Prologue : Miroir sans reflet

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Prologue :

Miroir sans reflet

Est-ce étrange, Miroir, si je te confie que je ne sais plus vraiment qui je suis, que je me suis égarée, perdue ?

Je pensais qu'intégrer un nouvel établissement scolaire, un nouvel Etat, une nouvelle ville, ma famille paternelle, me conduirait vers de nouveaux horizons, me donnerait accès à la liberté. Cependant, je me sens toujours aussi étranglée, assujettie, persécutée, enivrée de promesses et de faux-espoirs.

J'ai perdu, Miroir, seize années de ma vie à suivre les directives de mes parents – surtout celles de ma mère –, à vivre selon leurs regards, leurs envies, leurs besoins, leurs interdictions, leur prison.

Seize années à être la mère de ma mère.

Seize années à être le péché de mon père.

Seize années à lutter contre ça.

Seize années à ne pas concevoir ce qu'était que vivre.

J'ai nourri d'abondantes pensées obscures et violentées à mon égard.

Toutefois, en dépit de cette vie parfaitement définie et délimitée par mes géniteurs – notamment Iris –, j'ai enfin compris que j'avais des envies, des rêves, des désirs, et même des aspirations. J'aurais aimé hésiter parmi les nombreuses disciplines proposées telles que la littérature, les langues étrangères, la science, l'art, le spectacle vivant, la physique, les mathématiques, le dessin et tant d'autres. Quelle branche aurait été le chemin de ma vie ? Quelle filière m'aurait enivrée ? Certainement la peinture. Or, j'aurais pu en découvrir et en exploiter d'autres, nourrissant et enrichissant ma culture.

J'aurais également adoré pouvoir envisager un magnifique mariage, un magnifique bébé, un futur prodigieux. Mais, le choix ne m'a pas été accordé. La vie, le monde, tout ce qui m'entoure m'a retiré cette chance.

Le temps me manque. Et me manquera constamment. Il file chaque seconde entre mes doigts et je n'ai la capacité de le retenir plus longtemps.

Tous mes désirs s'effacent peu à peu. Ils se consument avec moi. Je les entraîne dans mon inévitable chute.

Alors, c'est ça, l'aboutissement d'une vie ? Les remords éclatent et la réalité nous affaiblit. Suis-je condamnée à percevoir une vision péjorative de ma courte existence sur cette terre ? Ne tirerais-je donc aucun bénéfice à être contrainte, à être forcée de quitter ce monde plus tôt que la moyenne de l'espérance de vie ?

Ainsi, après seize années de vie, je ne tire que des constats de ma propre existence : maman est plongée dans un profond coma depuis de nombreux mois à cause de son penchant pour l'alcool, papa m'a longtemps tenue à l'écart de sa belle-famille afin que mon existence reste tue, je n'ai pas encore eu le temps d'aimer, d'embrasser un garçon, de vivre pleinement une relation amoureuse, je n'aurai d'ailleurs jamais le temps d'exercer la profession qui occupe mes rêves...

Finalement, ces envies m'abandonnent progressivement, à l'instar de ma volonté et d'Elendil. Ma vie, mes amis, ma famille et même l'homme que j'aimais secrètement se délaissent de moi. Et la peinture ? J'aime peindre mais elle, elle m'empêche de poursuivre ma passion, la dernière chose qui me maintenait encore en vie.

Et puis, on m'a endoctrinée ! Mais aujourd'hui, la situation a évolué. Pourquoi continuerais-je de lutter contre ça alors que, petit à petit, cette chose meurtrière s'empare de mon corps ? Elle le contrôle presque totalement.

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⏰ Dernière mise à jour : May 09, 2016 ⏰

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