Prologue

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J'attends assis sur cette vieille chaise depuis des heures. La moquette rouge parsemée de taches, empeste le tabac froid. Les murs tapissés d'un gris délavé, dégoulinent de papiers d'information et de notes de service. J'allume ma clope en attendant que le numéro 17264 s'affiche sur le panneau lumineux. Je vais enfin connaître la décision qu'on a prise pour moi, et je vais peut-être sortir de ce trou à rat...
Une grosse femme, le visage rougeâtre, s'assoit sur la chaise à côté de la mienne. Son odeur de transpiration me fait suffoquer, et je manque de m'étouffer avec ma fumée de cigarette. Elle me jette un coup d'œil en me souriant de ses grandes dents jaunes... Je détourne le regard, blasé. Je réajuste le col de mon blouson en cuir noir, et époussète ma chaussure. Dieu que le temps peut être long !
Sur la gauche, au bout du couloir, un petit homme trapu, les épaules rentrées, s'avance dans ma direction. Il s'agit de Blaise, mon collègue de boulot et accessoirement mon colocataire attitré depuis une paire d'année. Il porte sous son bras sa valisette débordante de papiers, qu'il sème de temps à autre sur le sol. Son vieux pantalon en velours beige laisse apparaître le haut de son postérieur dès qu'il se penche pour ramasser ses documents, et sa calvitie naissante ne s'arrange pas. Il s'avance et s'adresse à moi avec une nuée de postillons habituelle. Je me lève pour ne pas reprendre une douche.
- Salut Samuel ! Alors c'est le grand jour ? Tu vas me quitter ? Dit-il avec une pointe de mélancolie.
- Je l'espère de tout cœur Blaise ...
- On se fait une bise pour cet adieu, hein ?!
Il me prend par les épaules, et essaye de m'étreindre. Je crois que je préfère rester en Enfer encore un peu, plutôt que de vivre ça ... Je ne supporte pas qu'on me touche, en dehors de l'intimité, et encore moins par Blaise ! J'écarquille les yeux le temps de son étreinte. J'attends sans bouger qu'il me lâche. Il comprend rapidement que ce genre de manifestation m'insupporte...
- Adieu Blaise, Dieu ait pitié de ton âme.
Il éclat de rire, et je souris. Blaise me fait signe de la tète et repart en boitillant en direction du Noyau de l'Enfer. Son pantalon traîne par terre tant cet homme est petit, ou peut être manque-t-il juste d'une ceinture.

Le numéro 17263 s'affiche, mais personne ne se manifeste. Mon tour vient donc immédiatement. J'écrase ma cigarette dans ma paume, et jette le mégot par terre. En Enfer nous ne gardons aucunes traces de nos blessures physiques même si la douleur est bien présente. J'ai appris à en tirer une certaine satisfaction, voir même du plaisir. Celle de la brûlure de cigarette me donne presque l'impression d'être vivant.
La grande blonde du guichet qui m'attendait, m'accueille, avec un grand sourire accentué par son contour de lèvres marron, et son rouge à lèvre flamboyant. Son accoutrement dans le genre très court en haut et pas plus long en bas est à ma pointe de la vulgarité. Son uniforme rouge et noir rappelle les couleurs prédominantes de cet endroit où j'ai déjà passé bien trop de temps. Le badge de sa veste indique le nom de Lucinda. Entre deux mâchouillements exagérés de chewing-gum, elle réussit à parler.
- Je peux vous aider ? Dit-elle d'une voix suave, en se penchant au-dessus du comptoir pour élargir son décolleté.
- En effet, mon dossier a dû passer devant la cours, je voudrais connaitre le verdict
- Très bien, passez le contrôle rétinien, me prie-t-elle en me montrant du doigt le petit appareil lumineux au coin de son bureau.
J'obéis. L'œil sur l'objectif je sens qu'elle me regarde avec insistance. Le scanner balaye mon œil d'une lumière vive, puis la diode verte s'allume en signe de reconnaissance positive.
- Joli blouson... dit-elle, accompagné d'un clin d'œil.
J'évite de croiser son regard et ne relève pas sa réflexion. Mon dossier sort rapidement de son imprimante. Elle l'agrafe et note son numéro de téléphone sur un post-it qu'elle colle sur la pile de papiers. Elle me tend le dossier en passant sa langue sur ses lèvres.
Je tourne les talons en direction de la salle d'attente. La grosse femme passe à côté de moi et j'ai le sentiment que ses doigts boudinés essayent d'atteindre mes fesses. Je tâche d'oublier cette sensation écœurante. La seule chose qui m'importe, c'est cette réponse entre mes doigts. Je décolle le post-it que je jette dans la poubelle la plus proche. Je commence à lire les premières pages du dossier.
Cela rappelle pourquoi j'ai atterri en Enfer plutôt qu'au Paradis, sans même passer par la Cour d'appel. Mon jugement avait été intransigeant. Ce n'est pas ça qui m'intéressait. J'ai effectué ma peine, et je veux savoir si on me laisse une nouvelle chance. Je tourne les pages et la réponse apparaît sur l'avant dernière. Mon cas a été revu et je peux passer l'entretien ! J'ai rendez-vous à 15h au bureau des affectations, avec un Délivreur. J'ai encore quelques heures à attendre, mais ça y est j'y suis enfin !

Je me présente donc pour la première fois, au bureau des affectations. C'est un vaste office qui se cache derrière une grande porte en bois massif. Sur la droite se tient un accueil de marbre et de bois. Une petite femme très apprêtée travail derrière son ordinateur. Elle semble très occupée et ne remarque pas mon entrée. Je ne vois que le dessus de sa chevelure rousse parfaitement tirée en chignon.
Je décide d'attendre un peu avant de l'interrompre, jetant un coup d'œil rapide à la pièce. Deux personnes semblent déjà attendre leur tour, assis dans de gros fauteuils noirs sur ma gauche. Trois portes me font face. Les bureaux des Délivreurs certainement.
- Puis-je vous aider ?
La petite Dame de l'accueil avait remarqué ma présence et m'adresse un sourire chaleureux. Elle parait très âgée mais semble en pleine forme. Derrière ses petites lunettes rondes, ses yeux malicieux me font penser à ma propre grand-mère.
- Oui, j'ai une convocation au bureau des affectations. Je suis Monsieur Abbott.
Elle se penche sur son ordinateur. Annie, comme son badge l'indique, pianote rapidement sur son clavier. Son regard s'arrête quelques secondes sur l'écran, puis elle me sourit à nouveau.
- Monsieur Abbott, votre dossier va être traité d'une façon un peu différente.

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Bonjour à tous et toutes! Je suis contente de vous compter parmi mes lecteurs et je vous souhaite la bienvenue !

Je vous encourage à continuer la lecture si ça vous a plus ! Vos commentaires sont les bienvenus!

A très vite !!

PepDel

Je suis en cours de réécriture, il est donc possible que vous commenciez l'histoire au présent puis qu'elle soit ensuite au passé ! 😉

Knockin on Heaven's door 1.L'ombre  [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant