Prologue

127 6 2
                                    

Emma.

Je m'allonge dans l'eau chaude et mousseuse de mon bain, et me repose vraiment pour la première fois de la journée.

      Cent quarante-deux, c'est le nombre de cartons que nous avons emménagés. Cent quarante-deux putains de maudits cartons, qui m'ont défoncés le dos ! Oh bien sûr, vous qui êtes tranquilles, derrière vos écrans au chaud et en train de ne rien faire, vous pouvez vous dire : "Oh ça va ! Pas besoin d'être aussi grossière !" Et bien si, j'en ai besoin ! Parce que contrairement à ce qu'on nous montre à la télé mesdames, vous n'avez pas toujours un grand gaillard costaud en guise de voisin qui vient vous aider à porter vos cartons en échange d'un dîner ou de je ne sais quel rendez-vous créé dans l'unique but de vous baiser. Quoi ? Je parle mal c'est ça ? Ayez juste la moitié des courbatures que j'ai dans le dos, et on en reparle d'accord ? Génial. Donc je disais, vous n'avez pas toujours ce mec là, et encore moins lorsque vous êtes homosexuelle. Oui, c'est mon cas, et ma petite amie s'appelle Laurie si vous voulez tout savoir.

Nous avons emménagées ensemble tout juste aujourd'hui, au cas où vous vous poseriez encore la question, et pas n'importe où. Non, au lieu de rester tranquillement à Marseille, proches de nos deux familles, nous sommes parties à Dallas. Oui, Dallas, le vrai le seul et l'unique, celui des États-Unis. Et là, si vous êtes un petit français, vous vous dites surement : " Wahou ! Quelle chance !" Et ben en fait, PAS DU TOUT ! Ça fait deux jours qu'on est ici, et j'en peux déjà plus. Les  voitures roulent à contre sens, et ça, c'est très perturbant. Les routes sont gigantesques, bien plus que celles de France, et Laurie s'est fait voler son sac à main à peine sortie de l'avion. Alors ? On à toujours de la chance ? Non ? C'est ce que je me disais.

Là vous vous demandez pourquoi on est venues ici ? Et bien allez demander ça à nos familles. Aussi bien de mon côté que de celui de Laurie, nos charmantes maisonnées sont très coincées du manche à balais et ne peuvent tolérer que leurs filles soient lesbiennes et en couple. Minable ? Oui, c'est le mot. Mais pourquoi être parties si loin ? Ah ben ça, c'est la faute de Laurie. Je l'aime de tout mon cœur, mais qu'est-ce qu'elle peut m'énerver parfois avec ses envies de liberté et de découverte...

Bref, tout ça pour vous dire que ce nouveau chapitre de ma vie a très bien commencé, et qu'en plus, vu que c'est si bien parti, le destin va décider de venir s'en mêler et de me mettre encore plus dans une énorme bouse d'éléphant. Minable ? Oui, décidément, c'est vraiment le mot.

                                                                  ***

Drake.

Putain de réveil à la con. Dix-heure du matin, super. J'ai encore pris une cuite d'enfer hier soir. Il faut dire que Dallas m'a très bien accueilli. Lorsque j'ai décidé de laisser mon passé derrière moi en quittant mon Irlande natale, j'ai pris sur moi et je suis devenu quelqu'un d'autre. Plus jamais je ne me soucierais des sentiments d'autrui. Et puis quoi encore ? Est-ce qu'on s'intéresse un tant soit peu aux miens ? Diable, non. Je suis un mec, ce qui équivaut à dire que je ne souffre pas, pour certains.

La couette de mon lit bouge, tout d'un coup. Merde... Je ne me souviens plus de rien. J'ai vaguement le souvenir d'avoir enquillé les verres avec Rilan mais à part ça, c'est le trou noir. La couette continue à se soulever et je regarde ailleurs. Quoi que j'ai fait hier soir, ça me dégoûte déjà.

- Salut bébé, c'était génial hier soir, me dit une voix aiguë.

Oh mon dieu, cette putain de voix est insupportable. Comment ai-je fait pour supporter son bavardage ? A moins qu'elle n'ait pas eu le temps d'émettre le moindre son. Me connaissant, c'est probable.

- Ouais, super, tu devrais partir, maintenant, lui dis-je d'un ton cassant.

- Pardon ? Mais t'es un vrai connard, toi ! hurle-t-elle.

Putain, qu'elle se tire et qu'elle me foute la paix. Si mon réveil a sonné, ce n'est pas pour rien. J'ai rendez-vous. Un rendez-vous que je ne peux pas louper. Mes économies ont totalement disparues et j'ai besoin d'un job. Je suis plutôt agréable à regarder alors je doute qu'ils soient très regardants sur mon CV. Barman, c'est typiquement ce qu'il me faut.

- On m'avait prévenue, pourtant, continue-t-elle. On m'avait dit : "N'approche pas Drake, il n'aime personne à part lui" !

- Tu aurais dû les écouter ma belle, ils avaient fichtrement raison, dis-je en m'esclaffant.

Je n'en ai rien à foutre de passer pour le connard de service. J'ai besoin d'alcool et de filles pour oublier les merdes que je traîne derrière moi. Personne ne sait. Pas même Rilan. C'est le seul vrai ami que j'ai ici, à Dallas. Pourtant, je ne lui fais pas confiance. Comment en serais-je capable ? Ma vie s'est arrêtée brutalement il y a un an et depuis, la vie n'a aucune saveur. Je ne veux pas qu'on creuse en profondeur. En apparence, je suis un serial queutard, mais sous la couche épaisse de merde, on ne trouve que de la moisissure.

Mon coup d'hier soir se casse dans un soupir méprisant. Une bonne chose de faite. J'enfile mon jean noir et ma veste en cuir de la même couleur, chausse mes pieds de mes converses et me dirige vers la petite salle de bain de mon studio. Mes cheveux noirs sont en bataille sur le dessus de mon crâne, c'est parfait. Mes yeux verts sont cernés mais ça fera l'affaire. Au pire des cas, je séduirais ma future boss avec mon sourire ravageur et l'affaire sera dans le sac.

Il n'y a plus qu'à espérer que la vie m'offre une deuxième chance, même si je dois en baver chaque nuit, lorsque mes paupières se ferment.

StrangersOù les histoires vivent. Découvrez maintenant