Je viens me recueillir sur ce pont où on se tenait la main. Sur ce pont où tu me promettais un avenir à deux, un avenir meilleur. On s'asseyait les jambes dans le vide et on contemplait... On restait là des heures. J'avais l'impression de voler quand on était ensemble et que le temps ne passait pas, qu'il était figé. Qu'il n'y avait que nous sur cette immense planète.
Aujourd'hui je suis seule sur ce pont, la douleur écrase ma poitrine, me noue la gorge et me pique les yeux. J'aimerais pleurer et te hurler de revenir, te hurler ma rage, ma rancune, ma souffrance, mon amour... Mais tu n'es plus là et j'ai cessé de voler. Je ne sais pas où tu es. Je me sens vide sans toi, il y a un trou dans mon cœur qui ne se refermera jamais. Je sais que je n'arriverais jamais à vivre avec ce manque. Je voulais être forte mais c'est trop dur. Tu étais mon âme soeur et tu as disparu emportant avec toi toute ma joie et tout mon amour. Je t'en veux de m'avoir abandonné, j'ai besoin de toi.
On a eu une telle chance de s'être trouvé, on volait si haut toi et moi que la chute a été tellement affreuse que je ne me suis toujours pas relevée.
Alors je m'assois très lentement sur le bord du pont les jambes dans le vide, j'observe mes cicatrices. Je laisse tomber mes chaussures une par une dans le néant. Je m'apprête à suivre leur chemin et à le rejoindre. J'arrive enfin à briser la digue qui retenait mes émotions, mes sanglots secouent mon corps de spasme, je hurle tel un animal blessé. Soudain je sens que mon heure est venue et je me laisse tomber tel un ange qui tomberait du ciel. Je vois tous les moments passés avec lui défiler, je hurle dans ma chute. J'ai tellement hâte de le rejoindre. Je tombe brutalement dans l'eau, mais je ne fais rien pour remonter à la surface. Je me sens bien, je n'entends plus rien, je suis dans le noir. Puis soudain je le vois, je cours vers lui. C'est peut-être ça qu'on appelle la mort.
