Chapitre 2

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Seulement, alors qu'elle décidait enfin de se prendre en main et d'arrêter de verser du sang impunément, en quittant Ionia, Ahri fut la première surprise. La campagne ionienne était en feu. Semblables à la lame cruelle d'un couteau de boucher, des soldats ravageaient les terres sur leur passage, leur armure brillant d'un éclat sanglant dans le crépuscule. La lumière des temples dévorés par les flammes venait s'ajouter aux dernières lueurs du couchant, et l'écho de plusieurs cris d'angoisse se répercutait au loin.

Niché dans les contreforts du Mont Tevasa se trouvait un petit village abritant une centaine d'âmes, mais qui ne comptait aucun grand guerrier. Plusieurs familles de ce hameau décidèrent de fuir. Certaines se tournèrent vers la prière. D'autres encore étreignirent leurs proches en pleurant. De leur côté, cinquante valeureux individus se préparèrent au combat. Ils nettoyèrent la saleté de leurs fourches et attachèrent des couteaux au bout de plusieurs manches à balai.

Une panique grandissante était lisible dans les yeux de chacun de ces combattants. Ils savaient parfaitement que la situation était sans espoir. Alors que la poussière soulevée par les troupes était déjà visible à l'horizon, il n'y avait plus grand chose à faire, sinon prier pour le pardon de leurs dieux. Les fils et filles de Ionia inspirèrent de grandes bouffées de l'air frais de la montagne, tournèrent leur regard vers les premières étoiles qui apparaissaient dans le ciel, et attendirent le massacre inéluctable qui allait survenir.

Les neuf queues d'Ahri s'agitaient. Un simple tic nerveux. Ses sens aiguisés l'avertissaient d'un danger. Accroupie dans l'ombre d'un immense saule, elle écoutait, elle observait... et elle attendait. Cela faisait des semaines qu'elle observait les villageois, de loin, sans jamais se faire suffisamment confiance pour les approcher, et sans se faire confiance à elle qui pourrai aisément les tuer. Elle avait entendu les discussions de plusieurs familles autour de leur dîner, le rire de femmes qui auraient pu être ses sœurs, et les jeux des enfants. Ahri écoutait tout cela pendant des heures, disparaissant seulement lorsque l'envie devenait trop forte et lui comprimait le cœur. Elle n'avait également jamais ressentit cela en étant renarde. Elle s'humanisait et devenait sensible pour beaucoup de choses.

Elle ne comprenait pas grand-chose du fonctionnement des nations ou de la politique, mais son instinct lui soufflait que le monde d'aujourd'hui allait très mal. Curieuse et emplie de crainte pour les villageois, Ahri renifla l'air ambiant. Localisant la source de son inquiétude, elle s'élança alors dans la nuit.

Sept éclaireurs se déplaçaient sans effort à travers les taillis et se rapprochaient toujours plus de la montagne. Ces hommes au regard sombre et aux yeux alertes gardaient une main sur leur arme en permanence tandis qu'ils se faufilaient à travers la pénombre naissante du soir. Ahri les repéra en quelques secondes et se mit à les suivre à travers la forêt. Alors qu'elle courait avec grâce au milieu des arbres, elle observa leurs mouvements et ses soupçons se firent plus pressants. Elle devina aisément la nature de leur mission : elle avait connu assez de batailles pour reconnaître des assassins au premier coup d'œil, de plus quand elle en était elle –même un. Le capitaine de leur escouade scruta les fourrés. Sans ralentir un seul instant, il murmura un ordre rapide à l'homme qui le suivait et celui-ci le relaya au tueur suivant, derrière lui. Ahri n'y prêta aucune attention et continua à les poursuivre.
Soudain, sept paires de mains s'emparèrent de sept flèches.


AhriOù les histoires vivent. Découvrez maintenant