Les arbres exotiques qui bordaient la route, la végétation dense qui recouvrait les collines ainsi que les petits villages typiques du pays. Voilà le spectacle magique dont je jouissais depuis notre départ de l'aéroport. Les deux dernières heures de route s'étaient faites sur des chemins qui coupés à travers la jungle. Des chemins sur lesquels nous n'avions plus rencontrés âmes qui vivent. Ce voyage promettait d'être un véritable dépaysement, un changement d'air radical. Malheureusement mon enthousiasme ne fut que de courte durée. En sortant de la coccinelle verte et blanche, taxi typique au Mexique, l'hôtel que j'apercevais était loin de la carte postale que m'avez vendu le faire-part reçu deux jours plutôt. Une immense bâtisse de pierres, parsemée de balcons sur le point de s'effondrer se dressait en haut de la colline. La façade défraichie, les fissures qui couraient de haut en bas et les quelques vitres brisées des derniers étages, avaient suffi à faire fuir tout l'enthousiasme qui m'animait quelques minutes plutôt dans la voiture. Le centre de vacances avait l'air abandonné. Même l'inscription nous indiquant la route à suivre à pied était usée par le temps. Elle faisait partit du paysage, tellement ancré dans le décor, qu'elle en devenait quasiment invisible.
- Il aurait pu décharger nos bagages, p'tit merdeux va ! Lança la jeune femme en direction du taxi qui venait de rebrousser chemin.
Une véritable bimbo, vêtue d'une combinaison noire ultra moulante, et chaussée de talons aiguille. Pas vraiment la tenue adéquate pour le lieu.
- Je peux vous aider si vous voulez ? proposais-je calmement en remontant mes lunettes de soleil sur mon crâne.
- Avec plaisir mon p'tit loup. Répondit-elle en m'adressant un clin d'œil.
Je pris ses deux grosses valises roses bonbon dans chacune de mes mains et lui montrais, d'un signe de la tête, le chemin à emprunter pour rejoindre le bâtiment. Bon dieu mais qu'est-ce qu'elle a mis là-dedans ! Me dis-je en essayant de soulever les deux poids lourds qui restèrent cloués au sol.
Nous suivirent la route qui montait jusqu'au domaine, le panneau nous indiquait : Centre de vacances de Salperwick à 200m. Une lettre sur deux était effacée. Le taxi n'avait pas souhaité nous monter plus haut, ce qui valut au chauffeur un « pov'con » de la part de Judy. La route en graviers et la chaleur qui régnait ici rendaient l'ascension encore plus difficile. La jeune bimbo essayait tant bien que mal de capter du réseau avec son téléphone en le brandissant le plus haut possible dans tous les sens sans grand succès apparemment :
- Fuck, quel endroit de merde, on capte que dalle ici ! s'exclama-t-elle.
- Vous réessayerez en haut, peut-être que vous aurez plus de chance.
Ses appuis étaient délicats lui offrant une démarche de marionnette.
- J'attends un appel méga important, tu sais !
- Vous n'êtes pas censé être en vacances ? Vous devriez vous reposer et vous détendre. Coupez un peu avec le monde, le stre...
- Pas de vacances pour les stars comme moi chéri ! Répliqua-t-elle sans me laisser terminer.
- Star ? Je ne vous connais pas, désolé. Vous bossez dans quel domaine ?
Elle me lança un regard d'étonnement, relevant le sourcil gauche. Elle grimpait les bras ballants de gauche à droite, pour essayer de garder l'équilibre. A chaque pas, ses talons s'enfonçaient de plusieurs centimètres.
- Actrice. Tu ne m'as jamais vu à la télé ... Ce n'est pas possible ! Les anges de la téléréalité, Secret story et plus récemment dans « Le Bachelor ». Et ce n'est qu'une partie de ma carrière ça mon p'tit cœur ! Me lança-t-elle fièrement.
- Désolé, ce n'est pas ma cam, je suis plus séries américaines ! Répondis-je en lâchant les valises devant la porte d'entrée du centre.
