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Je ne vais pas mentir. Je n'ai pas été attirée par la vivacité de son esprit ni par sa personnalité. A vrai dire, je ne connais rien de lui. Pas même son prénom. Je devrais être scandalisée. Ma mère le serait... Je l'ai vu dans l'ascenseur de l'immeuble où je bosse. J'ai 25 ans, je suis célibataire, mes hormones sont programmées pour repérer les mâles susceptibles de perpétuer l'espèce avec moi... Ça, bien sûr, et le fait qu'à 22h, il n'y a pas foule dans l'ascenseur, même si dans un immeuble qui hébergent des start-up la vie ne s'arrête jamais vraiment.

La première fois, il a semblé surpris de me voir devant lui, à l'ouverture des portes. Il n'était pas le seul. Je sortais du labo. Mes nouvelles chaussures me cassaient littéralement les pieds. Je ne suis pas très coquette, ni très audacieuse d'un point de vue vestimentaire, mais j'aime les chaussures. C'est la seule fantaisie que je m'accorde. Pour le reste, je porte l'uniforme : jupe noire droite au-dessus du genou, chemisier clair, tous les jours quelle que soit la météo. Ca limite beaucoup le temps passé devant la glace le matin. Je porte mes longs cheveux attachés. Chignon ou queue de cheval. Je ne veux pas qu'ils tombent devant mes yeux quand je suis en train de manipuler le bec bunsen. Ce jour-là, je venais de craquer pour des escarpins rouges. Et comme je le disais, ils me tuaient à petits feux. Accrochée à la rampe dans l'ascenseur, perchée sur un pied, dans un équilibre incertain, je massais mes orteils endoloris.

Et Ting ! les portes s'ouvrent, je lève les yeux sur lui. Baskets, jeans, T-shirt gris, bouche étirée asymétriquement sur un sourire moqueur, nez droit, yeux bruns, sourcil gauche relevé, cheveux châtain
décoiffés comme ça se fait maintenant. Et il se fout de moi. Je rétablis l'équilibre, glisse de nouveau mon pied dans son étau avec dignité et élégance – c'est à dire sans grimacer de douleur. On se fait face et il ne prononce pas un mot, mais il ne détourne pas les yeux non plus. Son visage affiche toujours ce petit sourire moqueur. Je pense « iceberg, froid polaire, ouragan, éclairs, et nuée de criquets » et j'espère que mon regard fait passer le message. Ting ! Nous sommes arrivés au lobby. Il s'efface en un geste parodique de politesse pour me laisser passer. Il ne trompe personne : c'est un mufle. Et j'ai mal aux pieds.

Des hauts... et des basOù les histoires vivent. Découvrez maintenant