d'un coup ; tant de temps que ça ? Pas possible. Même si avec les tempêtes, on perdait toute conscience de l'espace et du temps qui passait, j'aurais juré n'avoir pas marché plus de dix minutes sur chaque route ; et je n'avais certainement pas non plus pris des heures à aller de l'une à l'autre. De fait, j'étais vraiment allée aussi vite que possible.

Ne restait plus qu'une solution, qui tomba comme un couperet. Distorsion de l'espace-temps ou connerie du genre, qu'en sais-je ; mais le temps passait différemment à l'extérieur de la ville, et ce qui y était quelques minutes valait quelques heures ici.

Je ne pus retenir un second cri de colère, ni mon poing, que j'envoyai contre le mur le plus proche. Ledit mur ne broncha pas ; par contre, mes phalanges émirent un craquement sec. Je reculai en titubant, regardai mes doigts. Bien sûr, en apparence, ils n'étaient qu'éraflés ; mais la douleur intense dans mon majeur me fit craindre de l'avoir cassé.

Rien que de réaliser ma propre bêtise, ça me donna envie de cogner le mur encore une fois.

Ça devait faire une bonne demi-heure que j'errais sans but. Finalement, à bien y réfléchir, c'était assez absurde. Errer ? Me promener ? Est-ce que j'avais vraiment le temps de perdre le temps ? Alors que mes jours étaient comptés, alors que j'étais dans un jeu où ma vie entière dépendait de ma capacité à m'échapper, est-ce que je pouvais me permettre de flâner tranquillement ? Et est-ce que, si je le faisais, c'était par impuissance... ou par résignation ?

Un bruit étrange résonna soudain à mes oreilles, alors que ces pensées sombres stagnaient dans mon esprit. Je tournai la tête de droite à gauche, surprise, pas sûre de mes perceptions ; mais j'entendis de nouveau ce son singulier, qui semblait venir d'une ruelle adjacente. Je m'y dirigeai, incertaine. Ce que j'avais entendu semblait familier, mais je ne pouvais pas exactement mettre le doigt sur ce que c'était.

La venelle était étroite, sale, encombrée de sacs poubelle, de cartons et d'autres détritus que je ne pris pas le temps d'identifier. Je me contentai de slalomer entre les amoncellements de saletés, attentive à ne pas faire de bruit, suivant la source du bruit qui s'intensifiait. À un pas près, je vis alors une masse tremblotante, au bout de l'impasse. Je m'écrasai immédiatement contre le vide-ordures le plus proche, retenant mon souffle. Mes doigts - de la main gauche, l'autre étant bêtement blessée - tâtonnèrent au sol jusqu'à tomber sur un objet fin et coupant. Un éclat de verre : pas génial, mais ça pourrait faire l'affaire au cas où la chose ne serait pas amicale. Ma vie n'était peut-être pas si longue, mais j'étais prête à la défendre chèrement.

Mined Games II : World is MineOù les histoires vivent. Découvrez maintenant