Bleu céladon. Pour la plupart d'entre vous cela n'est qu'une teinte de bleu parmi les autres, beaucoup en la voyant l'appelleraient turquoise. Moi, je connais le bleu céladon, à vrai dire en ce moment je vis presque ma vie en bleu céladon.
Je ne suis pas peintre.
Je ne suis pas graphiste chargée de réaliser un nuancier.
Je ne suis pas décoratrice d'intérieur (quoique).
Moi Alice, vingt-cinq ans, Niçoise et petite blonde amatrice de chaussures à talons, je suis Wedding Planner ou organisatrice de mariages. Et le bleu céladon c'est la couleur qu'a choisi une de mes clientes pour son mariage
Quand je dis « une de mes clientes » je devrais préciser : « LA cliente », celle qui fait de mes journées un cauchemar en ce moment.
Celle que toutes les personnes qui font mon métier reconnaitront.
Celle qui vous donne des sueurs froides rien qu'à l'affichage de son nom sur votre téléphone portable.
Celle qui change d'avis toutes les dix minutes.
Celle qui a les idées les plus farfelues du monde.
Celle dont vous n'avez pas besoin de prononcer le nom quand vous en discutez avec vos prestataires, car tout le monde sait de qui vous parlez.
Elle est hyper exigeante, sans aucune empathie et elle considère que vous n'avez pas de vie (même si elle n'a pas tout à fait tort pour le coup). C'est la cliente qui vous fait vous demander au moins une fois par jour, comment a-t-elle trouvé quelqu'un pour l'épouser alors que vous êtes toujours célibataire.
A mon avis, son futur mari, s'est forcement fait avoir à un moment pour en arriver à la demander en mariage. C'est certainement le résultat d'un quiproquo alcoolisé et il n'a pas pu faire machine arrière... Ou alors il est aveugle, sourd et muet... Mouais, peu probable je l'ai rencontré. Ou bien il est masochiste... C'est peut être cela la réponse ! Bref je ne vais pas m'attarder là-dessus.
Monika alias « bridezilla » alias « LA cliente » se marie ce week-end. Une belle cérémonie prévue dans un hôtel au bord de mer. Un haut lieu de l'élégance, connu pour abriter les plus beaux évènements de la Côte d'Azur. Une cérémonie en plein air pour une centaine d'invités, suivie d'un cocktail au bord de l'eau, d'un dîner concocté par un grand chef et bien sûr une soirée qui continuera tard dans la nuit. Comme vous l'avez compris je suis le chef d'orchestre de cet évènement.
Cela fait presqu'un an que les mariés m'ont contactée pour organiser leur « plus beau jour ». Après des centaines d'heures de travail pour leur proposer le lieu magique, le meilleur fleuriste, leur avoir présenté des dizaines de groupes de musique, mais aussi avoir dégusté les plats qui seront servis — si, si, je vous assure mon travail est parfois très dur — je vois enfin le bout du tunnel. Ou devrais-je dire la fin de mon chemin de croix ?
Malheureusement, pour le moment je suis loin d'en avoir fini. Nous sommes jeudi et je dois aller récupérer les menus qui ont été imprimés pour le mariage de ce week-end. Nous n'avons pas pu les finir avant, étant donné que notre adorable Monika a changé plusieurs fois les plats qui seront servis.
Puis le modèle du menu.
Puis la police d'écriture.
Puis le bleu céladon était trop vert.
Puis il était trop bleu.
Ensuite est venu le moment existentiel où toute la décoration et donc le bleu céladon a été remis en cause.
Pour revenir à l'idée première...
Mais le client est roi !
C'est donc d'un pas léger, avec la promesse de ne bientôt plus parler de ces menus, que je suis partie ce matin chercher mon paquet chez l'imprimeur.
La journée n'avait pourtant pas trop mal commencé et j'étais d'assez bonne humeur. Un beau jeudi du mois de Mai. Plus que deux jours avant le mariage de Monika, yes !
