Shooting Star

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Sur la peau d'Arwen, il y a des planètes et c'est ce que voit Louise en premier. Elle avance, dans son sweat trop grand et son jean déchiré, et son regard ne quitte pas Arwen, qui est assise quelques mètres plus loin, dans le canapé. Elle n'a qu'un débardeur trop grand, qui ne la protège de rien, et il y a des planètes en haut de sa poitrine, des planètes qui devraient tourner mais qui sont figées à l'encre noire sur sa peau presque transparente.

Louise s'arrête en plein milieu de la pièce parce qu'elle ne sait pas si elle doit aller la voir ou non. Louise ne parle jamais à personne, et elle ne s'arrête pas normalement. Ici elle ne veut pas, parce qu'elle sait. Tout le monde est pareil, tout le monde est seul mais ce n'est pas une solitude que l'on veut combler, c'est une solitude maladive qui se suffit à elle même, une solitude que l'on ne doit pas approcher, tant elle est honteuse. Tous à se croiser, à se jeter des regards par en dessous, des sourires de connivence. Ils savent pourquoi ils sont là, ils savent ce qu'il ne va pas à l'intérieur d'eux mêmes, ils ne connaissent pas les détails mais ça n'a pas d'importance, ce qui compte c'est cet emballage à peine usé et pourtant déjà sale.

Arwen a l'air différente, parce qu'elle a des planètes sur sa peau et Louise s'approche. Elle s'assoit à côté d'elle, avec son livre sur les genoux et puis elle l'a regarde. Elle ne s'attend à rien et rien ne se passe mais Arwen respire un peu fort et elle pose son portable à plat sur sa cuisse puis elle regarde à son tour Louise et ses yeux sont très sombres et pleins d'une colère froide et figée qui n'a rien à voir avec la tristesse.

-Est ce que tu peux partir ?

Louise secoue la tête. Elle ne sait pas pourquoi mais ça lui fait du bien de se heurter à cette barrière, de se heurter aux mots coupants de Arwen. Elle avait presque oublié ce que ça faisait de se sentir misérable sous un regard parce que c'est comme ça que l'a regarde Arwen, elle a l'air de la haïr et Louise sourit.

-Non. Le canapé est à tout le monde.

Alors Arwen se lève et elle quitte la pièce. Louise s'allonge, elle regarde le plafond. Elle repense aux planètes et à la colère et elle se sent un peu mieux.


*


Louis est recroquevillée sur son lit. Son père vient d'appeller et elle a pleuré un peu. Il a dit qu'il viendrait la chercher un jour mais Louise sait que c'est faux, qu'il est trop loin et qu'il ne viendra jamais. En plus il ne sait pas où elle est, il ne sait pas qu'elle est partie de la maison, il ne sait pas qu'elle est toute seule dans des draps qui ne sentent rien, il ne sait pas pour les mots, pour la honte, il ne sait pas qu'elle n'est pas comme les autres, que quelque chose en elle ne va pas droit et n'est pas sain mais brûlé, oxidé, creusé. Mais c'est pas grave. Elle va aller mieux. Elle va finir ses études et trouver un travail, un logement. Elle va partir du Refuge.

On frappe à sa porte et elle ne répond rien. Elle fait comme si elle n'avait pas entendu mais ça ne marche pas, la porte s'ouvre et quelqu'un entre dans la pièce. Louise reste roulée en boule, elle ne bouge pas. Quelqu'un est juste derrière elle et elle sert très fort les paupières en espérant que la personne s'en aille parce que vraiment elle ne veut pas parler et NE ME TOUCHE PAS.

Louise se retourne d'un bond et c'est Arwen qui l'a regarde. Elle a l'air un peu surprise, presque choquée du geste de Louise qui tremble de larmes et de colère. De larmes de colère. Elle ne voulait pas que quelqu'un la voit comme ça. Surtout pas Arwen.

-Qu'est ce que tu fais là ?

-Je voulais savoir si tu avais un crayon, le mien ne marche plus.

Louise descend du lit et elle renverse son sac de cours sur le sol. Il y a tout qui s'éparpille, la trousse ouverte et les crayons qui roulent sur le sol. Arwen est debout et elle l'a regarde attraper un cahier et le balancer contre le mur et puis l'ouvrir et déchirer les feuilles. Louise a envie de crier sur Arwen parce qu'elle l'a dérangé mais elle ne sait pas faire ça alors elle déchire sa rage brouillonne dans les feuilles blanches et quand elle a assez tremblé et quand elle s'est enfin rendu compte du ridicule de la situation elle se laisse tomber contre le mur et elle se met à pleurer, la tête entre les mains. Entre ses larmes elle voit Arwen qui se penche et ramasse un crayon noir et qui dit merci et ferme la porte.

Shooting Star.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant