Avec soulagement, j'étendis mes bras et sentis l'eau de la pluie couler sur moi. Cela faisait plusieurs semaines, peut-être même mois, que l'on m'avait gardé enfermé, que je m'étais replié sur moi-même avec désespoir. Cela faisait déjà plusieurs fois que cela m'arrivait. Mes tortionnaires (je les voyais ainsi, et comme je n'avais pas la moindre idée de qui ils étaient, c'était ainsi que je les nommais) me gardaient enfermés tellement longtemps que je perdais l'espoir de revoir un jour la lumière du soleil, puis ils me relâchaient, le temps variant généralement d'une demi-heure à deux heures. C'était vraiment court, mais je profitais au maximum de ces instants de liberté, car ils étaient bien trop rares. Cependant, j'avais remarqué, durant ma longue captivité - cela devait faire plusieurs années maintenant, qu'il y avait des périodes de l'année où l'on me gardait emprisonné sur de plus longs intervalles que d'autres. Y avait-il quelque chose qui se produisait au-dehors et que je ne devais pas voir ? Je n'avais aucun souvenir d'avant, de ma liberté précédant cette longue agonie, si elle avait existé. Pendant mon enfermement, on ne s'occupait pas de moi. J'étais seul, jusqu'à ce qu'on daigne m'accorder mes quelques rares moments de liberté, sans personne pour me parler, ni rien pour faire passer le temps. Néanmoins, chaque fois qu'on me laissait sortir, je me sentais revivre. C'était comme si tout ce que j'avais vécu jusque-là s'effaçait grâce à la pluie, comme si j'étais né pour la sentir couler sur mon corps. Tandis que je savourais ces sensations qui ne manquaient pas d'apparaître à chaque fois, je remarquais pour la première une chose : il y en avait d'autres. D'autres comme moi. Cette société était-elle donc si corrompue que des esclaves comme moi étaient devenus monnaie courante ? J'étais sous le choc. Avais-je été si fermé sur moi-même, et sur mes problèmes pour ne pas les remarquer plus tôt, eux qui avaient aussi besoin d'aide, eux qui vivaient peut-être pire que moi ? Au moins, j'avais la chance qu'on me laisse tranquille quand j'étais enfermé, mais certains étaient dans un triste état et semblaient avoir subi les sévices les plus terribles, que je n'osais même pas imaginer. Soudain, l'un d'entre eux fit quelque chose auquel je n'avais même pas songé, tant j'avais perdu toute volonté : il tenta de s'échapper. Il s'arqua, essayant de se soustraire à la prise de son maître, luttant avec la force du désespoir. Le plus étonnant fut qu'il réussi. Mon esprit, trop embrumé par ce retournement de situation des plus innatendus, eut peine à enregistrer la suite des évènements ; les autres, après avoir vu cette scène, firent de même. Ils s'arquaient et tiraient sur la prise de leur maître avec la même véléité, la même ténacité. Ne sachant plus réfléchir convenablement, je voulu moi aussi essayer de gagner ma liberté éternelle, sans songer à ce qui arriverait si ma tentative échouait. Tout à coup, je ne senti plus rien me retenir, plus rien ne m'empêchant de m'évader, d'être enfin libre. Avec joie, je commençais à m'envoler là où ma soif de liberté allait m'emmener, là où le vent allait me porter.
"Messieurs, dames, ici votre envoyé spécial ! Comme vous pouvez le voir derrière moi, le vent souffle plutôt fort aujourd'hui, dans cette petite ville de Bretagne, et ceux qui ont été assez courageux pour s'aventurer sous cette pluie ont la perte de leur parapluie à déplorer, si l'on en croit le nombre ahurissant de ceux qui traînent un peu partout sur la route..."
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Nouvelles à chute
Short StoryDes petites nouvelles à chute juste comme ça, même si je n'écris pas habituellement. Rien de spécial, écrites quand je m'ennuie, si vous avez du temps à perdre, allez-y.