Au bout de vingt minutes mon tramway n'étant toujours pas là, je commence à déchanter, quand enfin en voici un qui arrive. Il est bondé, cependant la décision est vite prise : marcher plus de deux kilomètres avec des talons de douze (centimètres) ou affronter les odeurs corporelles des travailleurs et touristes niçois... Je préfère la torture olfactive. C'est donc nichée contre une famille de touristes hollandais, que j'entreprends mon voyage. Le doux chant de leur dialecte résonnant dans mes oreilles en prime.
Arrivée chez l'imprimeur, je m'adresse à la réceptionniste qui revient quelques minutes plus tard avec la marchandise. Comme je suis un peu perfectionniste sur les bords, et après les dizaines de déconvenues que m'ont apportées ces menus, je décide d'ouvrir le carton sur place.
Au moment où je les aperçois, je ressens un désagréable coup au cœur, accompagné immédiatement d'un sentiment partagé entre panique et désespoir. Je balbutie :
— Non...Non... ce n'est pas possible...
— Il y a un problème madame, s'enquiert la réceptionniste.
— Ils n'ont pas pu me faire ça, dis-je d'une voie blanche.
La réceptionniste lève le nez de son clavier et se lève pour jeter un œil par-dessus mon épaule.
— Ben quoi, ils sont très beaux ces menus, je vois pas où est le problème ?
Sa phrase est ponctuée d'un claquement de chewing-gum.
— Vous ne voyez pas le problème ? Je vais vous l'expliquer moi où il est le problème. Le problème voyez vous c'est que le prénom de la mariée s'écrit avec un "k" et que là il est écrit "Monica" avec un "c", aboyé-je.
— Pas la peine de se mettre en colère, proteste-t-elle en levant les yeux au ciel, c'est qu'une petite faute, ça change même pas le prénom.
— Une petite faute !
Je manque de m'étouffer.
— Ben oui, on n'a pas idée de s'appeler Monika avec un "k".
— Ben tiens, je vais lui suggérer de changer l'orthographe de son prénom pendant qu'on y est ! Vous ne voulez pas non plus que j'appelle ses parents pour leur suggérer l'idée, après tout c'est eux qui ont choisi le prénom de leur fille, ajouté-je sarcastique. Appelez-moi le responsable tout de suite !
Un petit homme bedonnant fait son apparition quelques instants plus tard. Je lui explique l'erreur en lui faisant bien remarquer que sur le bon à tirer le prénom était écrit correctement.
— Ah, pas de chance c'est Patrick qui avait raison, déclare-t-il d'un air ennuyé.
— Comment ça pas de chance ? Et c'est qui Patrick ? Et qu'est ce qu'il vient faire là dedans ?
— Ben au moment de lancer la rotative, un des gars a fait remarquer que Monika avec un "k c'était bizarre.
— Comment ça bizarre, elle a le droit d'écrire son prénom comme elle le veut que je sache !
— Lui il nous a dit que Monica Bellucci ça s'écrit avec un "c".
Génial un imprimeur cinéphile
— Alors on a voulu corriger, Patrick lui il était pas d'accord, on a fait un vote et le "c" l'a emporté.
Je le regarde avec une nette envie de l'étrangler. Là tout de suite. Maintenant.
— En dépit des votes de votre personnel, Monika avec un "k" souhaiterait avoir des menus avec son VRAI prénom inscrit dessus. Vous pensez que c'est possible sans que cela fasse l'objet d'un autre vote ?
J'ai pris une petite voix mielleuse mais au fond de moi je bous. Monsieur bedonnant a compris qu'il n'a pas intérêt à ajouter un mot de plus, il acquiesce d'un signe de tête.
— Bien puisque c'est possible, rappelez vous que Monika avec un "k" se marie samedi, donc il me les faut pour quelque chose comme avant-hier, compris ?
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The Wedding Girl - Chapitres 1 & 2
ChickLitAlice, petite, blonde, accro aux talons hauts vit pour son métier. Elle est Wedding planner ou organisatrice de mariages. Mais tout va basculer lorsqu'un beau matin, le futur marié qui va pousser la porte de son agence n'est autre que le meilleur am...