Perdu

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Je courais, laissant une traînée noire derrière moi, dans la grande étendue blanche qui constituait mon environnement actuel. Pas un arbre en vue, pas âme qui vive, pas une aspérité, rien. Enfin, exceptée une sorte de montagne à l'horizon, trop loin pour que j'en sois sûr. Je n'avais pas la moindre idée de pourquoi je courais. Fuyais-je ? C'était une option, mais je n'avais pas l'impression d'être poursuivi ou même en danger. La seule chose que je ressentais était une sensation diffuse de liberté. Alors pourquoi ? Je ne savais pas. Avais-je déjà su au moins ? Je n'en savais rien. Je n'avais plus envie de courir sans but. Je m'arrêtais donc, tentant de réfléchir à ma condition. Néanmoins, la montagne me dérangeait. Je ne parvenait pas à penser correctement en la sachant si proche, car bien qu'elle soit vraiment loin, c'était déjà bien trop près, et je pouvais sentir une sorte d'aura négative en émaner. J'avais la conviction, venue de je ne savais où, que je devais m'en éloigner le plus vite possible. Je me remis donc à avancer, en marchant cette fois-ci. Toutefois, quelque chose m'empêchait d'aller droit, comme si une force contrôlait mes mouvements pour une raison et par un moyen inconnus. Si quelqu'un m'avait par miracle vu à cet instant, ce qui était apparemment impossible, il aurait sûrement pensé que j'évitais des trous ou autres obstacles, mais je savais qu'il n'en était rien, et que ces mouvements n'étaient pas de ma volonté. Je me sentais mal à présent, oppressé et manipulé. Pourquoi ne pouvais-je pas contrôler mes mouvements ? Mais quelque chose d'autre me vint à l'esprit, me dérangeant plus encore ; quelle était cette traînée noire ? Me suivait-elle ? Elle avait un aspect étrange, comme de la peinture, mais plus liquide et moins collante. Je venais de remarquer que cette traînée noire semblait venir de moi. Cela n'avait pas de sens. Quand aurai-je marché dans de la peinture noire dans cet endroit blanc comme neige ? Je l'aurai très certainement remarqué, or ce n'était pas le cas. Alors que se passait-il ? Je n'en pouvais plus de tout ça, me poser autant de questions sans qu'aucune réponse ne me soit apportée, de marcher seul et sans autre but que m'éloigner de la montagne dans ce désert immaculé... Je voulais simplement rentrer. Mais où ? Avais-je même une maison ? Je ne savais pas, je ne savais plus rien, je n'avais plus aucun souvenir... Pourtant, j'avais un sentiment de déjà-vu, bien trop fort et trop dérangeant pour être simplement ignoré comme ceux qu'on ressent habituellement. Je me sentais mal d'un coup, et l'épuisement était devenu tel que je ne pouvais plus marcher. Je remarquais d'ailleurs que la longue traînée noire, grâce à laquelle on pouvait retracer mon itinéraire tordu dont je voyais maintenant qu'il formait d'étranges signes, était devenue plus claire récemment, comme si elle s'était lassée de me suivre dans ma marche sans but. Mais peu m'importait, ma seule volonté était celle de me reposer à présent. Mes dernières forces m'abandonnèrent, et tandis que je m'écroulais, j'entendis comme un soupir venu de partout et nulle part à la fois, précédant une ombre gigantesque qui me recouvrit juste avant que mes yeux se ferment totalement.





"Tss, forcément maintenant... pesta Daniel tout bas, avant de chuchoter à son voisin : Hé, t'aurai pas un stylo s'il te plait ? Le mien vient de me lâcher."

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