Elle fit mine de n'avoir rien entendu et décolla la tête de son smartphone pour analyser à sa manière l'endroit devant lequel nous venions d'atterrir. Deux immenses portes en bois, usées par le temps. Elle sortit un tube de rouge à lèvres d'une grande marque de cosmétique de son sac. Tout en s'appliquant la cire rouge vive sur ses lèvres, elle râla :
- Mais c'est quoi cette horreur ! Il faut que j'appelle Angelo, il a du se tromper, ça ne va pas du tout ça ! Dit-elle en composant le numéro sur son Iphone.
- C'est qui Angelo ?
- C'est mon agent, et crois-moi, dès que je l'aurais au téléphone, il va avoir de mes nouvelles, ce baltringue ! S'insurgea la jeune femme en fronçant les sourcils.
J'esquissai un sourire, l'attitude de Judy était hallucinante. Je me disais que le buzz qu'elle devait créer autour d'elle, rien que par le personnage qu'elle incarnait, avait certainement accéléré sa côte de popularité auprès des gens. Elle avait ce petit quelque chose d'attachant malgré son caractère qui devait être insupportable à vivre au quotidien. Une véritable capricieuse, qui veut qu'on s'occupe d'elle constamment, et qu'on cède à ses moindres désirs. En fait, cette image de Star lui collait bien à la peau, c'était en elle.
- Et toi, qu'est-ce que t'es ? Un genre d'intermittent du spectacle ? me demanda-t-elle en me dévisageant.
Dans le taxi, elle était restée river sur son smartphone, nous n'avions pas eu l'occasion de nous adresser la parole. Elle daignait enfin me poser une question, le monde, pendant trente secondes, ne tournait plus autour d'elle. Je me jouais alors de la situation.
- Mickaël, enchantée, 30 ans, célibataire. Dis-je avec un grand sourire. Plus sérieusement, je suis webmaster, je travaille dans une compagnie informatique et je crée des sites internet.
- C'est cool ça, répliqua-t-elle. Quand j'avais 15 ans, j'ai créé mon propre blog aussi, j'avais une centaine de personnes qui me suivaient. Je postais des photos de moi avec mes copines, je publiais des poèmes. Il y a pas mal de gens qui kiffaient ce que je faisais. Bon maintenant j'en ai peut-être cent fois plus sur tweeter. J'ai une véritable notoriété. Toi aussi tu y arriveras, t'inquiète pas.
- Euh... Merci. Lançai-je ne sachant pas quoi dire.
J'avais bien remarqué qu'elle n'avait rien compris à mon métier mais encore une fois je n'insistais pas plus.
- Par contre, il faudrait que tu retravailles ton look des années... euh... -500 avant l'anté christ mon chéri. Si tu veux je peux te donner le 06 d'une copine à moi. Elle bosse comme styliste chez Jules.
Mon jean troué et délavé, ma chemise à carreaux ouverte sur un t-shirt n'était plus au goût des jeunes d'aujourd'hui apparemment. A 30 ans, je me sentais à l'aise dans cette tenue décontractée. Pour partir en vacances, je ne me prenais pas la tête. Sa remarque rentra et ressortit aussitôt par la même oreille.
- Merci, répondis-je par politesse. Et au fait, c'est Jésus Christ, pas l'Anté Christ.
- Oui, tout ça, c'est pareil au final ! dit-elle en haussant les épaules.
- Ça sera peut-être plus sympa à l'intérieur, dis-je en remettant mes lunettes de soleil à la monture blanche sur mon nez, lui faisant signe d'avancer.
J'allais appuyer sur l'interphone qui semblait encore fonctionner lorsqu'une voix féminine résonna dans la petite boîte métallique :
- Bienvenue, vous êtes les premiers, nous vous attendions.
Les deux grandes portes en bois s'ouvrirent dans un grincement atroce. Nos regards se croisèrent un instant, et le spectacle qui apparut devant nos yeux quelques secondes plus tard, nous laissa stupéfaits. Les vacances pouvaient enfin commencer.
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SALPERWICK
Mystery / ThrillerHuit personnes reçoivent une invitation pour passer un week-end au centre de vacances de SALPERWICK. Les vacances vont rapidement tourner au cauchemar lorsqu'ils découvrent le cadavre d'une femme dans la chambre froide de l'hôtel. Un certains JASPER...