Fébrile, Nicholas posa la main sur la couverture du dossier et l'ouvrit. Cependant, ce qu'il y découvrit ne l'étonna pas, du moins, cela ne lui apporta pas autant de réponses qu'il l'aurait voulu, voire même aucune.
Le dossier était très maigre, car Nicholas vivait seul avec ses parents et n'avait pas d'autre proche : pas d'oncle, de tante ni de grands-parents, tous morts il y a longtemps lui avait dit Susan. Il lui fut donc facile d'extraire les informations nécessaires à la recherche de son père, qui, de nature très mystérieuse, ne partageait presque aucune information concernant son travail à sa famille.
Nicholas apprit ainsi que Nathaniel Dawkins avait travaillé dans une usine de métallurgie nommée La Croix. Ce nom, inhabituel pour une usine, avait probablement un rapport avec un édifice religieux à proximité du bâtiment. Il apprit également que cette usine se trouvait non loin de l'usine de textile où avait travaillé Nicholas ; il lui serait donc aisé de s'y rendre afin de récolter plus d'informations.
Il se leva, épousseta ses vêtements, referma le dossier précautionneusement et le glissa sous sa chemise. « Direction : l'usine La Croix ! » pensa-t-il.
Comme il connaissait le chemin par cœur, cela ne fut pas trop pénible. Ce n'est que lorsqu'il arriva aux alentours de l'usine de textile que les choses se compliquèrent. Il dut faire trois fois le tour du quartier avant de trouver la bonne rue. Or celle-ci était longue et tortueuse, et Nicholas n'était visiblement pas à la bonne extrémité. Une heure après son départ du commissariat, il arriva enfin devant le hangar tant attendu.
Ce dernier, tout en métal brossé, haut d'une vingtaine de mètres et long d'une centaine était impressionnant : il s'en dégageait une atmosphère lugubre, malsaine. Nicholas prit son courage à deux mains et poussa la petite porte sur le côté réservé aux employés. Aussitôt, les oreilles de Nicholas bourdonnèrent à cause du bruit. Il était infernal, à cause des forges et des marteaux pilons, qui modelaient le métal rougeoyant. Il dut plisser les paupières, à cause de la lumière qui se dégageait des fours, et ses doigts s'engourdirent sous l'effet de la chaleur.
Contrairement à l'usine de textile, ici il n'y avait que des hommes et aucun ne prêta attention au jeune garçon déboussolé qui traversait le hangar. Nicholas espérait obtenir un rendez-vous avec le directeur pour lui poser des questions au sujet de son père. A force de déambuler dans l'usine, il finit par trouver le bureau du patron. Après tout qu'il avait fait, il n'avait plus aucune hésitation. Il frappa donc avec assurance à la porte du bureau et attendit qu'on l'autorise à entrer. Au bout de quelques instants, une voix grave s'éleva derrière la porte :
-Entrez !
Nicholas s'exécuta. Il entra dans une pièce spacieuse dont le mobilier contrastait fortement avec celui du hangar : une bibliothèque recouvrait un pan de mur entier et faisait face à un bureau en bois massif encombré de paperasse. Y était assis un homme dont l'embonpoint trahissait son opulence. Il dévisagea Nicholas, se demandant ce qu'un gosse de rue lui voulait. Ce dernier prit la parole.
-Bonjour Monsieur. Je me présente : Je m'appelle Nicholas Dawkins, et je suis le fils d'un de vos anciens employés, Nathaniel Dawkins. J'aurais besoin de quelques informations à son sujet, car il a disparu. Je sais que ma demande est plutôt incongrue, mais je fonde sur vos réponses mon dernier espoir de retrouver mon père. Je vous en prie !
-Mon garçon je te le confirme, c'est une demande bien étrange ! Tu as de la chance que je ne sois pas en pleine réunion, sans quoi tu te serais retrouvé à la porte immédiatement, tu comprends ? De plus tu n'as pas le droit d'être ici, tu n'es pas mon employé !
-Oui monsieur, répondit Nicholas, penaud.
-C'est bon, tu peux me poser tes questions, mais pas plus d'une demie heure sinon, à la porte !
Rassuré, Nicholas se lança.
-Vous souvenez-vous de Nathaniel Dawkins ?
L'homme étudia la question, se leva, ouvrit un des tiroirs de son bureau et en sortit une pile de dossiers tout en mettant ses lunettes.
-Dawkins dis-tu ?
Nicholas acquiesça. L'homme sortit une feuille de la pile et la lut.
-Nathaniel Dawkins, 36 ans, marié et père d'un petit garçon énonça-t-il. Il était un employé sérieux, du moins au début.
-Comment ?
-Oui, tout allait bien pour lui jusqu'au jour où nous avons installé de nouvelles machines dans l'usine. Dès ce moment, il a commencé à ne plus se présenter à l'heure le matin, à partir plus tôt le soir. Le pire étant qu'il ne travaillait plus non plus correctement pendant la journée ! Un contrôleur devait passer vérifier son travail, car nombre des pièces qu'il produisait étaient défectueuses.
Ahuri, Nicholas n'en croyait pas ses oreilles, mais n'intervint pas. Le directeur reprit :
-Nous avons continué à investir dans des machines plus performantes que l'homme, et moins chères. Nous avons donc dû licencier quelques personnes, il y a environ trois mois, et notre choix s'est naturellement porté sur ton père.
Le jeune garçon n'en revenait pas. Son père, fauteur de trouble ? Impensable !
-Etes-vous sûr de ce que vous avancez ? Ne vous trompez vous pas de personne ?
-Oui, je suis formel mon garçon ! Je n'ai rien d'autre à te dire donc rentre chez toi, tu n'as plus rien à faire ici, assena le directeur, mettant ainsi fin à leur conversation.
Nicholas se sentait partagé. D'une part, il était heureux que le directeur ait accepté de répondre à ses questions. Mais de l'autre, il ne comprenait pas pourquoi son père avait agi de la sorte. Il avait toujours vu Nathaniel comme un employé modèle sur qui prendre exemple, et voilà que tout s'effondrait.
Il se leva, remercia le directeur, et quitta le bureauen refermant pensivement la porte derrière lui.
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Les Brumes de Londres
Historical FictionDans un Londres du XIXe siècle, Nicholas est un garçon travailleur et solitaire de 11 ans. Tout va bien, du moins autant que cela puisse être possible à cette époque, jusqu'au jour où son père ne rentre pas à la maison ...