Chapitre 15

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Je me réveillai dans un coin de ruelle, la fourrure, les griffes et les crocs couverts de sang sec. Je me levai sans mal, ignorant mes quelques courbatures et mes blessures encore fraîches. Observant les alentours, je reconnu immédiatement mon emplacement et me mis à vagabonder dans les rues désertes de la ville. Il devait être tôt le matin, car aucun bruit ne venait briser le silence qui planait.

Je m'efforçais d'oublier ce qui c'était passé hier, mais plus j'essayais, plus les scènes sanglantes me revenaient à l'esprit. Une vérité flagrante et douloureuse me mordait les entrailles, me faisant peu à peu tomber dans ce gouffre profond qui se formait en mon intérieur.

Je les avais tous tués.

Continuant de marcher dans la ville avec mes idées noires, je ne vis pas le temps passer alors que je me trouvais devant l'entre de Fléau. J'eus à peine le temps de pénétrer la petite ruelle sombre que deux petites boules de poils filèrent vers moi comme des tornades.

- Maman! Maman ! Tu es revenue ! Tu es enfin revenue ! Couina Aurore.

- Tu étais où ? Gémis Lion. Il y avait une grosse araignée et elle voulait me manger !

J'échappai un ronron amusé, les yeux brillants, et entourai mes deux petits de ma queue. Comment avais - je pu les oublier et les laisser seuls ?

- Beurk! T'as plein de truc rouge sur la fourrure maman !

Je me crispai. Les deux chatons me fixaient. Je ne savais pas trop quoi dire, la culpabilité me nouait le ventre.

C'est alors qu'Ébène sortit de la ruelle et s'approcha doucement de nous.

- Allez chers petits, laissez-moi discuter avec votre mère. Je suis certaine que votre papa vous montrera une attaque si vous lui demandez gentiment.

- Oh oui! S'écrièrent les chatons en choeur avant de détaler.

Mon amie me regarda dans les yeux d'une mine indéchiffrable. Je murmurai doucement.

- Je suis désolée...

- Pourquoi ? Rétorqua tranquillement Ébène.

- Tout ce que j'ai fait... Sanglotais-je.

La chatte noire et blanche s'adoucit et vint coller son museau contre ma joue, d'une mine réconfortante.

- Explique-moi...

Alors, je lui expliquai tout. Comment j'avais tué ces pauvres chats innocents, comment je m'étais vengée. Elle écouta, sans piper mot, que j'aie fini mon récit sanglant, puis me dis:

- C'est normal, Fleur.

- Normal ? Rétorquais-je, incrédule.

- Beaucoup auraient réagis de la même façon. C'est certain que tu y a été un peu fort, mais c'est ta personnalité et je comprends la colère que tu as pu ressentir.

Je la dévisageai, la gorge sèche.

- Je suis un monstre !

- Tu n'es pas un monstre, Fleur. La colère est normale dans une telle situation. N'as - tu jamais eu une autre crise de ce genre ? Où ta colère prends le dessus ?

Je hochai légèrement la tête.

- Quand j'ai tué mon frère..

- Tu vois, tu es colérique, non démoniaque. Tu es comme ça, tu dois l'accepter, c'est tout.

Une boule c'était formée dans ma gorge. Et si elle avait raison ? Et si je n'étais pas un monstre ? Je n'en étais pas convaincue..

- La colère ne fait pas de nous des monstres. Répéta Ébène en détachant ses mots doucement.

Je la regardai quelques instants, puis mes yeux s'embuairent et les larmes coulèrent sur mes joues, formant des traînées rougeâtres le long de ma fourrure tachée de sang. Mon amie se pressa contre moi et entreprit de me lécher doucement les oreilles pendant que mes larmes s'échappaient sans que je ne puisse rien y faire.

Je me calmai tranquillement. Personne n'avait dit mot. On était juste là, l'une contre l'autre, moi en détresse, elle comme mon ange gardien. Elle était ma meilleure amie...

- Fleur, tu es là..?

Je tournai mon regard vert vers le matou au pelage noir de jais. Ses yeux d'un bleu glacial croisèrent les miens et j'en eu le souffle coupé, comme à chaque fois.

- Je suis là. Murmurais-je.

L'ombre d'un petit sourire se forma sur ses lèvres.

- Je suis heureux que tu sois rentrée.. Marmonna-t-il.

Je hochai la tête et il s'ébroua.

- Hum... je dois t'annoncer quelque chose. Commença-t-il.

- Je t'écoute, Fléau.

- Le chat sauvage m'a contacté. On le rejoindra dans deux jours.

J'en restai muette. Comment pouvait - il ne pas voir les menaces que tout cela engendrait ? J'avais peur... peur que cette fois, il ne s'en sorte pas. Peur de le perdre... oui, car je ne pourrais vivre sans lui. Je le regardai longuement avant de miauler d'une voix blanche:

- D'accord.

Je passai près de lui en l'effleurant, enfouissant mon museau dans sa fourrure et humant son odeur un moment, avant de m'éloigner et de m'engouffre dans la ruelle. Je découvris Lion et Aurore entrain de jouer avec un déchet, près de ma litière, et me joignit à eux dans leurs jeux et éclats de rire.

J'espérais juste que Fléau savait ce qu'il faisait. Parce que je ne voulais pas le perdre. Je ne pouvais pas le perdre. Et j'avais ces deux merveilleux chatons à m'occuper. Alors je ne pourrais le protéger...

Les Folies du MalOù les histoires vivent. Découvrez maintenant